POESIE : A Mme la comtesse de Fontaines
Photo de PAPAPOUSS
A MADAME LA COMTESSE DE FONTAINES,
SUR SON ROMAN DE LA COMTESSE DE SAVOIE
(1)
− 1713 −
La Fayette et Segrais, couple sublime et tendre,
Le modèle, avant vous, de nos galants écrits,
Des champs élysiens, sur les ailes des Ris,
Vinrent depuis peu dans Paris :
D’où ne viendrait-on pas, Sapho, pour vous entendre ?
A vos genoux tous deux humiliés,
Tous deux vaincus, et pourtant pleins de joie,
Ils mirent leur Zaïde aux pieds
De la Comtesse de Savoie.
Ils avaient bien raison ! quel dieu, charmant auteur,
Quel dieu vous a donné ce langage enchanteur,
La force et la délicatesse,
La simplicité, la noblesse,
Que Fénélon seul avait joint :
Ce naturel aisé dont l’art n’approche point !
Sapho, qui ne croirait que l’Amour vous inspire ?
Mais vous vous contentez de vanter son empire ;
De Mendoze amoureux vous peignez le beau feu
Et la vertueuse faiblesse
D’une maîtresse
Qui lui fait, en fuyant, un si charmant aveu,
Ah ! Pouvez-vous donner ces leçons de tendresse,
Vous qui les pratiquez si peu ?
C’est ainsi que Marot, sur sa lyre incrédule,
Du dieu qu’il méconnut prôna la sainteté :
Vous avez pour l’amour aussi peu de scrupule ;
Vous ne le servez point, et vous l’avez chanté.
Adieu ; malgré mes épilogues,
Puissiez-vous pourtant, tous les ans,
Me lire deux ou trois romans,
Et taxer quatre synagogues. (2)
1 – C’est de ce roman que Voltaire tira plus tard le sujet de sa tragédie de Tancrède. (G.A.)
2 –Madame la comtesse de Fontaines était fille du marquis de Givry, commandant de Metz, qui avait favorisé l’établissement des juifs dans cette ville ; ceux-ci, par reconnaissance, lui avaient fait une pension considérable qui était passée à ses enfants. (K.)