ÉCLAIRCISSEMENTS HISTORIQUES - Partie 4
Photo de PAPAPOUSS
ÉCLAIRCISSEMENTS HISTORIQUES.
XVIIIe SOTTISE DE NONOTTE.
Sur Jeanne d’Arc.
Que cet homme charitable insulte encore aux cendres de Jean Hus et de Jérôme de Prague, cela est digne de lui ; qu’il veuille nous persuader que Jeanne d’Arc était inspirée, et que Dieu envoyait une petite fille au secours de Charles VIII contre Henri VI, on pourra rire : mais il faut au moins relever la mauvaise foi avec laquelle il falsifie le procès-verbal de Jeanne d’Arc, que nous avons dans les Actes de Rymer.
Interrogée en 1431, elle dit qu’elle est âgée de vingt-neuf ans ; donc, quand elle alla trouver le roi en 1429, elle avait vingt-sept ans ; donc le libelliste est un assez mauvais calculateur, quand il assure qu’elle n’en avait que dix-neuf (1). Il fallait douter.
1 – Nonotte a raison. C’était là tout l’article en 1763. Mais depuis Voltaire y fit des additions nombreuses, qui furent reproduites en 1770 dans les Questions sur l’Encyclopédie, et qui forment aujourd’hui l’article JEANNE D’ARC dans le Dictionnaire philosophique. On lisait à la fin des Additions : « Apprends, Nonotte, comme il faut étudier l’histoire quand on ose en parler. »
XIXe SOTTISE DE NONOTTE.
Sur Rapin-Thoyras.
Il attaque, page 185, l’exact et judicieux Rapin-Thoyras ; il dit qu’il n’était ni de son goût, ni sûr pour lui, de se déclarer pour la pucelle d’Orléans. Ne voilà-t-il pas un homme bien instruit des mœurs de l’Angleterre ! Un auteur y écrit assurément tout ce qu’il veut, et avec la plus entière liberté : et d’ailleurs le gentilhomme que ce libelliste insulte ne composa point son histoire en Angleterre, mais à Vesel, où il a fini sa vie (1).
Il faut ajouter ici un mot sur l’aventure miraculeuse de Jeanne d’Arc. Ce serait un plaisant miracle que celui d’envoyer exprès une petite fille au secours des Français contre les Anglais, pour la faire brûler ensuite !
1 – En 1725. (G.A.)
XXe SOTTISE DE NONOTTE.
Sur Mahomet II, et la prise de Constantinople.
L’auteur du libelle renouvelle le beau conte de Mahomet II, qui coupa la tête à sa maîtresse Irène pour faire plaisir à ses janissaires. Ce conte est assez réfuté par les annales turques, et par les mœurs du sérail, qui n’ont jamais permis que le secret de l’empereur fût exposé aux raisonnements de la milice.
Il nie que la moitié de la ville de Constantinople ait été prise par composition ; mais les annales turques rédigées par le prince Cantemir, et les Eglises grecques qui subsistèrent, sont d’assez bonnes preuves que le libelliste ne connaît pas plus l’histoire des Turcs que la nôtre.
XXIe SOTTISE DE NONOTTE.
Sur la taxe des péchés.
L’auteur du libelle demande « où est cette licence déshonorante, cette taxe honteuse, ces prix faits, etc., qui avaient passé en coutume en droit et en loi. » Qu’il lise donc la taxe de la chancellerie romaine, imprimée à Rome, en 1514, chez Marcel Silbert, au champ de Flore, et l’année d’après à Cologne, chez Gosvinus Colinius enfin à Paris, en 1520, chez Toussaint Denys, rue Saint-Jacques (1). Le premier titre est : De causis matrimonialibus.
« In causis matrimonialibus, pro contractu quarti gradûs, taxa est turonenses septem, ducatus unus, carlini sex. »
Faut-il que ce pauvre homme nous oblige ici de dire que dans le titre 18 on donne l’absolution pour cinq carlins à celui qui a connu sa mère ? que pour un père et une mère qui auront tué leur fils, il n’en coûte que six tournois et deux ducats ? et si on demande l’absolution de péché du sodomie et de la bestialité, avec la clause inhibitoire, il n’en coûte que trente-six tournois et neuf ducats ? Après de telles preuves, que ce libelliste se taise, ou qu’il paye pour ses péchés.
1 – Voyez, dans le Dictionnaire philosophique, l’article TAXE. (G.A.)
XXIIe SOTTISE DE NONOTTE.
Sur le droit des séculiers de confesser.
Il demande où l’historien a pris que les séculiers, et les femmes mêmes, avaient droit de confesser. Où, mon pauvre ignorant ? dans saint Thomas, page 255 de la troisième partie, édition de Lyon 1738. « Confessio ex defectu sacerdotis laïco facta sacramentalis est quodammodo. » Ignorez-vous combien d’abbesses confessèrent leurs religieuses (1) ? On ne peut mieux faire que de rapporter ici une partie d’une lettre d’un très savant homme datée de Valence, du 1er février 1769, concernant cet usage, que Nonotte ignore.
« L’auteur demande si on pourrait lui citer quelque abbesse qui ait confessé ses religieuses.
On lui répondra, avec M. l’abbé Fleury, livre LXXVI, tome XVI, page 246, de l’Histoire ecclésiastique, « qu’il y avait en Espagne des abbesses qui donnaient la bénédiction à leurs religieuses, entendaient leurs confessions, et prêchaient publiquement, lisant l’Evangile ; que ce fait paraît par une lettre du pape, du 10 décembre 1210. C’est Innocent III, etc. »
J’ajoute à la remarque de ce vrai savant l’autorité de saint Basile, dans ses Règles abrégées, tome II, page 453. Il est permis à l’abbesse d’entendre, avec le prêtre, les confessions de ses religieuses. J’ajoute encore que le père Martène, dans ses Tites de l’Eglise, tome II, page 39, affirme que les abbesses confessaient d’abord leurs nonnes, et qu’elles étaient si curieuses, qu’on leur ôta ce droit (2) ; Nous parlerons encore de l’ignorance du confesseur Nonotte sur la confession, dans un autre article.
1 – Tout ce qui suit est de 1769. (G.A.)
2 – Et il pouvait encore invoquer comme preuve la règle de saint Donat, qui ordonnait aux religieuses de découvrir trois fois par jour leurs fautes à la supérieure. (G.A.)
XXIIIe SOTTISE DUDIT NONOTTE.
L’auteur du libelle, en parlant du calvinisme, prétend que l’historien ménage toujours beaucoup Calvin et Luther. Il doit savoir assez que l’historien ne respecte que la vérité ; qu’il a condamné hautement le meurtre de Servet, toutes les fureurs dans la guerre, et tous les emportements dans la paix ; qu’il déteste la persécution et le fanatisme partout où il les trouve. La devise de cet histoire est :
Illiacos intra muros pecatur et extra.
HOR., lib. I, ép. II.
Il ne fait pas plus de cas de Luther et de Calvin que du jésuite Letellier (1) ; mais il croit que Luther, Calvin, et les autres auteurs de la réforme, rendirent un grand service aux souverains, en leur enseignant qu’aucun de leurs droits ne pouvait dépendre d’un évêque.
1 – Ce qui suit est de 1777. (G.A.)
XXIVe SOTTISE DE NONOTTE.
Sur François Ier.
L’auteur du libelle porte l’esprit de persécution jusqu’à rapporter ce qui est imputé au roi François Ier par Florimond de Raymond, cité avec tant de complaisance dans le jésuite Daniel : « Si je savais un de mes enfants entaché d’opinions contre l’Eglise romaine, je le voudrais moi-même sacrifier » Voilà ce que l’auteur du libelle appelle une tendre piété, page 255. Quoi ! François Ier, qui accordait à Barberousse une mosquée en France, aurait eu une piété assez tendre pour égorger le dauphin, s’il avait voulu prier Dieu en français, et communier avec du pain levé du vin ! François Ier, par une politique malheureuse, aurait-il prononcé ces paroles barbares ? De Thou, Duhaillan les rapportent-ils ? et quand ils les auraient rapportées, quand elles seraient vraies, que faudrait-il répondre ? que François Ier aurait été un père dénaturé, ou qu’il ne pensait pas ce qu’il disait. Mais il n’y a de père dénaturé que père Nonotte.
XXVe SOTTISE DE NONOTTE.
Sur la Saint-Barthélemy.
Malheureux ! avez-vous été aidé dans votre libelle par l’auteur de l’Apologie de la Saint-Barthélemy (1) ? Il paraît que vous excusez ces massacres. Vous dites qu’ils ne furent jamais prémédités : lisez donc Mézerai, qui avoue que « dès la fin de l’année 1570, on continuait dans le grand dessein d’attirer les huguenots dans le piège, » page 156, tome V, édition d’Amsterdam. Votre Daniel ne dit-il pas que Charles IX joua bien son rôlet ? et n’avait-il pas copié ces paroles de l’historiographe Matthieu ? Quel rôlet, grand Dieu ! et dans combien de mémoires ne trouve-t-on pas cette funeste vérité !
Un critique qui se trompe n’est que méprisable ; mais un homme qui excuserait la Saint-Barthélemy serait un coquin punissable. Vous jouez, Nonotte, un indigne rôlet.
1 – Caveyrac. (G.A.)
XXVIe SOTTISE DE NONOTTE.
Sur le duc de Guise et les barricades.
Voici les propres paroles de Nonotte :
« Quant à la défense que Henri III fit au duc de Guise de venir à Paris, l’auteur de l’Essai sur les mœurs dit que le roi fut obligé de lui écrire par la poste, parce qu’il n’avait point d’argent pour payer un courrier. »
Pauvre libelliste ! citez mieux. Il y a dans le texte : « Il écrit deux lettres, ordonne qu’on dépêche deux courriers ; il ne se trouve point d’argent dans l’épargne pour cette dépense nécessaire : on met les lettres à la poste, et le duc de Guise vient à Paris, ayant pour excuse apparente qu’il n’a point reçu l’ordre. »
Voulez-vous savoir maintenant d’où est tirée cette anecdote ? des Mémoires de Nevers, et d’un journal de L’Estoile. Vous traitez cet auteur de petit bourgeois ; L’Estoile était d’une ancienne noblesse ; mais, qu’il ait été bourgeois ou fils d’un crocheteur de Besançon (1), voici ses paroles, page 95, tome II :
« Il y avait cependant une négociation entamée à Soissons entre le duc de Guise et Bellièvre, qui devait dans trois jours lui apporter des sûretés de la part du roi. Des affaires plus pressées empêchèrent Bellièvre d’aller finir la commission : il écrivit néanmoins au duc de Guise pour l’avertir de son retard ; mais le commis de l’épargne, c’est-à-dire du trésor royal, refusa de donner vingt-cinq écus pour faire partir les deux courriers qu’on envoyait à Soissons : l’on mit les deux paquets à la poste, et ils arrivèrent trop tard, parce que le duc de Guise pressé par les ligueurs de se rendre à Paris, partit de Soissons au bout de trois jours. »
1 – Nonotte était de Besançon. Voyez plus loin les Honnêtetés littéraires, et dans le T. IV, la Lettre d’un avocat de Besançon.(G.A.)