NOTE sur une pensée de Vauvenargues

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 Luc de Clapiers - Marquis de VAUVENARGUES

 

1715 - 1747

 

 

 

 

 

NOTE SUR UNE PENSÉE DE VAUVENARGUES.

 

 

(1)

 

 

 

 

          Vauvenargues a dit dans son ouvrage (2) : « Toutefois, avant qu’il y eût une première coutume, notre âme existait, et avait ses inclinations qui fondaient sa nature ; et ceux qui réduisent tout à l’opinion et à l’habitude ne comprennent pas ce qu’ils disent : toute coutume suppose antérieurement une nature ; toute erreur, une vérité. Il est vrai qu’il est difficile de distinguer les principes de cette première nature de ceux de l’éducation : ces principes sont en si grand nombre et si compliqués, que l’esprit se perd à les suivre ; et il n’est pas moins malaisé de démêler ce que l’éducation a épuré ou gâté dans le naturel. On peut remarquer seulement que ce qui nous reste de notre première nature est plus véhément et plus fort que ce qu’on acquiert par étude, par coutume, et par réflexion ; parce que l’effet de l’art est d’affaiblir, lors même qu’il polit et qu’il corrige. »

 

          Le marquis de Vauvenargues semble, dans cette pensée, approcher plus de la vérité que Pascal (3). C’était un génie peut-être aussi rare que Pascal même, aimant comme lui la vérité, la cherchant avec autant de bonne foi, aussi éloquent que lui, mais d’une éloquence aussi insinuante que celle de Pascal était ardente et impérieuse. Je crois que les pensées de ce jeune militaire philosophe seraient aussi utiles à un homme du monde fait pour la société, que celles du héros de Port-Royal peuvent l’être à un solitaire, qui ne cherche que de nouvelles raisons de haïr et de mépriser le genre humain. La philosophie de Pascal est fière et rude ; celle de notre jeune officier, douce et persuasive ; et toutes deux également soumises à l’Etre suprême.

 

          Je ne m’étonne point que Pascal, entouré de rigoristes, aigri par des persécutions continuelles, ait laissé couler dans ses Pensées le fiel dont ses ennemis étaient dévorés : mais qu’un jeune capitaine au régiment du roi ait pu, dans les tumultes orageux de la guerre de 1741, ne voyant, n’entendant que ses camarades livrés aux devoirs pénibles de leur état, ou aux emportements de leur

âge, se former une raison si supérieure, un goût si fin et si juste, tant de recueillement au milieu de tant de dissipations, me cause une grande surprise.

 

          Il a eu une triste ressemblance avec Pascal, affligé comme lui de maux incurables, il s’est consolé par l’étude : la différence est que l’étude a rendu ses mœurs encore plus douces, au lieu qu’elle augmenta l’humeur triste de Pascal. (4).

 

 

 

 

NOTE - PENSEE DE VAUVENARGUES

 

 

1 – Cette note a été publiée pour la première fois par Suard à la suite d’une Notice sur la Vie et les écrits de Vauvenargues (édition des Œuvres de Vauvenargues, 1806). (G.A.)

 

2 – Réflexions sur divers sujets : IV, De la nature et la coutume. (G.A.)

 

3 – Dans cette Pensée, « que ce que nous prenons pour la nature n’est souvent qu’une première coutume. »

 

4 – Voyez encore plus haut sur Vauvenargues le Discours à l’Académie, et l’Eloge des officiers morts dans la guerre de 1741. (G.A.)

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