NANINE - Partie 12

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 Photo de PAPAPOUSS

 

 

 

 

 

 

 

NANINE.

  

______

 

 

ACTE TROISIÈME.

  

 

 

SCÈNE   III.

 

 

_______

 

 

LE COMTE.

 

_______

 

 

 

LE COMTE

 

Hélas ! il a raison ;

Il prononçait ma condamnation ;

Et moi, du coup qui m’a pénétré l’âme

Je me punis ; la baronne est ma femme ;

Il le faut bien, le sort en est jeté.

Je souffrirai, je l’ai bien mérité.

Ce mariage est au moins convenable.

Notre baronne a l’humeur peu traitable ;

Mais quand on veut, on sait donner la loi :

Un esprit ferme est le maître chez soi.

 

 

 

 

 

 

SCÈNE   IV.

 

 

_______

 

 

LE COMTE, LA BARONNE, LA MARQUISE.

 

_______

 

 

 

 

LA MARQUISE.

 

Or çà, mon fils, vous épousez madame ?

 

LE COMTE

 

Eh ! oui.

 

LA MARQUISE.

 

Ce soir elle est donc votre femme ?

Elle est ma bru ?

 

LA BARONNE.

 

Si vous le trouvez bon :

J’aurai, je crois, votre approbation.

 

LA MARQUISE.

 

Allons, allons, il faut bien y souscrire ;

Mais dès demain chez moi je me retire.

 

LE COMTE

 

Vous retirer ! eh ! ma mère, pourquoi ?

 

LA MARQUISE.

 

J’emmènerai ma Nanine avec moi.

Vous la chassez, et moi je la marie ;

Je fais la noce en mon château de Brie,

Et je la donne au jeune sénéchal,

Propre neveu du procureur fiscal,

Jean-Roc Souci ; c’est lui de qui le père

Eut à Corbeil cette plaisante affaire.

De cet enfant je ne puis me passer ;

C’est un bijou que je veux enchâsser.

Je vais la marier… Adieu.

 

LE COMTE

 

Ma mère,

Ne soyez pas contre nous en colère ;

Laissez Nanine aller dans le couvent ;

Ne changez rien à notre arrangement.

 

LA BARONNE.

 

Oui, croyez-nous, madame, une famille

Ne se doit point charger de telle fille.

 

LA MARQUISE.

 

Comment ? quoi donc ?

 

LA BARONNE.

 

Peu de chose.

 

LA MARQUISE.

 

Mais…

 

LA BARONNE.

 

Rien.

 

LA MARQUISE.

 

Rien, c’est beaucoup. J’entends, j’entends fort bien.

Aurait-elle eu quelque tendre folie ?

Cela se peut, car elle est si jolie !

Je m’y connais ; on tente, on est tenté ;

Le cœur a bien de la fragilité ;

Les filles sont toujours un peu coquettes :

Le mal n’est pas si grand que vous le faites.

Çà, contez-moi sans nul déguisement

Tout ce qu’a fait notre charmante enfant.

 

LE COMTE

 

Moi, vous conter ?

 

LA MARQUISE.

 

Vous avez bien la mine

D’avoir au fond quelque goût pour Nanine ;

Et vous pourriez …

 

 

 

 

SCÈNE   V.

 

 

_______

 

 

LE COMTE, LA MARQUISE, LA BARONNE, MARIN, en bottes.

 

_______

 

 

 

 

MARIN

 

Enfin tout est bâclé,

Tout est fini.

 

LA MARQUISE.

 

Quoi ?

 

LA BARONNE.

 

Qu’est-ce ?

 

MARIN.

 

J’ai parlé

A nos marchands ; j’ai bien fait mon message ;

Et vous aurez demain tout l’équipage.

 

LA BARONNE.

 

Quel équipage ?

 

MARIN.

 

Oui, tout ce que pour vous

A commandé votre futur époux ;

Six beaux chevaux : et vous serez contente

De la berline ; elle est bonne, brillante ;

Tous les panneaux par Martin sont vernis :

Les diamants sont beaux, très bien choisis ;

Et vous verrez des étoffes nouvelles

D’un goût charmant … oh ! rien n’approche d’elles.

 

LA BARONNE, au comte.

 

Vous avez donc commandé tout cela ?

 

LE COMTE.

 

(à part.)

 

Oui… Mais pour qui ?

 

MARIN.

 

Le tout arrivera

Demain matin dans ce nouveau carrosse,

Et sera prêt le soir pour votre noce.

Vive Paris pour avoir sur-le-champ

Tout ce qu’on veut, quand on a de l’argent.

En revenant, j’ai revu le notaire,

Tout près d’ici, griffonnant votre affaire.

 

LA BARONNE.

 

Ce mariage a traîné bien longtemps.

 

LA MARQUISE, à part.

 

Ah ! je voudrais qu’il traînât quarante ans.

 

MARIN.

 

Dans ce salon j’ai trouvé tout à l’heure

Un bon vieillard, qui gémit et qui pleure ;

Depuis longtemps il voudrait vous parler.

 

LA BARONNE.

 

Quel importun ! qu’on le fasse en aller ;

Il prend trop mal son temps.

 

LA MARQUISE.

 

Pourquoi, madame ?

Mon fils, ayez un peu de bonté d’âme,

Et, croyez-moi, c’est un mal des plus grands

De rebuter ainsi les pauvres gens :

Je vous ai dit cent fois dans votre enfance

Qu’il faut pour eux avoir de l’indulgence,

Les écouter d’un air affable, doux.

Ne sont-ils pas hommes tout comme nous ?

On ne sait pas à qui l’on fait injure ;

On se repent d’avoir eu l’âme dure.

Les orgueilleux ne prospèrent jamais.

 

(A Marin.)

 

Allez chercher ce bon homme.

 

MARIN.

 

J’y vais.

 

(Il sort.)

 

LE COMTE.

 

Pardon, ma mère : il a fallu vous rendre

Mes premiers soins ; et je suis prêt d’entendre

Cet homme-là, malgré mon embarras.

 

 

 

NANINE - ACTE III - Scène III

 

 

 

 

 

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