OPUSCULE - De la paix perpétuelle - Partie 4 et fin
Photo de PAPAPOUSS
DE LA PAIX PERPÉTUELLE,
PAR LE DOCTEUR GOODHEART.
- Partie 4 -
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XVIII - On sait assez comment les chrétiens, s’étant prodigieusement enrichis par le commerce pendant près de trois cents années, prêtèrent de l’argent à Constance Chlore, et à Constance, fils de ce Constance et d’Hélène sa concubine. Ce ne fut pas certainement par piété qu’un monstre tel que Constantin, souillé du sang de son beau-père, de son beau-frère, de son neveu, de son fils et de sa femme, embrassa le christianisme. L’empire dès lors pencha visiblement vers sa ruine.
Constantin commença d’abord par établir la liberté de toutes les religions, et aussitôt les chrétiens en abusèrent étrangement. Quiconque a un peu lu sait qu’ils assassinèrent le jeune Candidien, fils de l’empereur Galérius, et l’espérance des Romains ; qu’ils massacrèrent un fils de l’empereur Maximin presque au berceau, et sa fille âgée de sept ans ; qu’ils noyèrent leur mère dans l’Oronte ; qu’ils poursuivirent d’Antioche à Thessalonique l’impératrice Valéria, veuve de Galérius ; qu’ils hachèrent son corps en pièces et jetèrent ses membres sanglants dans la mer.
C’est ainsi que ces doux chrétiens se préparèrent au grand concile de Nicée ; c’est par ces saints exploits qu’ils engagèrent le Saint-Esprit à décider, au milieu des factions, que Jésus était omousios à Dieu, non pas omoiousios, chose très importante à l’empire romain (1). C’est dans la dernière partie des actes de ce concile de discorde qu’on lit le miracle opéré par le Saint-Esprit pour distinguer les livres canoniques des livres nommés apocryphes. On les met tous sur une table, et les apocryphes tombent tous à terre.
Plût à Dieu qu’il ne fût resté sur la table que ceux qui recommandent la paix, la charité universelle, la tolérance et l’aversion pour toutes ces disputes absurdes et cruelles qui ont désolé l’Orient et l’Occident ! Mais de tels livres, il n’y en avait point.
XIX – L’esprit de contention, d’irrésolution, de division, de querelle, avait présidé au berceau de l’Eglise. Paul, ce persécuteur des premiers chrétiens, que son dépit contre Gamaliel son maître avait rendu chrétien lui-même ; ce fougueux Paul, assassin d’Etienne, avait fait éclater l’insolence de son caractère contre Simon Barjone. Immédiatement après cette querelle, les disciples de Jésus, qui ne s’appelaient pas encore chrétiens, se divisèrent en deux partis, l’un nommé les pauvres, l’autre les nazaréens. Les pauvres, c’est-à-dire les ébionites, étaient demi-juifs, ainsi que leurs adversaires ; ils voulaient retenir la loi mosaïque ; les nazaréens nommés ainsi de Jésus, originaire de Nazareth, ne voulurent point de l’Ancien Testament ; ils ne le regardèrent que comme une figure du nouveau, une prophétie continuelle touchant Jésus, un mystère qui annonçait un nouveau mystère : cette doctrine étant beaucoup plus merveilleuse que l’autre, l’emporta à la fin, et les ébionites se confondirent avec les nazaréens.
Parmi ces chrétiens, chaque ville syrienne, égyptienne, grecque, romaine, eut sa secte qui différait des autres. Cette division dura jusqu’à Constantin : et au temps du grand concile de Nicée, tous ces petits partis furent étouffés par les deux grandes sectes des omoiousiens et des omousiens, les premiers tenant pour Arius et Eusèbe, les seconds pour Alexandre et Athanase ; et c’était le procès de l’ombre de l’âne : personne n’y comprenait rien. Constantin lui-même avait senti le ridicule de la dispute, et avait écrit aux deux partis « qu’il était honteux de se quereller pour un sujet si frivole. » Plus la dispute était absurde, plus elle devint sanglante ; une diphtongue de plus ou de moins ravagea l’empire romain trois cents années.
XX – Dès le quatrième siècle, l’Eglise d’Orient commence à se séparer de celle d’Occident : tous les évêques orientaux assemblés à Philippopoli, en 342, excommunient l’évêque de Rome, Jules. Et la haine, qui a été depuis irréconciliable entre les prêtres chrétiens qui parlent grec, et les prêtres chrétiens qui parlent latin, commence à éclater. On oppose partout concile à concile, et le Saint-Esprit, qui les inspire, ne peut empêcher que quelquefois les Pères ne se battent à coups de bâton. Le sang coule de tous côtés sous les enfants de Constantin, qui étaient des monstres de cruauté comme leur père. L’empereur Julien le Philosophe ne peut arrêter les fureurs des chrétiens. On devrait avoir continuellement sous les yeux la cinquante-deuxième lettre de ce grand empereur :
« Sous mon prédécesseur, plusieurs chrétiens ont été chassés, emprisonnés, persécutés ; on a égorgé une grande multitude de ceux qu’on nomme hérétiques, à Samosate en Paphlagonie, en Bithynie, en Galatie, en plusieurs autres provinces ; on a pillé, on a ruiné des villes. Sous mon règne, au contraire, les bannis ont été rappelés, les biens confisqués ont été rendus. Cependant ils sont venus à ce point de fureur, qu’ils se plaignent de ce qu’il ne leur est plus permis d’être cruels, et de se tyranniser les uns les autres. »
XXI – On sait assez que l’impitoyable Théodose (2), soldat espagnol parvenu à l’empire, cruel comme Sylla et dissimulé comme Tibère, feignit d’abord de pardonner au peuple de Thessalonique, ville où il avait reçu le baptême. Ce peuple était coupable d’une sédition arrivée en 390 dans les jeux du cirque. Mais au bout de six mois, après avoir promis de tout oublier, il invita le peuple à de nouveaux jeux ; et dès que le cirque fut rempli, il le fit entourer de soldats, avec ordre de massacrer tous les spectateurs, sans pardonner à un seul. On ne croit pas qu’il y ait jamais eu sur la terre une action si abominable. Cette horreur de sang-froid, qui n’est que trop vraie, ne paraît pas être dans la nature humaine : mais ce qui est plus contraire encore à la nature, c’est que des soldats aient obéi, et que, pour une solde modique, ces monstres aient égorgé quinze mille personnes sans défense, vieillards, femmes et enfants.
Quelques auteurs, pour excuser Théodose, disent qu’il n’y eut que sept mille hommes de massacrés ; mais il est aussi permis d’en compter vingt mille que de réduire le nombre à sept. Certes, il eût mieux valu que ces soldats eussent tué l’empereur Théodose, comme ils en avaient tué tant d’autres, que d’égorger quinze mille de leurs compatriotes. Le peuple romain n’avait point élu cet Espagnol pour qu’il le massacrât à son plaisir. Tout l’empire fut indigné contre lui et contre son ministre Rufin, principal instrument de cette boucherie. Il craignit que quelque nouveau concurrent ne saisit cette occasion pour lui arracher l’empire ; il courut soudain en Italie, où l’horreur de son crime soulevait tous les esprits contre lui, et, pour les apaiser, il s’abstint pendant quelque temps d’entrer dans l’église de Milan. Ne voilà-t-il pas une plaisante réparation ! expie-t-on le sang de ses sujets en n’allant point à la messe ? Toutes les histoires ecclésiastiques, toutes les déclamations sur l’autorité de l’Eglise, célèbrent la pénitence de Théodose ; et tous les précepteurs des princes catholiques proposent encore aujourd’hui pour modèles à leurs élèves les empereurs Théodose et Constantin, c’est-à-dire les deux plus sanguinaires tyrans qui aient souillé le trône des Titus, des Trajan, des Marc-Aurèle, des Alexandre Sévère, et du philosophe Julien, qui ne sut jamais que combattre et pardonner.
XXII – C’est sous l’empire de ce Théodose qu’un autre tyran nommé Maxime, pour engager dans son parti les évêques espagnols, leur accorde, en 383, le sang de Priscillien et de ses adhérents (3), que ces évêques poursuivaient comme hérétiques. Quelle était l’hérésie de ces pauvres gens ? on n’en sait que ce que leurs ennemis leur reprochaient. Ils n’étaient pas de l’avis des autres évêques ; et sur cela seul, deux prélats députés par les autres vont à Trèves, où était l’empereur Maxime ; ils font donner la question, en leur présence, à Priscillien et à sept prêtres, et les font périr par la main des bourreaux.
Depuis ce temps la loi s’établit dans l’Eglise chrétienne, que le crime horrible de n’être pas de l’avis des évêques les plus puissants serait puni par la mort ; et comme l’hérésie fut jugée le plus grand des crimes, l’Eglise, qui abhorre le sang, livra bientôt tous les coupables aux flammes. La raison en est évidente : il est certain qu’un homme qui n’est pas de l’avis de l’évêque de Rome est brûlé éternellement dans l’autre monde : Dieu est juste, l’Eglise de Dieu doit être juste comme lui ; elle doit donc brûler dans ce monde les corps que Dieu brûle ensuite dans l’autre ; c’est une démonstration de théologie.
XXIII – C’est encore sous le règne de Théodose, en 415, que cinq cents moines, brûlants d’un divin zèle, sont appelés par saint-Cyrille, pour venir égorger dans Alexandrie tous ceux qui ne croient pas en notre Seigneur Jésus. Ils soulèvent le peuple, ils blessent à coups de pierres le gouverneur, qui était assez insolent pour vouloir contenir leur saint emportement. Il y avait alors dans Alexandrie une fille nommée Hypatie, qu’on regardait comme un prodige de la nature. Le philosophe Théon, son père, lui avait enseigné les sciences ; elle les professait à l’âge de vingt-huit ans ; et les historiens, même chrétiens, disent que des talents si rares étaient relevés par une extrême beauté jointe à la plus grande modestie : mais elle était de l’ancienne religion égyptienne. Oreste, gouverneur d’Alexandrie, la protégeait ; c’en est assez. Saint Cyrille envoie un de ses sous-diacres, nommé Pierre, à la tête des moines et des autres factieux, à la maison d’Hypatie ; ils brisent les portes ; ils la cherchent dans tous les recoins où elle peut être cachée ; ne la trouvant point, ils mettent le feu à la maison : elle s’échappe, on la saisit, on la traîne dans l’église nommée la Césarée, on la dépouille nue : les charmes de son corps attendrissent quelques-uns de ces tigres ; mais les autres, considérant qu’elle ne croit pas en Jésus-Christ, l’assomment à coups de pierres, la déchirent et traînent son corps par la ville.
Quel contraste s’offre ici aux lecteurs attentifs ! Cette Hypatie avait enseigné la géométrie et la philosophie platonicienne à un homme riche, nommé Synesius, qui n’était pas encore baptisé ; les évêques égyptiens voulurent absolument avoir Synesius le riche pour collège, et lui firent conférer l’évêché de Ptolémaïde. Il leur déclara que s’il était évêque, il ne se séparerait point de sa femme, quoique cette séparation fût ordonnée depuis quelque temps aux prélats ; qu’il ne voulait pas renoncer au plaisir de la chasse, qui était défendue aussi ; qu’il n’enseignerait jamais des mystères qui choquent le bon sens ; qu’il ne pouvait croire que l’âme fut produite après le corps : que la résurrection et plusieurs autres doctrines des chrétiens lui paraissaient des chimères ; qu’il ne s’élèverait pas publiquement contre elles, mais que jamais il ne les professerait ; que si on voulait le faire évêque à ce prix, il ne savait pas même encore s’il daignait y consentir.
Les évêques persistèrent : on le baptisa, on le fit diacre, prêtre, évêque ; il concilia sa philosophie avec son ministère ; c’est un des faits les plus avérés de l’histoire ecclésiastique. Voilà donc un platonicien, un théiste, un ennemi des dogmes chrétiens, évêque avec l’approbation de tous ses collègues, et ce fut le meilleur des évêques, tandis qu’Hypatie est pieusement assassinée dans l’église, par les ordres ou du moins par la connivence d’un évêque d’Alexandre décoré du nom de saint. Lecteur, réfléchissez et jugez ; et vous, évêques, tâchez d’imiter Synesius (4).
XXIV – Pour peu qu’on lise l’histoire, on voit qu’il n’y a pas eu un seul jour où les dogmes chrétiens n’aient fait verser le sang, soit en Afrique, soit dans l’Asie-Mineure, soit dans la Syrie, soit en Grèce, soit dans les autres provinces de l’empire. Et les chrétiens n’ont cessé de s’égorger en Afrique et en Asie que quand les musulmans, leur vainqueurs, les ont désarmés et ont arrêté leurs fureurs.
Mais à Constantinople, et dans le reste des Etats chrétiens, l’ancienne rage prit de nouvelles forces. Personne n’ignore ce que la querelle sur le culte des images a coûté à l’empire romain. Quel esprit n’est pas indigné, quel cœur n’est pas soulevé, quand on voit deux siècles de massacres pour établir un culte de dulie à l’image de saint Potamienne et de sainte Ursule ? Qui ne sait que les chrétiens, dans les trois premiers siècles, s’étaient fait un devoir de n’avoir jamais d’images ? Si quelque chrétien avait alors osé placer un tableau, une statue dans une église, il aurait été chassé de l’assemblée comme un idolâtre. Ceux qui voulurent rappeler ces premiers temps ont été regardés longtemps comme d’infâmes hérétiques : on les appelait iconoclastes ; et cette sanglante querelle a fait perdre l’Occident aux empereurs de Constantinople.
XXV – Ne répétons point ici par quels degrés sanglants les évêques de Rome se sont élevés, comment ils sont parvenus jusqu’à l’insolence de fouler les rois à leurs pieds, et jusqu’au ridicule d’être infaillibles. Ne redisons point comment ils ont donné tous les trônes de l’Occident, et ravi l’argent de tous les peuples ; ne parlons point de vingt-sept schismes sanglants de papes contre papes qui se disputaient nos dépouilles. Ces temps d’horreurs et d’opprobres ne sont que trop connus. On a dit (5) assez que l’histoire de l’Eglise est l’histoire des folies et des crimes.
XXVI –
Omnia jam vulgata.
VIR., Georg., lib III, v. 4.
Il faudrait que chacun eût au chevet de son lit un cadre, où fussent écrits en grosses lettres : « Croisades sanglantes contre les habitants de la Prusse et contre le Languedoc ; massacres de Mérindol ; massacres en Allemagne et en France au sujet de la réforme ; massacres de la Saint-Barthélemy ; massacres d’Irlande ; massacres des vallées de Savoie ; massacres juridiques ; massacres de l’inquisition ; emprisonnements, exils sans nombre pour des disputes sur l’ombre de l’âne. »
On jetterait tous les matins un œil d’horreur sur ce catalogue de crimes religieux, et on dirait pour prière : « Mon Dieu, délivrez-nous du fanatisme. »
XXVII – Pour obtenir cette grâce de la miséricorde divine, il est nécessaire de détruire, chez tous les hommes qui ont de la probité et quelques lumières, les dogmes absurdes et funestes qui ont produit tant de cruautés. Oui, parmi ces dogmes, il en est peut-être qui offensent la Divinité autant qu’ils pervertissent l’humanité.
Pour en juger sainement, que quiconque n’a pas abjuré le sens commun se mette seulement à la place des théologiens qui combattirent ces dogmes avant qu’ils fussent reçus ; car il n’y a pas une seule opinion théologique qui n’ait eu longtemps et qui n’ait encore des adversaires : pesons les raisons de ces adversaires ; voyons comment ce qu’on croyait autrefois un blasphème est devenu un article de foi. Quoi ! le Saint-Esprit ne procédait pas hier, et aujourd’hui il procède ! quoi ! avant-hier Jésus n’avait qu’une nature et une volonté, et aujourd’hui il en a deux ! quoi ! la cène était une commémoration, et aujourd’hui !... n’achevons pas, de peur d’effrayer, par nos paroles, plusieurs provinces de l’Europe. Eh ! mes amis, qu’importe que tous ces mystères soient vrais ou faux ? quel rapport peuvent-ils avoir avec le genre humain, avec la vertu ? est-on plus honnête homme à Rome qu’à Copenhague ? fait-on plus de bien aux hommes en croyant manger Dieu en chair et en os qu’en croyant le manger par la foi ?
XXVIII – Nous supplions le lecteur attentif, sage et homme de bien, de considérer la différence infinie qui est entre les dogmes et la vertu. Il est démontré que si un dogme n’est pas nécessaire en tout lieu et en tout temps, il n’est nécessaire ni en aucun temps ni en aucun lieu. Or certainement les dogmes qui enseignent que l’Esprit procède du Père et du Fils n’ont été admis dans l’Eglise latine qu’au huitième siècle, et jamais dans l’Eglise grecque. Jésus n’a été déclaré consubstantiel à Dieu qu’en 325 ; la descente de Jésus aux enfers n’est que du cinquième siècle ; il n’a été décidé qu’au sixième que Jésus avait deux natures, deux volontés, et une personne ; la transsubstantiation n’a été admise qu’au douzième.
Chaque Eglise a encore aujourd’hui des opinions différentes sur tous ces principaux dogmes métaphysiques : ils ne sont donc pas absolument nécessaires à l’homme. Quel est le monstre qui osera dire de sang-froid qu’on sera brûlé éternellement pour avoir pensé à Moscou d’une manière opposée à celle dont on pense à Rome ? quel imbécile osera affirmer que ceux qui n’ont pas connu nos dogmes il y a seize cents ans seront à jamais punis d’être nés avant nous ? Il n’en est pas de même de l’adoration d’un Dieu, de l’accomplissement de nos devoirs. Voilà ce qui est nécessaire en tout lieu et en tout temps. Il y a donc l’infini entre le dogme et la vertu.
Un Dieu adoré de cœurs et de bouche, et tous les devoirs remplis, font de l’univers un temple, et des frères de tous les hommes. Les dogmes font du monde un antre de chicane, et un théâtre de carnage. Les dogmes n’ont été inventés que par des fanatiques et des fourbes : la morale vient de Dieu.
XXIX – Les biens immenses que l’Eglise a ravis à la société humaine sont le fruit de la chicane du dogme ; chaque article de foi a valu des trésors, et c’est pour les conserver qu’on a fait couler le sang. Le purgatoire des morts a fait seul cent mille morts : qu’on me montre dans l’histoire du monde entier une seule querelle sur cette profession de foi : « J’adore Dieu, et je dois être bienfaisant !
XXX – Tout le monde sent la force de ces vérités. Il faut donc les annoncer hautement ; il faut ramener les hommes, autant qu’on le peut, à la religion primitive, à la religion que les chrétiens eux-mêmes confessent avoir été celle du genre humain, du temps de leur Chaldéen ou de leur Indien Abraham ; du temps de leur prétendu Noé, dont aucune nation, hors les Juifs, n’entendit jamais parler ; du temps de leur prétendu Enoch, encore plus inconnu. Si, dans ces époques, la religion était la vraie ; elle l’est donc aujourd’hui. Dieu ne peut changer ; l’idée contraire est un blasphème.
XXXI – Il est évident que la religion chrétienne est un filet dans lequel les fripons ont enveloppé les sots pendant plus de dix-sept siècles, et un poignard dont les fanatiques ont égorgé leurs frères pendant plus de quatorze.
XXXII – Le seul moyen de rendre la paix aux hommes est donc de détruire tous les dogmes qui les divisent, et de rétablir la vérité qui les réunit ; c’est donc là en effet la paix perpétuelle. Cette paix n’est point une chimère ; elle subsiste chez tous les honnêtes gens, depuis la Chine jusqu’à Québec : vingt princes de l’Europe l’ont embrassée assez publiquement ; il n’y a plus que les imbéciles qui s’imagines croire les dogmes : ces imbéciles sont en grand nombre, il est vrai ; mais le petit nombre, qui pense, conduit le grand nombre avec le temps. L’idole tombe, et la tolérance universelle s’élève chaque jour sur ses débris : les persécuteurs sont en horreur au genre humain.
Que tout homme juste travaille donc, chacun selon son pouvoir, à écraser le fanatisme, et à ramener la paix que ce monstre avait bannie des royaumes, des familles, et du cœur des malheureux mortels. Que tout père de famille exhorte ses enfants à n’obéir qu’aux lois, et à n’adorer que Dieu.
1 – Voyez, dans le Dictionnaire philosophique, l’article ABUS DES MOTS. (G.A.)
2 – Voyez, dans le Dictionnaire philosophique, l’article THÉODOSE. (G.A.)
3 – Voyez l’Essai, chapitre XLV. (G.A.)
4 – Nombre d’évêques l’imitèrent en 1792 et 1793. (G.A.)
5 – Voyez l’Essai, chapitre CXCVII. (G.A.)