NANINE - Partie 8

Publié le par loveVoltaire

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 Photo de PAPAPOUSS

 

 

 

 

 

 

 

 

NANINE.

 

 

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ACTE DEUXIÈME.

 

 

SCÈNE   IV.

 

 

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LE COMTE, NANINE.

 

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NANINE.

 

Ciel ! est-ce un rêve ? et puis-je croire encore

Que je parvienne au comble du bonheur ?

Non, ce n’est pas l’excès d’un tel honneur,

Tout grand qu’il est, qui me plaît et me frappe ;

A mes regards tant de grandeur échappe :

Mais épouser ce mortel généreux,

Lui, cet objet de mes timides vœux,

Lui, que j’avais tant craint d’aimer, que j’aime,

Lui, qui m’élève au-dessus de moi-même ;

Je l’aime trop pour pouvoir l’avilir :

Je devrais… Non, je ne puis plus le fuir ;

Non … Mon état ne saurait se comprendre.

Moi, l’épouser : quel parti dois-je prendre ?

Le ciel pourra m’éclairer aujourd’hui ;

Dans ma faiblesse il m’envoie un appui.

Peut-être même… Allons ; il faut écrire,

Il faut… Par où commencer, et que dire ?

Quelle surprise ! Ecrivons promptement,

Avant d’oser prendre un engagement.

 

 

(Elle se met à écrire.)

 

 

 

 

SCÈNE   V.

 

 

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NANINE, BLAISE.

 

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BLAISE.

 

Ah ! la voici. Madame la baronne

En ma faveur vous a parlé, mignonne.

Ouais, elle écrit sans me voir seulement.

 

NANINE, écrivant toujours.

 

Blaise, bonjour.

 

BLAISE.

 

Bonjour est sec, vraiment.

 

NANINE, écrivant.

 

A chaque mot mon embarras redouble ;

Toute ma lettre est pleine de mon trouble.

 

BLAISE.

 

Le grand génie : elle écrit tout courant ;

Qu’elle a d’esprit : et que n’en ai-je autant !

Çà, je disais…

 

NANINE.

 

Eh bien ?

 

BLAISE.

 

Elle m’impose

Par son maintien ; devant elle je n’ose

M’expliquer … là … tout comme je voudrais :

Je suis venu cependant tout exprès.

 

NANINE.

 

Cher Blaise, il faut me rendre un grand service.

 

BLAISE.

 

Oh ! deux plutôt.

 

NANINE.

 

Je te fais la justice

De me fier à ta discrétion,

A ton bon cœur.

 

BLAISE.

 

Oh ! parlez sans façon :

Car, vous voyez, Blaise est prêt à tout faire

Pour vous servir ; vite, point de mystère.

 

NANINE.

 

Tu vas souvent au village prochain,

A Rémival, à droite du chemin ?

 

BLAISE.

 

Oui.

 

NANINE.

 

Pourrais-tu trouver dans ce village

Philippe Hombert ?

 

BLAISE.

 

Non. Quel est ce visage ?

Philippe Hombert ? je ne connais pas ça.

 

NANINE.

 

Hier au soir je crois qu’il arriva ;

Informe-t-en. Tâche de lui remettre,

Mais sans délai, cet argent, cette lettre.

 

BLAISE.

 

Oh ! de l’argent !

 

NANINE.

 

Donne aussi ce paquet :

Monte à cheval pour avoir plus tôt fait ;

Pars, et sois sûr de ma reconnaissance.

 

BLAISE.

 

J’irais pour vous au fin fond de la France.

Philippe Hombert est un heureux manant ;

La bourse est pleine : ah ! que d’argent comptant !

Est-ce une dette ?

 

NANINE.

 

Elle est très avérée ;

Il n’en est point, Blaise, de plus sacrée.

Ecoute : Hombert est peut-être inconnu ;

Peut-être même il n’est pas revenu.

Mon cher ami, tu me rendras ma lettre,

Si tu ne peux en ses mains la remettre.

 

BLAISE.

 

Mon cher ami !

 

NANINE.

 

Je me fie à ta foi.

 

BLAISE.

 

Son cher ami !

 

NANINE.

 

Va, j’attends tout de toi.

 

 

 

 

SCÈNE   VI.

 

 

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LA BARONNE, BLAISE.

 

_______

 

 

 

 

 

BLAISE.

 

D’où diable vient cet argent ? quel message !

Il nous aurait aidé dans le ménage.

Allons, elle a pour nous de l’amitié ;

Et ça vaut mieux que de l’argent, morgué :

Courons, courons.

 

 

(Il met l’argent et le paquet dans sa poche ; il rencontre la baronne, et la heurte.)

 

 

LA BARONNE.

 

Eh ! le butor !... arrête.

L’étourdi m’a pensé casser la tête.

 

BLAISE.

 

Pardon, madame.

 

LA BARONNE.

 

Où vas-tu ? que tiens-tu ?

Que fait Nanine ? As-tu rien entendu ?

Monsieur le comte est-il bien en colère ?

Quel billet est-ce là ?

 

BLAISE.

 

C’est un mystère.

Peste !..

 

LA BARONNE.

 

Voyons.

 

BLAISE.

 

Nanine gronderait.

 

LA BARONNE.

 

Comment dis-tu ? Nanine ! elle pourrait

Avoir écrit, te charger d’un message !

Donne, ou je romps soudain ton mariage.

Donne, te dis-je.

 

BLAISE, riant

 

Ho, ho..

 

 

LA BARONNE.

 

 De quoi ris-tu ?

 

BLAISE, riant encore.

 

Ha, ha.

 

LA BARONNE.

 

J’en veux savoir le contenu.

 

 

(Elle décachète la lettre.)

 

 

Il m’intéresse, ou je suis bien trompée.

 

BLAISE, riant encore.

 

Ah, ha, ha, ha, qu’elle est bien attrapée ! …

Elle n’a là qu’un chiffon de papier ;

Moi, j’ai l’argent, et je m’en vais payer

Philippe Hombert : faut servir sa maîtresse.

Courons.

 

 

 

 

SCÈNE   VII.

 

 

_______

 

 

LA BARONNE.

 

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LA BARONNE.

 

Lisons. « Ma joie et ma tendresse

Sont sans mesure, ainsi que mon bonheur :

Vous arrivez, quel moment pour mon cœur !

Quoi ! je ne puis vous voir et vous entendre !

Entre vos bras je ne puis me jeter !

Je vous conjure au moins de vouloir prendre

Ces deux paquets : daignez les accepter.

Sachez qu’on m’offre un sort digne d’envie,

Et dont il est permis de s’éblouir :

Mais il n’est rien que je ne sacrifie

Au seul mortel que mon cœur doit chérir. »

Ouais. Voilà donc le style de Nanine !

Comme elle écrit, l’innocente orpheline !

Comme elle fait parler la passion !

En vérité ce billet est bien bon.

Tout est parfait, je ne me sens pas d’aise :

Ah ! ah ! rusée, ainsi vous trompiez Blaise !

Vous m’enleviez en secret mon amant.

Vous avez feint d’aller dans un couvent ;

Et tout l’argent que le comte vous donne,

C’est pour Philippe Hombert : Fort bien, friponne,

J’en suis charmée, et le perfide amour

Du comte Olban méritait bien ce tour.

Je m’en doutais que le cœur de Nanine

Etait plus bas que sa basse origine.

 

 

 

 

NANINE - ACTE II - SCENE IV

 

 

 

 

 

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