THEÂTRE : LE DROIT DU SEIGNEUR - Partie 11

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Photo de KHALAH

 

 

 

LE DROIT DU SEIGNEUR.

 

 

 

 

 

______

 

 

 

ACTE TROISIÈME.

 

 

SCÈNE III.

 

_______

 

 

LE BAILLI, les PRÉCÉDENTS,

(moins le marquis et le chevalier)

 

 

_______

 

 

 

 

MATHURIN.

 

Que disent-ils ?

 

LE BAILLI.

 

Ils disent que sur l’heure

Chacun s’en aille, et qu’Acanthe demeure.

 

MATHURIN.

 

Moi, que je sorte !

 

LE BAILLI.

 

Oui, sans doute.

 

COLETTE.

 

Oui, fripon.

Oh, nous aimons la loi, nous.

 

MATHURIN au bailli.

 

Mais doit-on ?...

 

BERTHE.

 

Eh quoi ! benêt, te voilà bien à plaindre !

 

DIGNANT

 

Allez, d’Acanthe on n’aura rien à craindre ;

Trop de vertu règne au fond de son cœur ;

Et notre maître est tout rempli d’honneur.

 

 

(A Acanthe.)

 

Quand près de vous il daignera se rendre,

Quand sans témoin il pourra vous entendre,

Remettez-lui ce paquet cacheté :

 

(Lui donnant des papiers cachetés.)

 

C’est un devoir de votre piété ;

N’y manquez pas.. O fille toujours chère…

Embrassez-moi.

 

ACANTHE.

 

Tous vos ordres, mon père,

Seront suivis ; ils sont pour moi sacrés ;

Je vous dois tout… D’où vient que vous pleurez ?

 

 

DIGNANT

 

Ah ! je le dois … de vous je me sépare,

C’est pour jamais ; mais si le ciel avare,

Qui m’a toujours refusé ses bienfaits,

Pouvait sur vous les verser désormais,

Si votre sort est digne de vos charmes,

Ma chère enfant, je dois sécher mes larmes.

 

BERTHE.

 

Marchons, marchons ; tous ces beaux compliments

Sont pauvretés qui font perdre du temps.

Venez, Colette.

 

COLETTE, à Acanthe.

 

Adieu, ma chère amie

Je recommande à votre prud’homie

Mon Mathurin ; vengez-moi des ingrats.

 

ACANTHE.

 

Le cœur me bat… Que deviendrai-je ? hélas !

 

 

 

 

 

SCÈNE IV.

 

_______

 

 

LE BAILLI, MATHURIN, ACANTHE.

 

 

_______

 

 

 

 

MATHURIN.

 

Je n’aime point cette cérémonie,

Maître bailli ; c’est une tyrannie.

 

LE BAILLI.

 

C’est la condition sine quâ non.

 

MATHURIN.

 

sine quâ non ! quel diable de jargon !

Morbleu ! ma femme est à moi.

 

LE BAILLI.

 

Pas encore :

Il faut premier que monseigneur l’honore

D’un entretien selon les nobles us

En ce châtel de tous les temps reçus.

 

MATHURIN.

 

Ces maudits us, quels sont-ils ?

 

LE BAILLI.

 

L’épousée

Sur une chaise est sagement placée ;

Puis monseigneur, dans un fauteuil à bras,

Vient vis-à-vis se camper à six pas.

 

MATHURIN.

 

Quoi ! pas plus loin !

 

LE BAILLI.

 

C’est la règle.

 

MATHURIN.

 

Allons, passe.

Et puis après ?

 

LE BAILLI.

 

Monseigneur avec grâce

Fait un présent de bijoux, de rubans,

Comme il lui plaît.

 

MATHURIN.

 

Passe pour des présents.

 

LE BAILLI.

 

Puis il lui parle ; il vous la considère ;

Il examine à fond son caractère ;

Puis il l’exhorte à la vertu.

 

MATHURIN.

 

Fort bien ;

Et quand fini, s’il vous plait, l’entretien ?

 

LE BAILLI.

 

Expressément la loi veut qu’on demeure

Pour l’exhorter l’espace d’un quart d’heure.

 

MATHURIN.

 

Un quart d’heure est beaucoup. Et le mari

Peut-il au moins se tenir près d’ici

Pour écouter sa femme ?

 

LE BAILLI.

 

La loi porte

Que s’il osait se tenir à la porte,

Se présenter avant le temps marqué,

Faire du bruit, se tenir pour choqué,

S’émanciper à sottises pareilles,

On fait couper sur le champ ses oreilles.

 

 

MATHURIN.

 

La belle loi ! les beaux droits que voilà !

Et ma moitié ne dit mot à cela ?

 

ACANTHE.

 

Moi, j’obéis, et je n’ai rien à dire.

 

LE BAILLI.

 

Déniche ; il faut qu’un mari se retire :

Point de raisons.

 

MATHURIN, sortant.

 

Ma femme, heureusement

N’a point d’esprit ; et son air innocent,

Sa conversation ne plaira guère.

 

LE BAILLI.

 

Veux-tu partir ?

 

MATHURIN.

 

Adieu donc, ma très chère ;

Songe surtout au pauvre mathurin,

Ton fiancé.

 

(Il sort.)

 

ACANTHE.

 

J’y songe avec chagrin.

Quelle sera cette étrange entrevue ?

La peur me prend ; je suis tout éperdue.

 

LE BAILLI.

 

Asseyez-vous ; attendez en ce lieu

Un maître aimable et vertueux. Adieu.

 

 

 

LE DROIT DU SEIGNEUR-11

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