MAHOMET - Partie 1 : Avertissement des éditeurs de Kehl
Photo de PAPAPOUSS
M A H O M E T.
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AVERTISSEMENT DES ÉDITEURS DE KEHL.
On trouvera des détails historiques sur Mahomet dans l’Avis de l’Editeur. On y reconnaît la main de Voltaire. Nous ajouterons ici qu’en 1741 (1), Crébillon refusa d’approuver la tragédie de Mahomet, non qu’il aimât les hommes qui avaient intérêt à faire supprimer la pièce, ni même qu’il les craignît, mais uniquement parce qu’on lui avait persuadé que Mahomet était le rival d’Atrée. M. d’Alembert (2) fut chargé d’examiner la pièce, et il jugea qu’elle devait être jouée : c’est un de ses premiers droits à la reconnaissance des hommes et à la haine des fanatiques, qui n’ont cessé depuis de le faire déchirer dans des libelles périodiques. La pièce fut jouée alors telle qu’elle est ici. Quelque temps après, les comédiens supprimèrent le délire de Séide, parce qu’il leur paraissait difficile à bien rendre ; et la police trouva mauvais que Mahomet dît à Zopire :
Non, mais il faut m’aider à tromper l’univers.
En conséquence, on a dit pendant longtemps :
Non, mais il faut m’aider à dompter l’univers.
ce qui faisait un sens ridicule.
Le quatrième acte de Mahomet est imité du Marchand de Londres de Lillo ; ou plutôt le moment où Zopire prie pour ses enfants, celui où Zopire mourant les embrasse et leur pardonne, sont imités de la pièce anglaise. Mais qu’un homme qui assassine sans défense un vieillard vertueux et son bienfaiteur, soit toujours intéressant et noble, c’est ce qu’on voit dans Mahomet, et qu’on ne voit que dans cette pièce. Le fanatisme est le seul sentiment qui puisse ôter l’horreur d’un tel crime, et la faire tomber tout entière sur les instigateurs.
1 –Ou plutôt 1742. (G.A.)
2 – En 1751. (G.A.)