POESIE : Au roi de Prusse sur M. Hony, marchand de vin
Photo de Khalah
AU ROI DE PRUSSE,
SUR M. HONY, MARCHAND DE VIN.
A Bruxelles, le 26 Auguste 1740 (1)
Le voilà ce monsieur Hony
Que Bacchus a comblé de gloire ;
Il prétend qu’il sera honni,
S’il ne peut vous donner à boire.
Il garde un mépris souverain
Pour Phébus et pour sa fontaine,
Et dit qu’un verre de son vin
Vaut le Permesse et l’Hippocrène.
Je crois que quelques rois jaloux,
Et quelques princes de l’Empire,
Pour essayer de vous séduire,
Ont député Hony vers vous.
Comme on leur dit que la Sagesse
A grand soin de vous éclairer,
Ils ont voulu vous enivrer
Pour vous réduire à leur espèce.
Cher Hony, cette trahison
Est un bien faible stratagème ;
Jamais Bacchus et l’Amour même
Ne pourront rien sur sa raison.
Le dieu des amours et le vôtre,
Hony, sont les dieux du plaisir ;
Tous deux sont faits pour le servir :
Mais il ne sert ni l’un ni l’autre.
Sans doute Bacchus et l’Amour
Ne sont point ennemis du sage ;
Il les reçoit sur son passage,
Sans leur permettre un long séjour.
1 – Voyez, dans la Correspondance avec le roi de Prusse, la lettre de Frédéric, 16 Mai 1739, et la lettre du même, 5 Septembre 1740, où se trouve une réponse à ces vers. (G.A.)