THEÂTRE : LE DROIT DU SEIGNEUR - Partie 7
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LE DROIT DU SEIGNEUR.
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ACTE DEUXIÈME.
SCÈNE IV.
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ACANTHE, COLETTE, BERTHE, DIGNANT, MATHURIN.
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BERTHE, arrêtant Acanthe.
Quel chemin vous prenez !
Êtes-vous folle ? et quand on doit se rendre
A son devoir, faut-il se faire attendre ?
Quelle indolence ! et quel air de froideur !
Vous me glacez : votre mauvaise humeur
Jusqu’à la fin vous sera reprochée.
On vous marie, et vous êtes fâchée.
Hom, l’idiote ! Allons, çà, Mathurin,
Soyez le maître, et donnez-lui la main.
MATHURIN, approche sa main, et veut l’embrasser.
Ah ! palsandié…
BERTHE.
Voyez la malhonnête !
Elle rechigne, et détourne la tête !
ACANTHE.
Pardon, mon père ; hélas ! vous excusez
Mon embarras, vous le favorisez,
Et vous sentez quelle douleur amère
Je dois souffrir en quittant un tel père.
BERTHE.
Et rien pour moi ?
MATHURIN.
Ni rien pour moi non plus ?
COLETTE.
Non, rien, méchant ; tu n’auras qu’un refus.
MATHURIN.
On me fiance.
COLETTE.
Eh ! va, va, fiançailles
Assez souvent ne sont pas épousailles.
Laisse-moi faire.
DIGNANT.
Eh ! qu’est-ce que j’entends ?
C’est un courrier : c’est, je pense, un des gens
De monseigneur ; oui, c’est le vieux Champagne.
SCÈNE V.
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ACANTHE, COLETTE, BERTHE, DIGNANT,
MATHURIN, CHAMPAGNE.
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CHAMPAGNE.
Oui, nous avons terminé la campagne :
Nous avons sauvé Metz, mon maître et moi ;
Et nous aurons la paix. Vive le roi !
Vive mon maître !... il a bien du courage ;
Mais il est trop sérieux pour son âge ;
J’en suis fâché. Je suis bien aise aussi,
Mon vieux Dignant, de te trouver ici ;
Tu me parais en grande compagnie.
DIGNANT.
Oui… vous serez de la cérémonie.
Nous marions Acanthe.
CHAMPAGNE.
Bon ! tant mieux !
Nous danserons, nous serons tous joyeux.
Ta fille est belle… Ha ! ha ! c’est toi, Colette ;
Ma chère enfant, ta fortune est donc faite ?
Mathurin est ton mari ?
COLETTE.
Mon dieu, non.
CHAMPAGNE.
Il fait fort mal.
COLETTE.
Le traître, le fripon,
Croit dans l’instant prendre Acanthe pour femme.
CHAMPAGNE.
Il fait fort bien ; je réponds sur mon âme
Que cet hymen à mon maître agréera,
Et que la noce à ses frais se fera.
ACANTHE.
Comment ! il vient ?
CHAMPAGNE.
Peut-être ce soir même.
CHAMPAGNE.
Quoi ! ce seigneur, ce bon maître que j’aime,
Je puis le voir encore avant ma mort ?
S’il est ainsi, je bénirai mon sort.
ACANTHE.
Puisqu’il revient, permettez, mon cher père,
De vous prier, devant ma belle-mère,
De vouloir bien ne rien précipiter
Sans son aveu, sans l’oser consulter ;
C’est un devoir dont il faut qu’on s’acquitte ;
C’est un respect, sans doute, qu’il mérite.
MATHURIN.
Foin du respect !
DIGNANT.
Votre avis est sensé ;
Et comme vous en secret j’ai pensé.
MATHURIN.
Et moi, l’ami, je pense le contraire.
COLETTE, à Acanthe.
Bon tenez ferme.
MATHURIN.
Est un sot qui diffère.
Je ne veux point soumettre mon honneur,
Si je le puis, à ce droit du seigneur.
BERTHE.
Eh ! pourquoi tant s’effaroucher ? la chose
Est bonne au fond, quoique le monde en cause,
Et notre honneur ne peut s’en tourmenter.
J’en fis l’épreuve ; et je puis protester
Qu’à mon devoir quand je me fus rendue,
On s’en alla dès l’instant qu’on m’eut vue.
COLETTE.
Je le crois bien.
BERTHE
Cependant la raison
Doit conseiller de fuir l’occasion.
Hâtons la noce, et n’attendons personne.
Préparez tout, mon mari, je l’ordonne.
MATHURIN.
(A Colette, en s’en allant.)
C’est très bien dit. Eh bien ! l’aurai-je enfin ?
COLETTE.
Non, tu ne l’auras pas, non, Mathurin.
(Ils sortent.)
CHAMPAGNE.
Oh ! oh ! nos gens viennent en diligence.
Eh quoi ! déjà le chevalier Gernance ?