SIECLE DE LOUIS XIV - CATALOGUE - Écrivains - Partie 3 - B
Photo de PAPAPOUSS
CATALOGUE
DE LA PLUPART DES ÉCRIVAINS FRANÇAIS
QUI ONT PARU DANS LE SIÈCLE DE LOUIS XIV,
Pour servir à l’histoire littéraire de ce temps.
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BEAUSOBRE (Isaac de)
1659 - 1738
Né à Niort, d’une maison distinguée dans la profession des armes, l’un de ceux qui ont fait honneur à leur patrie qu’ils ont été forcés d’abandonner. Son Histoire du Manichéisme est un des livres les plus profonds, les plus curieux, et les mieux faits. On y développe cette religion philosophique de Manès, qui était la suite des dogmes de l’ancien Zoroastre et de l’ancien Hermès ; religion qui séduisit longtemps saint Augustin. Cette histoire est enrichie de connaissances de l’antiquité ; mais enfin ce n’est (comme tant d’autres livres moins bons) qu’un recueil des erreurs humaines. Mort à Berlin en 1738.
BENSERADE (Isaac de)
1612 - 1691
Né en Normandie. Sa petite maison de Gentilly, où il se retira sur la fin de sa vie, était remplie d’inscriptions en vers, qui valaient bien ses autres ouvrages ; c’est dommage qu’on ne les ait pas recueillies. Mort en 1691.
BERGIER (Nicolas)
? - 1623
Il a eu le titre d’historiographe de France ; mais il est plus connu par sa curieuse Histoire des grands chemins de l’empire romain, surpassés aujourd’hui par les nôtres en beauté, mais non pas en solidité. Son fils mit la dernière main à cet ouvrage utile, et le fit imprimer sous Louis XIV. Mort en 1623.
BERNARD (Melle)
? - ?
Auteur de quelques pièces de théâtre, conjointement avec le célèbre Bernard de Fontenelle, qui a fait presque tout le Brutus. Il est bon d’observer que la Fable allégorique de l’imagination et du bonheur, qu’on a imprimée sous son nom, est de l’évêque de Nîmes, La Parisière, successeur de Fléchier.
BERNARD (Jacques)
1658 - 1718
Du Dauphiné, né en 1658, savant littérateur. Ses journaux ont été estimés. Mort en Hollande, en 1718.
BERNIER (François)
1625 - 1688
Surnommé le Mogol ; né à Angers, vers l’an 1625. Il fut huit ans médecin de l’empereur des Indes. Ses Voyages sont curieux. Il voulut, avec Gassendi, renouveler en partie le système des atomes d’Épicure ; en quoi certes il avait très-grande raison, les espèces ne pouvant être toujours reproduites les mêmes, si les premiers principes ne sont invariables ; mais alors les romans de Descartes prévalaient. Mort en vrai philosophe, en 1688.
BIGNON (Jérôme)
1589 - 1656
Il a laissé un plus grand nom que de grands ouvrages. Il n’était pas encore du bon temps de la littérature. Le parlement, dont il fut avocat général, chérit avec raison sa mémoire. Mort en 1656.
BILLAUD (Adam)
? - 1662
Connu sous le nom de Maître Adam, menuisier à Nevers. Il ne faut pas oublier cet homme singulier qui, sans aucune littérature, devint poète dans sa boutique. On ne peut s’empêcher de citer de lui ce rondeau, qui vaut mieux que beaucoup de rondeaux de Benserade :
Pour te guérir de cette sciatique
Qui te retient comme un paralytique
Dedans ton lit sans aucun mouvement,
Prends-moi deux brocs d’un fin jus de sarment,
Puis lis comment on le met en pratique.
Prends-en deux doigts, et bien chauds les applique
Dessus l’externe où la douleur te pique ;
Et du boiras le reste promptement
Pour te guérir.
Sur cet avis ne soit point hérétique ;
Car je te fais un serment authentique
Que si tu crains ce doux médicament.
Ton médecin, pour ton soulagement,
Fera l’essai de ce qu’il communique
Pour te guérir.
Il eut des pensions du cardinal de Richelieu, et de Gaston, frère de Louis XIII. Mort en 1662.
BOCHART (Samuel)
1599 - 1667
Né à Rouen en 1599, calviniste, un des plus savants hommes de l’Europe dans les langues et dans l’histoire, mais systématique, comme tous les savants. Il fut un de ceux qui allèrent en Suède instruire et admirer la reine Christine. Mort en 1667.
BOILEAU DESPRÉAUX (Nicolas)
1636 - 1711
De l’Académie (1), né au village de Crône, auprès de Paris, en 1636. Il essaya du barreau, et ensuite de la Sorbonne. Dégoûté de ces deux chicanes, il ne se livra qu’à son talent, et devint l’honneur de la France. On a tant commenté ses ouvrages, on a chargé ces commentaires de tant de minuties, que tout ce qu’on pourrait dire ici serait superflu.
On fera seulement une remarque qui paraît essentielle : c’est qu’il faut distinguer soigneusement dans ses vers ce qui est devenu proverbe d’avec ce qui mérite de devenir maxime. Les maximes sont nobles, sages et utiles. Elles sont faites pour les hommes d’esprit et de goût, pour la bonne compagnie. Les proverbes ne sont que pour le vulgaire, et l’on sait que le vulgaire est de tous les états.
Pour paraître honnête homme, en un mot il faut l’être.
On me verra dormir au branle de sa roue (**).
Chaque âge à ses plaisirs, son esprit, et ses mœurs.
L’esprit n’est point ému de ce qu’il ne croit pas.
Le vrai peut quelquefois n’être pas vraisemblable.
Voilà ce qu’on doit appeler des maximes dignes des honnêtes gens. Mais pour des vers tels que ceux-ci :
J’appelle un chat un chat, et Rolet un fripon.
S’en va chercher son pain de cuisine en cuisine.
Quand je veux dire blanc, la quinteuse dit noir.
Aimez-vous la muscade ? on en a mis partout.
La raison dit Virgile ? et la rime Quinault.
ce sont là plutôt des proverbes du peuple que des vers dignes d’être retenus par les connaisseurs. Mort en 1711.
* Dans la première édition du Siècle, l’article BOILEAU n’avait que quelques mots : « Boileau Despréaux (Nicolas), né à Paris en 1636, le plus correct de nos poètes. On a tant commenté ses ouvrages qu’un éloge est ici superflu, mort en 1711. » (G.A.)
** La roue de la Fortune.
BOILEAU (Gilles)
1631 - 1669
Né à Paris en 1631, frère aîné du fameux Boileau. Il a fait quelques traductions qui valent mieux que ses vers. Mort en 1669.
BOILEAU (Jacques)
? - 1716
Autre aîné de Despréaux, docteur de Sorbonne : esprit bizarre, qui a fait des livres bizarres, écrits dans un latin extraordinaire, comme l’Histoire des flagellants, les Attouchements impudiques, les Habits des prêtres, etc. On lui demandait pourquoi il écrivait toujours en latin : « C’est, dit-il, de peur que les évêques ne me lisent ; ils me persécuteraient. » Mort en 1716.
BOINDIN (Nicolas)
? – 1751
Trésorier de France et procureur du roi de sa compagnie, de l’Académie des belles-lettres, connu par d’excellentes recherches sur les théâtres anciens, et sur les tributs romaines, par la jolie comédie du Port de mer. C’était un critique dur ; le Dictionnaire historique et janséniste le traite d’athée. Il n’a jamais rien écrit sur la religion. Pourquoi insulter ainsi à la mémoire d’un magistrat que les auteurs de ce Dictionnaire n’ont point connu ? Quelle insolence punissable ! Comme il était mort sans sacrements, les prêtres de sa paroisse voulaient lui refuser la sépulture, espèce de juridiction qu’ils prétendent avoir droit d’exercer ; mais le gouvernement et les magistrats qui veillent au maintien des lois, de la décence, et des mœurs, répriment avec soin ces actes de superstition et de barbarie. Cependant on craignit que ces prêtres n’ameutassent le petit peuple contre le convoi de Boindin, ainsi qu’ils l’avaient ameuté contre celui de Molière, et Boindin fut enterré sans cérémonie. Mort en 1751.
BOSSUET (Jacques-Bénigne)
1627 - 1704
De Dijon, né en 1627, évêque de Condom, et ensuite de Meaux. On a de lui cinquante-un ouvrages (*) ; mais ce sont ses Oraisons funèbres et son Discours sur l’Histoire universelle qui l’ont conduit à l’immortalité. On a imprimé plusieurs fois que cet évêque a vécu marié, et Saint-Hyacinthe, connu par la part qu’il eut à la plaisanterie de Mathanasius, a passé pour son fils ; mais c’est une fausseté reconnue. La famille des Secousses, considérée dans Paris, et qui a produit des personnes de mérite, assure qu’il y eut un contrat de mariage secret entre Bossuet, encore très-jeune, et Melle Desvieux ; que cette demoiselle fit le sacrifice de sa passion et de son état à la fortune que l’éloquence de son amant devait lui procurer dans l’Eglise ; qu’elle consentit à ne jamais se prévaloir de ce contrat, qui ne fut point suivi de la célébration ; que Bossuet, cessant ainsi d’être son mari, entra dans les ordres ; et qu’après la mort du prélat, ce fut cette même famille qui régla les reprises et les conventions matrimoniales. Jamais cette demoiselle n’abusa, dit cette famille, du secret dangereux qu’elle avait entre les mains. Elle vécut toujours l’amie de l’évêque de Meaux, dans une union sévère et respectée. Il lui donna de quoi acheter la petite terre de Mauléon, à cinq lieues de Paris. Elle prit alors le nom de Mauléon, et a vécu près de cent années. On raconte qu’ayant dit au jésuite La Chaise, confesseur de Louis XIV : « On sait que je ne suis pas janséniste, » La Chaise répondit : « On sait que vous n’êtes que mauléoniste. » Au reste, on a prétendu que ce grand homme avait des sentiments philosophiques différents de sa théologie, à peu près comme un savant magistrat qui, jugeant selon la lettre de la loi, s’élèvera quelquefois en secret au-dessus d’elle par la force de son génie. Mort en 1704 (**).
* On peut même dire plus, quatre-vingt-dix. (G.A.)
** Sur le prétendu mariage de Bossuet. (G.A.)