NANINE - Partie 6

Publié le par loveVoltaire

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 Photo de PAPAPOUSS

 

 

 

 

 

 

 

 

NANINE.

 

 

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ACTE DEUXIÈME.

 

 

SCÈNE I.

 

 

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LE COMTE, MARIN.

 

_______

 

 

 

 

LE COMTE.

 

Ah ! cette nuit est une année entière !

Que le sommeil est loin de ma paupière !

Tout dort ici ; Nanine dort en paix ;

Un doux repos rafraîchit ses attraits :

Et moi, je vais, je cours, je veux écrire,

Je n’écris rien ; vainement je veux lire,

Mon œil troublé voit les mots sans les voir,

Et mon esprit ne les peut concevoir ;

Dans chaque mot le seul nom de Nanine

Est imprimé par une main divine.

Holà ! Quelqu’un ! qu’on vienne. Quoi ! mes gens

Sont-ils pas las de dormir si longtemps ?

Germon ! Marin !

 

MARIN, derrière le théâtre..

 

J’accours.

 

LE COMTE.

 

Quelle paresse !

Eh ! venez vite ; il fait jour ; le temps presse :

Arrivez donc.

 

MARIN.

 

Eh ! monsieur, quel lutin

Vous a sans nous éveillé si matin ?

 

LE COMTE.

 

L’amour.

 

MARIN.

 

Oh ! oh ! la baronne de l’Orme

Ne permet pas qu’en ce logis on dorme.

Qu’ordonnez-vous ?

 

LE COMTE.

 

Je veux, mon cher Marin,

Je veux avoir, au plus tard pour demain,

Six chevaux neufs, un nouvel équipage,

Femme de chambre adroite, bonne et sage ;

Valet de chambre avec deux grands laquais,

Point libertins, qui soient jeunes, bien faits ;

Des diamants, des boucles des plus belles,

Des bijoux d’or, des étoffes nouvelles.

Pars dans l’instant, cours en poste à Paris ;

Crève tous les chevaux.

 

MARIN.

 

Vous voilà pris.

J’entends, j’entends ; madame la baronne

Est la maîtresse aujourd’hui qu’on nous donne ;

Vous l’épousez ?

 

LE COMTE.

 

Quel que soit mon projet,

Vole et reviens.

 

MARIN.

 

Vous serez satisfait.

 

 

 

 

 

SCÈNE II.

 

 

_______

 

 

LE COMTE, GERMON.

 

_______

 

 

 

 

LE COMTE.

 

Quoi ! j’aurai donc cette douceur extrême

De rendre heureux, d’honorer ce que j’aime !

Notre baronne avec fureur criera :

Très volontiers et tant qu’elle voudra.

Les vains discours, le monde, la baronne,

Rien ne m’émeut, et je ne crains personne ;

Aux préjugés c’est trop être soumis :

Il faut les vaincre, ils sont nos ennemis ;

Et ceux qui font les esprits raisonnables,

Plus vertueux, sont les seuls respectables.

Eh ! mais… quel bruit entends-je dans ma cour ?

C’est un carrosse… Oui… mais … au point du jour

Qui peut venir ? … C’est ma mère, peut-être.

Germon…

 

GERMON, arrivant.

 

Monsieur.

 

LE COMTE.

 

Vois ce que ce peut être.

 

GERMON.

 

C’est un carrosse.

 

LE COMTE.

 

Eh qui ? par quel hasard ?

Qui vient ici ?

 

GERMON.

 

L’on ne vient point ; l’on part.

 

LE COMTE.

 

Comment ! on part ?

 

GERMON.

 

Madame la baronne

Sort tout à l’heure.

 

LE COMTE.

 

Oh ! je le lui pardonne ;

Que pour jamais puisse-t-elle sortir !

 

GERMON.

 

Avec Nanine elle est prête à partir.

 

LE COMTE.

 

Ciel ! que dis-tu ? Nanine ?

 

GERMON.

 

La suivante

Le dit tout haut.

 

LE COMTE.

 

Quoi donc ?

 

GERMON.

 

Votre parente

Part avec elle ; elle va, ce matin,

Mettre Nanine à ce couvent voisin.

 

LE COMTE.

 

Courons, volons. Mais quoi ! que vais-je faire ?

Pour leur parler je suis trop en colère :

N’importe : allons. Quand je devrais… mais non :

On verrait trop toute ma passion.

Qu’on ferme tout, qu’on vole, qu’on l’arrête ;

Répondez-moi d’elle sur votre tête :

Amenez-moi Nanine.

 

 

(Germont sort.)

 

Ah ! juste ciel !

On l’enlevait. Quel jour ! quel coup mortel !

Qu’ai-je donc fait ? pourquoi ? par quel caprice ?

Par quelle ingrate et cruelle injustice ?

Qu’ai-je donc fait, hélas : que l’adorer,

Sans la contraindre, et sans me déclarer,

Sans alarmer sa timide innocence ?

Pourquoi me fuir ? Je m’y perds, plus j’y pense.

 

  

 

 

 NANINE -ACTE II - SCENE I et II

 

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