THÉÂTRE : L'ÉCOSSAISE - Partie 19 et fin

Publié le par loveVoltaire

THÉÂTRE : L'ÉCOSSAISE - Partie 19 et fin

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L’ÉCOSSAISE.

 

 

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SCÈNE V.

 

 

FREEPORT ET FABRICE, paraissant d’un côté, tandis que,

MONROSE ET SA FILLE, partent de l’autre.

 

 

 

 

 

 

 

FREEPORT, à Fabrice.

 

          Sa suivante a pourtant remis son paquet dans sa chambre ; elles ne partiront point. J’en suis bien aise ; je m’accoutumais à elle : je ne l’aime point ; mais elle est si bien née que je la voyais partir avec une espèce d’inquiétude que je n’ai jamais sentie, une espèce de trouble… je ne sais quoi de fort extraordinaire.

 

MONROSE, à Freeport.

 

          Adieu, monsieur ; nous partons le cœur plein de vos bontés : je n’ai jamais connu de ma vie un plus digne homme que vous ; vous me faites pardonner au genre humain.

 

FREEPORT.

 

          Vous partez donc avec cette dame ? je n’approuve point cela ; vous devriez rester. Il me vient des idées qui vous conviendront peut-être : demeurez.

 

 

 

 

 

 

 

SCÈNE VI.

 

 

LES PRÉCÉDENTS ; LORD MURRAY, dans le fond,

recevant un rouleau de parchemin de la main de ses gens.

 

 

 

 

 

 

LORD MURRAY.

 

          Ah ! je le tiens enfin ce gage de mon Bonheur ! Soyez béni, ô ciel qui m’avez secondé.

 

FREEPORT.

 

          Quoi ! verrai-je toujours ce maudit milord ! Que cet homme me choque avec ses grâces !

 

MONROSE, à sa fille, tandis que milord Murray

parle à son domestique.

 

          Quel est cet homme, ma fille ?

 

LINDANE.

 

          Mon père, c’est… O ciel ! ayez pitié de nous.

 

FABRICE

 

          Monsieur, c’est milord Murray, le plus galant homme de la cour, le plus généreux.

 

MONROSE.

 

          Murray ! grand Dieu ! mon fatal ennemi, qui vient encore insulter à tant de malheurs ! (Il tire son épée.) Il aura le reste de ma vie, ou moi la sienne.

 

LINDANE.

 

          Que faites-vous, mon père ? arrêtez.

 

MONROSE.

 

          Cruelle fille ! c’est ainsi que vous me trahissez ?

 

FABRICE, se jetant au-devant de Monrose.

 

          Monsieur, point de violence dans ma maison, je vous en conjure ; vous me perdriez.

 

FREEPORT.

 

          Pourquoi empêcher les gens de se battre quand ils en ont envie ? les volontés sont libres, laissez-les faire.

 

LORD MURRAY, toujours au fond du théâtre, à Monrose.

 

          Vous êtes le père de cette respectable personne, n’est-il pas vrai ?

 

LINDANE.

 

          Je me meurs.

 

MONROSE.

 

          Oui ; puisque tu le sais, je ne le désavoue pas. Viens, fils cruel d’un père cruel, achève de te baigner dans mon sang.

 

FABRICE.

 

          Monsieur, encore une fois…

 

LORD MURRAY.

 

          Ne l’arrêtez pas, j’ai de quoi le désarmer.

(Il tire son épée.)

 

LINDANE, entre les bras de Polly.

 

          Cruel ? vous oseriez !...

 

LORD MURRAY.

 

          Oui, j’ose… Père de la vertueuse Lindane, je suis le fils de votre ennemi. (Il jette son épée.) C’est ainsi que je me bats contre vous.

 

FREEPORT.

 

          En voici bien d’une autre !

 

LORD MURRAY.

 

          Percez mon cœur d’une main ; mais de l’autre prenez cet écrit ; lisez, et connaissez-moi.

 

(Il lui donne le rouleau.)

 

MONROSE.

 

          Que vois-je ? ma grâce ! le rétablissement de ma maison ? O ciel ! et c’est à vous, c’est à vous, Murray, que je dois tout ! Ah ! mon bienfaiteur !... (Il veut se jeter à ses pieds.) Vous triomphez de moi plus que si j’étais tombé sous vos coups.

 

LINDANE.

 

          Ah ! que je suis heureuse ! mon amant est digne de moi.

 

LORD MURRAY.

 

          Embrassez-moi, mon père.

 

MONROSE.

 

          Hélas ! et comment reconnaître tant de générosité ?

 

LORD MURRAY, en montrant Lindane.

 

          Voilà ma récompense.

 

MONROSE.

 

          Le père et la fille sont à vos genoux pour jamais.

 

FREEPORT, à Fabrice.

 

          Mon ami, je me doutais bien que cette demoiselle n’était pas faite pour moi ; mais, après tout, elle est tombée en bonnes mains : et cela me fait plaisir.

 

 

F. I. N.

 

 

 

 

(1)

 

 

 

 

 

1 – « Les Italiens, dit Lessing, ont aussi une traduction de l’Écossaise, qui se trouve dans la première partie de la Bibliothèque théâtrale de Diodati. Elle suit pas à pas l’original comme fait la traduction allemande ; seulement, pour conclure, elle a une scène de plus. Voltaire dit que dans l’original anglais, Frélon, à la fin, est puni, mais que ce châtiment lui a paru nuire d’autant plus à l’intérêt principal de la pièce, qu’il est mérité : c’est pourquoi il n’en parle pas. Mais cette excuse n’a pas semblé suffisante au traducteur italien ; et il a complété la pièce par la punition de Frélon ; attendu que les Italiens sont grands amis de la justice en poésie. » (G.A.)

 

 

 

 

 

 

 

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