NANINE - Partie 9
Photo de PAPAPOUSS
NANINE.
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ACTE DEUXIÈME.
SCÈNE VIII.
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LE COMTE, LA BARONNE.
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LA BARONNE.
Venez, venez, homme à grands sentiments,
Homme au-dessus des préjugés du temps,
Sage amoureux, philosophe sensible ;
Vous allez voir un trait assez risible.
Vous connaissez sans doute à Rémival
Monsieur Philippe Hombert, votre rival ?
LE COMTE.
Ah ! quels discours vous me tenez ?
LA BARONNE.
Peut-être
Ce billet-là vous le fera connaître.
Je crois qu’Hombert est un fort beau garçon.
LE COMTE.
Tous vos efforts ne sont plus de saison :
Mon parti pris, je suis inébranlable.
Contentez-vous du tour abominable
Que vous vouliez me jouer ce matin.
LA BARONNE.
Ce nouveau tour est un peu plus malin.
Tenez, lisez. Ceci pourra vous plaire ;
Vous connaîtrez les mœurs, le caractère
Du digne objet qui vous a subjugué.
(Tandis que le comte lit.)
Tout en lisant, il me semble intrigué.
Il a pâli , ; l’affaire émeut sa bile…
Eh bien ! monsieur, que pensez-vous du style ?
Il ne voit rien, ne dit rien, n’entend rien :
Oh ! le pauvre homme ! il le méritait bien.
LE COMTE.
Ai-je bien lu ? Je demeure stupide.
O tour affreux ! sexe ingrat, cœur perfide !
LA BARONNE.
Je le connais, il est né violent ;
Il est prompt, ferme ; il va dans un moment
Prendre un parti.
SCÈNE IX.
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LE COMTE, LA BARONNE, GERMON.
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GERMON.
Voici dans l’avenue
Madame Olban.
LA BARONNE.
La vieille est revenue ?
GERMON.
Madame votre mère, entendez-vous ?
Est près d’ici, monsieur.
LA BARONNE.
Dans son courroux,
Il est devenu sourd. La lettre opère.
GERMON, criant.
Monsieur.
LE COMTE.
Plaît-il.
GERMON, haut.
Madame, votre mère,
Monsieur !
LE COMTE.
Que fait Nanine en ce moment ?
GERMON.
Mais… elle écrit dans son appartement.
LE COMTE, d’un air froid et sec.
Allez saisir ses papiers, allez prendre
Ce qu’elle écrit ; vous viendrez me le rendre ;
Qu’on la renvoie à l’instant.
GERMON.
Qui, monsieur ?
LE COMTE.
Nanine.
GERMON.
Non, je n’aurais pas ce cœur ;
Si vous saviez à quel point sa personne
Nous charme tous ; comme elle est noble, bonne !
LE COMTE.
Obéissez, ou je vous chasse.
GERMON.
Allons.
(Il sort.)
SCÈNE X.
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LE COMTE, LA BARONNE.
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LA BARONNE.
Ah ! je respire : enfin nous l’emportons ;
Vous devenez un homme raisonnable.
Ah çà, voyez s’il n’est pas véritable
Qu’on tient toujours de son premier état,
Et que les gens dans un certain éclat
Ont un cœur noble, ainsi que leur personne ?
Le sang fait tout, et la naissance donne
Des sentiments à Nanine inconnus.
LE COMTE.
Je n’en crois rien ; mais soit, n’en parlons plus :
Réparons tout. Le plus sage, en sa vie,
A quelquefois ses accès de folie :
Chacun s’égare, et le moins imprudent
Est celui-là qui plus tôt se repent.
LA BARONNE.
Oui.
LE COMTE.
Pour jamais cessez de parler d’elle.
LA BARONNE.
Très volontiers.
LE COMTE.
Ce sujet de querelle
Doit s’oublier.
LA BARONNE.
Mais vous, de vos serments
Souvenez-vous.
LE COMTE.
Fort bien. Je vous entends ;
Je les tiendrai.
LA BARONNE.
Ce n’est qu’un prompt hommage
Qui peut ici réparer mon outrage.
Indignement notre hymen différé
Est un affront.
LE COMTE.
Il sera réparé.
Madame, il faut …
LA BARONNE.
Il ne faut qu’un notaire.
LE COMTE.
Vous savez bien … que j’attendais ma mère.
LA BARONNE.
Elle est ici.