THÉÂTRE : L'ÉCOSSAISE - Partie 1
Photo de PAPAPOUSS
L’ÉCOSSAISE.
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COMÉDIE EN CINQ ACTES,
PAR M. HUME, TRADUITE EN FRANÇAIS PAR JÉROME CARRÉ.
REPRÉSENTÉE POUR LA PREMIÈRE FOIS,
SUR LE THÉÂTRE FRANÇAIS, LE 26 JUILLET 1760.
Avec les Trois frères rivaux, de Lafond.
J’ai vengé l’univers autant que je l’ai pu.
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NOMS DES ACTEURS QUI JOUÈRENT DANS CETTE SOIRÉE :
ARMAND (Fabrice), DUBOIS (Frélon), BONNEVAL (un Interlocuteur), PAULIN (Idem), LEKAIN (Idem), BELLECOUR (Lord Murray), PRÉVILLE (Freeport), BRIZARD (Lord Monrose), BLAINVILLE (un Interlocuteur), MOLÉ, DURANCY (André), DAUBERVAL (Un Messager d’Etat), Mmes DANGEVILLE (Polly), GAUSSY (Lindane), PRÉVILLE (Lady Alton), CAMOUCHE.
Dans sa nouveauté, l’ÉCOSSAISE eut quatorze représentations. (G.A.)
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AVERTISSEMENT POUR LA PRÉSENTE ÉDITION.
Cette comédie, où la satire personnelle a son jeu, n’est qu’une réplique. Car, disons-le bien haut, Voltaire n’a pas été le premier à faire du théâtre un pilori pour ses adversaires. Si, en 1736, sous le feu des calomnies, il s’était avisé d’esquisser l’Envieux, afin de flétrir Desfontaines, il avait bien vite écouté les conseils de la sage Emilie, et la petite pièce, un moment échappée de ses mains, était rentrée dans son portefeuille. C’est aux ennemis des philosophes que revient l’honneur d’avoir ressuscité le genre aristophanesque. En 1760, Palissot produisit sur la scène Diderot, d’Alembert, J.-J. Rousseau, en les insultant. Il est vrai que Voltaire ne faisait pas partie du groupe ; Palissot l’avait épargné ; mais Voltaire profita de l’exemple, choisit un homme qui ne cessait de les injurier tous indistinctement, l’ex-abbé journaliste Fréron, et il mit sa figure dans l’Ecossaise.
On se tromperait fort si l’on croyait que cette pièce est aussi grossière que celle de Palissot et n’a pas d’autre intérêt que la correction fréronienne. Loin de là, elle est encore aujourd’hui une des œuvres les plus touchantes du théâtre voltairien, car l’auteur a eu le bon goût de n’y donner qu’une place secondaire à la satire personnelle, et, pour contre-poison au fiel dont il noircissait l’âme de Fréron, il la parfuma des plus doux souvenirs de sa jeunesse.
Le principal rôle dans l’Ecossaise appartient à sa première maîtresse, mademoiselle de Livry, qu’il met en scène sous les traits de la douce Lindane ; Fabrice n’est autre que le maître de café chez qui Suzanne s’était réfugiée à Londres et qui ne cessait de vanter les vertus de sa pensionnaire ; quant à Freeport, il faut saluer en lui le marquis de La Tour du Pin Gouvernet, qui, s’étant épris de la jeune fille au café même, finit par l’épouser. Ces portraits sont tellement à l’avantage des originaux, que, loin de prouver la méchanceté de Voltaire, l’Ecossaise atteste, au contraire, toute sa bonté d’âme.
D’abord imprimée, la pièce ne fut représentée qu’à la demande générale. Fréron protesta, mais sa protestation n’aboutit qu’à faire changer le nom de Frélon en celui de Walp (gûepe), et, le 26 Juillet 1760, Diderot, Grimm, Sedaine, etc., entourés de toute la jeunesse et des ouvriers typographes de l’Encyclopédie, pouvaient aller rire, à leur tour, au crucifiement théâtral de Martin Fréron, leur ennemi.
Georges AVENEL.
1 – Nous n’avons pas trouvé sur les registres de la Comédie-Française le chiffre de la recette. (G.A.)