OPUSCULE - Lettre d'un jeune abbé
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LETTRE D’UN JEUNE ABBÉ.
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- 1769 -
[Les sept écrits qui suivent sont relatifs à la réforme des parlements accomplie par Maupeou. Ils ne figurent pas dans l’édition de Kehl.] (G.A.)
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Mais, vraiment, l’opéra-comique et les enquêtes occupent beaucoup Paris, en attendant que les boulevards reprennent leur ascendant ordinaire.
Il court une Lettre de la noblesse de France, dans laquelle on dit que le roi n’est entouré que d’Hommes aveugles et corrompus. La lettre n’a pas été signée apparemment par les seigneurs qui sont auprès du roi. Il paraît qu’elle est écrite par la noblesse de la basoche. Elle demande la révocation des actes qui infirment le grand corps du parlement.
Je ne savais pas que ce corps fût infirmé. Il pouvait avoir quelques infirmités ; les humeurs étaient trop en mouvement, il avait besoin de régime ; mais les premiers seigneurs du royaume n’en sont pas plus corrompus pour cela. S’il y a quelque corruption, quelques dépravations dans leurs mœurs, ces petites libertés passent avec l’âge. M. l’abbé Grizel, confesseur de M. l’archevêque, mettra ordre à tout dès que son procès sera fini.
L’auteur, qui ne paraît pas trop instruit des lois du royaume, propose à la noblesse de s’assembler. Il ne sait pas qu’elle ne s’assemble que par les ordres du roi. C’est ainsi qu’elle fut convoquée à Fontenoi, à Raucoux, à Laufelt, avec plusieurs princes du sang. Ces parlements furent très nombreux, le roi présidait. Les avis ne furent point partagés, et les arrêts furent très éclatants. Voilà comme la noblesse tient ses séances.
Elle n’est pas riche ; elle est très sensible à la grâce qu’elle a reçue de faire rendre justice dans ses terres aux dépens de sa majesté : et elle ne fera point la guerre de la Fronde sur ce que le parlement est infirmé, et qu’un pair du royaume (1) est dit entaché par messieurs.
Je suis fâché que l’auteur n’ait pas convoqué le clergé. Je ne sais si notre archevêque serait venu officier à la cohue des enquêtes avec un poignard dans sa poche, comme M. le Coadjuteur. Pour moi, je me serais contenté de prier Dieu pour que nos rentes fussent bien payées.
A l’égard du tiers-état, je crois qu’il seconderait mes prières, et qu’il ne ferait point de barricades.
Il pleut des remontrances. On lit la première, on parcourt la seconde, on bâille à la troisième, on ignore les dernières ; cela est mis au rebut comme les ouvrages de l’abbé Guyon et des ex-jésuites.
Nous attendons pourtant avec impatience les remontrances de la cour des monnaies, qui, dit-on, feront circuler l’argent, et celles des eaux et forêts ; car, en vérité, le bois est trop cher à Paris.
Je compte aussi faire une remontrance au roi pour avoir un meilleur bénéfice que celui que je possède. Mais messieurs de la basoche peuvent être sûrs que je ne serai jamais l’aumônier d’aucun des régiments qu’ils voudraient lever pour renouveler la guerre des pots de chambre.
Si jamais on coupe les oreilles à leur secrétaire, je m’offre seulement à le confesser et à le préparer, etc.
1 – Le duc d’Aiguillon. (G.A.)