DICTIONNAIRE PHILOSOPHIQUE : C comme CONCILES - Partie 3

Publié le par loveVoltaire

DICTIONNAIRE PHILOSOPHIQUE : C comme CONCILES - Partie 3

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C comme CONCILES.

 

 

 

 

 

 

SECTION III.

 

 

 

 

 

          Tous les conciles sont infaillibles, sans doute ; car ils sont composés d’hommes.

 

          Il est impossible que jamais les passions, les intrigues, l’esprit de dispute, la haine, la jalousie, le préjugé, l’ignorance, règnent dans ces assemblées.

 

          Mais pourquoi, dira-t-on, tant de conciles ont-ils été opposés les uns aux autres ? C’est pour exercer notre foi ; ils ont tous eu raison chacun dans leur temps.

 

          On ne croit aujourd’hui, chez les catholiques romains, qu’aux conciles approuvés dans le Vatican ; et on ne croit, chez les catholiques grecs, qu’à ceux approuvés dans Constantinople. Les protestants se moquent des uns et des autres ; ainsi tout le monde doit être content.

 

          Nous ne parlerons ici que des grands conciles ; les petits n’en valent pas la peine.

 

          Le premier est celui de Nicée. Il fut assemblé en 325 de l’ère vulgaire, après que Constantin eut écrit et envoyé par Ozius cette belle lettre au clergé un peu brouillon d’Alexandrie : « Vous vous querellez pour un sujet bien mince. Ces subtilités sont indignes de gens raisonnables. » Il s’agissait de savoir si Jésus était créé, ou incréé. Cela ne touchait en rien la morale, qui est l’essentiel. Que Jésus ait été dans le temps, ou avant le temps, il n’en faut pas moins être homme de bien. Après beaucoup d’altercations, il fut enfin décidé que le Fils était aussi ancien que le Père, et consubstantiel au Père. Cette décision ne s’entend guère ; mais elle n’en est que plus sublime. Dix-sept évêques protestent contre l’arrêt, et une ancienne chronique d’Alexandrie, conservée à Oxford, dit que deux mille prêtres protestèrent aussi ; mais les prélats ne font pas grand cas des simples prêtres, qui sont d’ordinaire pauvres. Quoi qu’il en soit, il ne fut pas du tout question de la Trinité dans ce premier concile. La formule porte : « Nous croyons Jésus consubstantiel au Père, Dieu de Dieu, lumière de lumière, engendré et non fait ; nous croyons aussi au Saint-Esprit. » Le Saint-Esprit, il faut l’avouer, fut traité bien cavalièrement.

 

          Il est rapporté dans le supplément du concile de Nicée, que les Pères étant fort embarrassés pour savoir quels étaient les livres cryphes ou apocryphes de l’ancien et du nouveau Testament, les mirent tous pêle-mêle sur un autel ; et les livres à rejeter tombèrent par terre. C’est dommage que cette belle recette soit perdue de nos jours.

 

          Après le premier concile de Nicée, composé de trois cent dix-sept évêques infaillibles, il s’en tint un autre à Rimini ; et le nombre des infaillibles fut cette fois de quatre cents, sans compter un gros détachement à Séleucie d’environ deux cents. Ces six cents évêques, après quatre mois de querelles, ôtèrent unanimement à Jésus sa Consubstantialité. Elle lui a été rendue depuis, excepté chez les sociniens : ainsi tout va bien.

 

          Un des grands conciles est celui d’Ephèse, en 431 ; l’évêque de Constantinople Nestorius, grand persécuteur d’hérétiques, fut condamné lui-même comme hérétique, pour avoir soutenu qu’à la vérité Jésus était bien Dieu, mais que sa mère n’était pas absolument mère de Dieu, mais mère de Jésus. Ce fut saint Cyrille qui fit condamner Nestorius ; mais aussi les partisans de Nestorius firent déposer saint Cyrille dans le même concile ; ce qui embarrassa fort le Saint-Esprit.

 

          Remarquez ici, lecteur, bien soigneusement, que l’Evangile n’a jamais dit un mot, ni de la consubstantialité du Verbe, ni de l’honneur qu’avait eu Marie d’être mère de Dieu, non plus que des autres disputes qui ont fait assembler des conciles infaillibles.

 

          Eutichès était un moine qui avait beaucoup crié contre Nestorius, dont l’hérésie n’allait pas moins qu’à supposer deux personnes en Jésus ; ce qui est épouvantable. Le moine, pour mieux contredire son adversaire, assure que Jésus n’avait qu’une nature. Un Flavien, évêque de Constantinople, lui soutint qu’il fallait absolument qu’il y eût deux natures en Jésus. On assemble un concile nombreux à Ephèse, en 449 ; celui-là se tint à coups de bâton, comme le petit concile de Cirthe, en 355, et certaine conférence à Carthage. La nature de Flavien fut moulue de coups, et deux natures furent assignées à Jésus. Au concile de Chalcédoine, en 451, Jésus fut réduit à une nature.

 

          Je passe des conciles tenus pour des minuties, et je viens au sixième concile général de Constantinople, assemblé pour savoir au juste si Jésus, qui, après n’avoir eu qu’une nature pendant quelque temps, en avait deux alors, avait aussi deux volontés. On sent combien cela est important pour plaire à Dieu.

 

          Ce concile fut convoqué par Constantin-le-Barbu, comme tous les autres l’avaient été par les empereurs précédents : les légats de l’évêque de Rome eurent la gauche ; les patriarches de Constantinople et d’Antioche eurent la droite. Je ne sais si les caudataires à Rome prétendent que la gauche est la place d’honneur. Quoi qu’il en soit, Jésus, de cette affaire-là, obtint deux volontés.

 

          La loi mosaïque avait défendu les images. Les peintres et les sculpteurs n’avaient pas fait fortune chez les Juifs. On ne voit pas que Jésus ait jamais eu de tableaux, excepté peut-être celui de Marie, peinte par Luc. Mais enfin Jésus-Christ ne recommande nulle part qu’on adore les images. Les chrétiens les adorèrent pourtant vers la fin du quatrième siècle, quand ils se furent familiarisés avec les beaux-arts. L’abus fut porté si loin au huitième siècle, que Constantin Copronyme assembla à Constantinople un concile de trois cent vingt évêques, qui anathématisa le culte des images, et qui le traita d’idolâtrie.

 

          L’impératrice Irène, la même qui depuis fit arracher les yeux à son fils, convoqua le second concile de Nicée en 787 ; l’adoration des images y fut rétablie. On veut aujourd’hui justifier de concile, en disant que cette adoration était un culte de dulie et non de latrie.

 

          Mais, soit de latrie, soit de dulie, Charlemagne, en 794, fit tenir à Francfort un autre concile qui traita le second de Nicée d’idolâtrie. Le pape Adrien IV y envoya deux légats, et ne le convoqua pas.

 

          Le premier grand concile convoqué par un pape fut le premier de Latran, en 1139 ; il y eu environ mille évêques ; mais on n’y fit presque rien, sinon qu’on anathématisa ceux qui disaient que l’Eglise était trop riche.

 

          Autre concile de Latran, en 1179, tenu par le pape Alexandre III, où les cardinaux pour la première fois, prirent le pas sur les évêques : il ne fut question que de discipline.

 

          Autre grand concile de Latran, en 1215. Le pape Innocent III y dépouilla le comte de Toulouse de tous ses biens, en vertu de l’excommunication. C’est le premier concile qui ait parlé de transubstantiation.

 

          En 1245, concile général de Lyon, ville alors impériale, dans laquelle le pape Innocent IV excommunia l’empereur Frédéric II, et par conséquent le déposa et lui interdit le feu et l’eau ; c’est dans ce concile qu’on donna aux cardinaux un chapeau rouge, pour les faire souvenir qu’il faut se baigner dans le sang des partisans de l’empereur. Ce concile fut la cause de la destruction de la maison de Souabe, et de trente ans d’anarchie dans l’Italie et dans l’Allemagne.

 

          Concile général à Vienne, en Dauphiné, en 1311, où l’on abolit l’ordre des Templiers, dont les principaux membres avaient été condamnés aux plus atroces supplices, sur les accusations les moins prouvées.

 

          En 1414, le grand concile de Constance, où l’on se contenta de démettre le pape Jean XXIII, convaincu de mille crimes, et où l’on brûla Jean Hus et Jérôme de Prague, pour avoir été opiniâtres, attendu que l’opiniâtreté est un bien plus grand crime que le meurtre, le rapt, la simonie et la sodomie.

 

          En 1431, le grand concile de Basle, non reconnu à Rome parce qu’on y déposa le pape Eugène IV, qui ne se laissa point déposer.

 

          Les Romains comptent pour concile général le cinquième concile de Latran, en 1512, convoqué contre Louis XII, roi de France, par le pape Jules II ; mais ce pape guerrier étant mort, ce concile s’en alla en fumée.

 

          Enfin, nous avons le grand concile de Trente, qui n’est pas reçu en France pour la discipline ; mais le dogme en est incontestable, puisque le Saint-Esprit arrivait de Rome à Trente, toutes les semaines, dans la malle du courrier, à ce que dit fra Paolo Sarpi ; mais fra Paolo Sarpi sentait un peu l’hérésie.

 


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