ÉCLAIRCISSEMENTS HISTORIQUES - Partie 2
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ÉCLAIRCISSEMENTS HISTORIQUES,
VIIe SOTTISE DE NONOTTE.
Sur Ammien Marcellin, et sur un passage important.
Le libelliste s’exprime ainsi, page 48… « Ammien Marcellin ne dit nulle part qu’il avait vu les chrétiens se déchirer comme des bêtes féroces. L’auteur de l’Essai sur les mœurs, etc., calomnie en même temps Ammien Marcellin et les chrétiens. »
Qui est le calomniateur, ou de vous, ou de l’auteur de l’Essai sur les mœurs ? Premièrement, vous citez faux ; il n’y a point dans le texte qu’Ammien Marcellin ait vu ; il y a que de son temps les chrétiens se déchiraient. Secondement, voici les paroles d’Ammien Marcellin, page 223, édition de Henri de Valois : His efferatis hominum mentibus… iram in Georgium episcopum verterunt, vipereis morsibus ab eo sœpius appetiti. On demande au libelliste quel est le caractère des vipères. Sont-elles douces ? sont-elles féroces ? d’ailleurs a-t-on besoin (1) du témoignage d’Ammien Marcellin pour savoir que les eusébiens et les athanasiens exercèrent les uns contre les autres la plus détestable fureur ? Jusqu’à quand arborera-t-on l’intolérance et le mensonge !
1 – N.B. – M. Damilaville pouvait cité un autre passage d’Ammien Marcellin beaucoup plus fort ; c’est à la fin du chap. V, livre XXII. Je me sers de la traduction très estimée faite à Berlin, imprimée cette année 1775, n’ayant pas sous mes yeux le texte original. Voici les paroles du traducteur : Julien avait observé qu’il n’est pas d’animaux plus ennemis de l’homme, que le sont entre eux les chrétiens quand la religion les divise.
VIIIe SOTTISE DE NONOTTE.
Sur Charlemagne.
Il accuse l’auteur de l’Essai sur les mœurs, etc., d’avoir dit que Charlemagne n’était qu’un heureux brigand. Notre libelliste calomnie souvent. L’historien appelle Charlemagne « le plus ambitieux, le plus politique, le plus grand guerrier de son siècle (1). » Il est vrai que Charlemagne fit massacrer un jour quatre mille cinq cents prisonniers : on demande au libelliste s’il aurait voulu être le prisonnier de saint Charlemagne.
1 – Voyez l’Essai, chap. XV. (GA.)
IXe SOTTISE DE NONOTTE.
Sur les rois de France bigame.
Notre homme assure, à l’occasion de Charlemagne, que les rois Gontran, Sigebert, Chilpéric, n’avaient pas plus d’une femme à la fois.
Notre libelliste ne sait pas que Gontran eut pour femmes, dans le même temps, Vénérande, Mercatrude, et Ostragile ; il ne sait pas que Sigebert épousa Brunehaut du temps de sa première femme ; que Cherebert eut à la fois Méroflède, Marcovèse, et Théodegilde. Il faut encore lui apprendre que Dagobert eut trois femmes, et qu’il passa d’ailleurs pour un prince très pieux, car il donna beaucoup aux monastères (1). Il faut lui apprendre que son confrère Daniel, quelque partial qu’il puisse être, est plus honnête et plus véridique que lui. Il avoue franchement, page 110 du tome Ier, in-4°, que le grand Théodebert épousa la belle Deuterie, quoique le grand Théodebert eût une autre femme nommée Visigalde, et que la belle Deuterie eût un mari, et qu’en cela il imitait son oncle Clotaire, lequel épousa la veuve de Clodomir son frère, quoiqu’il eût déjà trois femmes.
Il résulte que Nonotte est excessivement ignorant et un peu téméraire.
Ex-jésuite de province, pauvre Nonotte, tu parles de femmes ! de quoi t’avises-tu ? lis seulement l’Abrégé du président Hénault, in-4° ; tu verras, à l’article Philippe-Auguste, que Pierre, roi d’Aragon, promet par son contrat de mariage « de ne point répudier sa femme Marie, comtesse de Montpellier, » et même de n’en épouser point d’autre du vivant de Marie. Te voilà bien étonné, Nonotte (2) !
1 – La fin de cet alinéa et l’alinéa suivant sont de 1769. (G.A.)
2 – Cet alinéa est posthume. (G.A.)
Xe SOTTISE DE NONOTTE.
Sur choses plus sérieuses.
Non, ex-jésuite Nonotte, non, la persécution n’était pas dans le génie des Romains. Toutes les religions étaient tolérées à Rome, quoique le sénat n’adoptât pas tous les dieux étrangers. Les Juifs avaient des synagogues à Rome. Les superstitieux Egyptiens, nation presque aussi méprisable que la juive, y avaient élevé un temple qui n’aurait pas été démoli sans l’aventure de Mundus et de Pauline. Les Romains, ce peuple-roi, n’agitèrent jamais la controverse ; ils ne songeaient qu’à vaincre et à policer les nations. Il est inouï qu’ils aient jamais puni personne seulement pour la religion. Ils étaient justes. J’en prends à témoin les Actes des apôtres : lorsque saint Paul, suivant le conseil de saint Jacques alla se purifier pendant sept jours de suite dans le temple de Jérusalem, pour persuader aux Juifs qu’il gardait la loi de Moïse, les Juifs demandèrent sa mort au proconsul Festus ; ce Festus leur répondit : « Ce n’est point la coutume des Romains de condamner un homme avant que l’accusé ait son accusateur devant lui, et qu’on lui ait donné la liberté de se justifier. »
Ce fut par le fanatisme d’un saducéen, et non d’un Romain, que saint Jacques, frère de Jésus, fut lapidé. Il est donc très vraisemblable que la haine implacable qu’on porte toujours à ses frères séparés de communion fut la cause du martyre des premiers chrétiens. J’en parlerai ailleurs (1) : mais à présent ô libelliste ! je ne vous en dirai mot. Je vous avertis seulement d’étudier l’histoire en philosophe, si vous pouvez.
1 – Voyez à la LÉGISLATION, le Traité de la tolérance, chap. VIII. (G.A.)
XIe SOTTISE DE NONOTTE.
Sur la messe.
Notre Nonotte assure que la messe était du temps de Charlemagne ce qu’elle est aujourd’hui ; il veut nous tromper ; il n’y avait point de messe basse, et c’est de quoi il est question. La messe fut d’abord la cène. Les fidèles s’assemblaient au troisième étage, comme on le voit par plusieurs passages, surtout au chapitre XX, verset 9, des Actes des Apôtres. Ils rompaient le pain ensemble selon ces paroles : « Toutes les fois que vous ferez ceci, vous le ferez en mémoire de moi. » Ensuite l’heure changea, l’assemblée se fit le matin, et fut nommée la synaxe ; puis les Latins la nommèrent messe. Il n’y avait qu’une assemblée qu’une messe dans une église ; et ce terme de mes frères, si souvent répété, prouve bien qu’il n’y avait point de messes privées : elles sont du dixième siècle. L’ex-jésuite Nonotte ne connaît pas même la messe. Dis-tu la messe, Nonotte ? hé bien ! je ne te la servirai pas (1).
1 – Ce qui suit est de 1769, mais la dernière phrase avait une autre tournure : « Il la dit pourtant ; je ne servirai jamais la sienne. » La version actuelle est posthume. (G.A.)
XIIe SOTTISE DE NONOTTE.
Sur la confession.
Le libelliste dit que la confession auriculaire était établie dès les premiers temps du christianisme. Il prend la confession auriculaire pour la confession publique. Voici l’histoire fidèle de la confession ; l’ignorance et la mauvaise foi des critiques servent quelquefois à éclaircir des vérités.
La confession de ses crimes, en tant qu’expiation, et considérée comme une chose sacrée, fut admise de temps immémorial dans tous les mystères d’Isis, d’Orphée, de Mithras, de Cérès : les Juifs connurent ces sortes d’expiations, quoique dans leur loi tout fût temporel. Les peines et les punitions après la mort n’étaient annoncée ni dans le Décalogue, ni dans le Lévitique, ni dans le Deutéronome ; et aucune de ces trois lois ne parle de l’immortalité de l’âme : mais les esséniens embrassèrent dans les derniers temps la coutume d’avouer leurs fautes dans leurs assemblées publiques, et les autres Juifs se contentaient de demander pardon à Dieu dans le temple. Le grand-prêtre, le jour de l’expiation annuelle, entrait seul dans le sanctuaire, demandait pardon pour le peuple et chargeait des iniquités de la nation un bouc nommé Hazazel, d’un nom égyptien. Cette cérémonie était entièrement égyptienne.
On offrait, pour les péchés reconnus, des victimes dans toutes les religions, et on se lavait d’eau pure. De là viennent ces fameux vers :
Ah nimium faciles, qui tristia crimina cædis
Fluminæ tolli posse putetis aqua !
OVID., Fast., II 45.
Saint-Jacques ayant dit dans son épître, « confessez, avouez vos fautes les uns aux autres, » les premiers chrétiens établirent cette coutume, comme la gardienne des mœurs. Les abus se glissent dans les choses les plus saintes.
Sozomène nous apprend, liv. VII, chap. XVI, que les évêques ayant reconnu les inconvénients de ces confessions publiques, faites comme sur un théâtre, établirent dans chaque église un seul prêtre, sage et discret, nommé le pénitencier, devant lequel les pécheurs avouaient leurs fautes soit seul à seul, soit en présence des autres fidèles. Cette coutume fut établie vers l’an 250 de notre ère.
On connaît le scandale arrivé à Constantinople du temps de l’empereur Théodose Ier. Une femme de qualité s’accusa au pénitencier d’avoir couché avec le diacre de la cathédrale. Il faut bien que cette femme se fût confessée publiquement, puisque le diacre fut déposé, et qu’il y eut un grand tumulte. Alors Nectaire le patriarche abolit la charge de pénitencier, et permit qu’on participât aux mystères sans se confesser : « Il fut permis à chacun, disent Socrate et Sozomène, de se présenter à la communion selon ce que sa conscience lui dicterait. »
Saint Jean Chrysostôme, successeur de Nectaire, recommanda fortement de ne se confesser qu’à Dieu il dit dans sa cinquième homélie : « Je ne vous produis point sur un théâtre ; je ne vous contrains point de découvrir vos péchés aux hommes : déployez votre conscience devant Dieu, montrez-lui vos blessures, demandez-lui les remèdes ; avouez vos fautes à celui qui ne vous les reproche point, à celui qui les connaît toutes, à qui vous ne pouvez les cacher. »
Dans son homélie sur le psaume L : « Quoi ! vous dis-je que vous vous confessiez à un homme à un compagnon de service, votre égal, qui peut vous reprocher vos fautes ? non, je vous dis : Confessez-vous à Dieu. »
On pourrait alléguer plus de cinquante passages authentiques qui établissent cette doctrine, à laquelle l’usage saint et utile de la confession auriculaire a succédé. Nonotte ne sait rien de tout cela. Il demeure pourtant chez une fille qu’il confesse. On dit qu’elle n’est pas belle.