LA PUCELLE D'ORLEANS : Chant seizième

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LA PUCELLE.

 

 

 

CHANT SEIZIÈME.

 

 

 

 

ARGUMENT.

 

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Comment saint Pierre apaisa saint George et saint Denys, et comment il promit un beau prix à celui des deux qui lui apporterait la meilleure ode. Mort de la belle Rosamore.

 

 

 

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Palais des cieux, ouvrez-vous à ma voix,

Etres brillants aux six ailes légères,

Dieux emplumés, dont les mains tutélaires

Font les destins des peuples et des rois !

Vous qui cachez, en étendant vos ailes,

Des derniers cieux les splendeurs éternelles,

Daignez un peu vous ranger de côté :

Laissez-moi voir en cette horrible affaire,

Ce qui se passe au fond du sanctuaire ;

Et pardonnez ma curiosité.

 

Cette prière est de l’abbé Trithême (1),

Non pas de moi ; car mon œil effronté

Ne peut percer jusqu’à la cour suprême ;

Je n’aurais pas tant de témérité.

 

Le dur saint George et Denys notre apôtre

Etaient au ciel enfermés l’un et l’autre ;

Ils voyaient tout ; mais ils ne pouvaient pas

Prêter leurs mains aux terrestres combats ;

Ils cabalaient : c’est tout ce qu’on peut faire

Et ce qu’on fait quand on est à la cour.

 

George et Denys s’adressent tour à tour

Dans l’empirée au bon monsieur saint Pierre.

 

Ce grand portier dont le pape est vicaire,

Dans ses filets enveloppant le sort,

Sous ses deux clefs tient la vie et la mort.

Pierre leur dit : « Vous avez pu connaître,

Mes chers amis, quel affront je reçus

Quand je remis une oreille à Malchus.

Je me souviens de l’ordre de mon maître ;

Il fit rentrer mon fer dans son fourreau (2) :

Il m’a privé du droit brillant des armes ;

Mais j’imagine un moyen tout nouveau

Pour décider de vos grandes alarmes.

Vous, saint Denys, prenez dans ce canton

Les plus grands saints qu’ait vus naître la France ;

Vous, monsieur George, allez en diligence

Prendre les saints de l’île d’Albion.

Que chaque troupe en ce moment compose

Un hymne en vers, non pas une ode en prose (3)

Houdart a tort ; il faut dans ces hauts lieux

Parler toujours le langage des dieux ;

Qu’on fasse, dis-je, une ode pindarique

Où le poète exalte mes vertus,

Ma primauté, mes droits, mes attributs,

Et que le tout soit mis vite en musique :

Chez les mortels il faut toujours du temps

Pour rimailler des vers assez méchants ;

On va plus vite au séjour de la gloire.

Allez, vous dis-je, exercez vos talents ;

La meilleure ode obtiendra la victoire,

Et vous ferez le sort des combattants. »

 

Ainsi parla, du plus haut de son trône,

Aux deux rivaux l’infaillible Barjone ;

Cela fut dit en deux mots tout au plus :

Le laconisme est langue des élus.

En un clin d’oeil, les deux rivaux célestes,

Pour terminer leurs querelles funestes,

Vont assembler les saints de leur pays

Qui sur la terre ont été beaux esprits.

 

Le bon patron qu’on révère à Paris

Fit aussitôt seoir à sa table ronde

Saint Fortunat, peu connu dans le monde (4),

Et qui passait pour l’auteur du Pange ;

Et saint Prosper, d’épithètes chargé (5),

Quoique un peu dur et qu’un peu janséniste.

Il mit aussi Grégoire dans sa liste,

Le grand Grégoire, évêque tourangeau (6),

Cher au pays qui vit naître Bonneau ;

Et saint Bernard fameux par l’antithèse (7),

Qui dans son temps n’avait pas son pareil ;

Et d’autres saints pour servir de conseil ;

Sans prendre avis, il est rare qu’on plaise.

George, en voyant tous ces soins de Denys,

Le regardait d’un dédaigneux souris ;

Il avisa dans le sacré pourpris

Un saint Austin, prêcheur de l’Angleterre (8),

Puis en ces mots il lui dit son avis :

 

« Bon homme Austin, je suis né pour la guerre,

Non pour les vers, dont je fais peu de cas ;

Je sais brandir mon large cimeterre,

Pourfendre un buste, et casser tête et bras ;

Tu sais rimer : travaille, versifie,

Soutiens en vers l’honneur de la patrie.

Un seul Anglais, dans les champs de la mort,

De trois Français triomphe sans effort.

Nous avons vu devers la Normandie,

Dans le Haut-Maine, en Guienne, en Picardie,

Ces beaux messieurs aisément mis à bas ;

Si pour frapper nous avons meilleurs bras,

Crois, en fait d’hymne, et d’ode, et d’œuvre telle,

Quand il s’agit de penser, de rimer,

Que nous avons non moins bonne cervelle.

Travaille, Austin, cours en vers t’escrimer ;

Je veux que Londres ait à jamais l’empire

Dans les deux arts de bien faire et bien dire.

Denys ameute un tas de rimailleurs

Qui tous ensemble ont très peu de génie ;

Travaille seul : tu sais tes vieux auteurs,

Courage ! allons, prends ta harpe bénie,

Et moque-toi de son académie. »

 

Le bon Austin, de cet emploi chargé,

Le remercie en auteur protégé.

Denys et lui, dans un réduit commode,

Vont se tapir, et chacun fit son ode.

Quand tout fut fait, les brûlants séraphins,

Les gros joufflus, têtes de chérubins,

Près de Barjone en deux rangs se perchèrent ;

Au-dessous d’eux les anges se nichèrent ;

Et tous les saints, soigneux de s’arranger,

Sur des gradins s’assirent pour juger.

 

Austin commence : il chantait les prodiges

Qui de l’Egypte endurcirent les cœurs ;

Ce grand Moïse, et ses imitateurs

Qui l’égalaient dans ses divins prestiges ;

Les flots du Nil, jadis si bienfaisants,

D’un sang affreux dans leur course écumants ;

Du noir limon les venimeux reptiles

Changés en verge, et la verge en serpents,

Le jour en nuit ; les déserts et les villes,

De moucherons, de vermine couverts ;

La rogne aux os, la foudre dans les airs ;

Les premiers-nés d’une race rebelle

Tous égorgés par l’ange du Seigneur ;

L’Egypte en deuil, et le peuple fidèle

De ses patrons emportant la vaisselle (9),

Et par le vol méritant son bonheur ;

Ce peuple errant pendant quarante années ;

Vingt mille Juifs égorgés pour un veau (10) ;

Vingt mille encore envoyés au tombeau

Pour avoir eu des amours fortunées (11) ;

Et puis Aod, ce Ravaillac hébreu (12),

Assassinant son maître au nom de Dieu ;

Et Samuel, qui d’une main divine

Prend sur l’autel un couteau de cuisine,

Et bravement met Agag en hachis (13),

Car cet Agag était incirconcis ;

Puis la beauté qui, sauvant Béthulie (14),

Si purement de son corps fit folie ;

Le bon Basa qui massacra Nadad (15) ;

Et puis Achab mourant comme un impie (16),

Pour n’avoir pas égorgé Benhadad ;

Le roi Joas meurtri par Jozabad (17),

Fils d’Atrobad ; et la reine Athalie,

Si méchamment mise à mort par Joad (18).

 

Longuette fut la triste litanie ;

Ces beaux récits étaient entrelacés

De ces grands traits si chers aux temps passés.

On y voyait le soleil se dissoudre,

La mer fuyant, la lune mise en poudre,

Le monde en feu qui toujours tressaillait,

Dieu qui cent fois en fureur s’éveillait,

Des flots de sang, des tombeaux, des ruines ;

Et cependant près des eaux argentines

Le lait coulait sous de verts oliviers ;

Les monts sautaient tout comme des béliers,

Et les béliers tout comme des collines.

Le bon Austin célébrait le Seigneur,

Qui menaçait le Chaldéen vainqueur,

Et qui laissait son peuple en esclavage,

Mais des lions brisant toujours les dents,

Sous ses deux pieds écrasant les serpents,

Parlant au Nil, et suspendant la rage

Des basilics (19) et des léviathans (20).

Austin finit. Sa pindarique ivresse

Fit élever parmi les bienheureux

Un bruit confus, un murmure douteux,

Qui n’était pas en faveur de la pièce.

 

Denys se lève, et, baissant ses doux yeux,

Puis les levant avec un air modeste,

Il salua l’auditoire céleste,

Parut surpris de leurs traits radieux ;

Et finement sa pudeur semblait dire :

« Encouragez celui qui vous admire. »

Il salua trois fois très humblement

Les conseillers, le premier président ;

Puis il chanta d’une voix douce et tendre

Cet hymne adroit que vous allez entendre :

 

« O Pierre ! ô Pierre ! ô toi sur qui Jésus

Daigna fonder son Eglise immortelle,

Portier des cieux, pasteur de tout fidèle,

Maître des rois à tes pieds confondus,

Docteur divin, prêtre saint, tendre père,

Auguste appui de nos rois très chrétiens,

Etends sur eux ta faveur salutaire.

Leurs droits sont purs, et ses droits sont les tiens.

Le pape à Rome est maître des couronnes,

Aucun n’en doute ; et si ton lieutenant

A qui lui plaît fait ce petit présent,

C’est en ton nom, car c’est toi qui les donnes.

Hélas ! hélas ! nos gens de parlement

Ont banni Charles ; ils ont impudemment

Mis sur le trône une race étrangère ;

On ôte au fils l’héritage du père.

Divin portier, oppose tes bienfaits

A cette audace, à dix ans de misère ;

Rends-nous les clefs de la cour du palais. »

 

C’est sur ce ton que saint Denys prélude ;

Puis il s’arrête : il lit avec étude

Du coin de l’œil dans les yeux de Céphas,

En affectant un secret embarras.

Céphas content fit voir sur son visage

De l’amour-propre un secret témoignage,

Et rassurant les esprits interdits

Du chantre habile, il dit dans son langage :

« Cela va bien ; continuez, Denys. »

 

L’humble Denys repart avec prudence :

« Mon adversaire a pu charmer les cieux ;

Il a chanté le Dieu de la vengeance,

Je vais bénir le Dieu de la clémence ;

Haïr est bon, mais aimer vaut bien mieux. »

 

Denys alors d’une voix assurée

En vers heureux chanta le bon berger

Qui va cherchant sa brebis égarée,

Et sur son dos se plaît à la charger ;

Le bon fermier dont la main libérale

Daigne payer l’ouvrier négligent

Qui vient trop tard, afin que diligent

Il vienne ouvrer dès l’aube matinale ;

Le bon patron qui, n’ayant que cinq pains

Et trois poissons, nourrit cinq mille humains ;

Le bon prophète, encor plus doux qu’austère,

Qui donne grâce à la femme adultère,

A Magdeleine, et permet que ses pieds

Soient gentiment par la belle essuyés.

ParMagdeleine Agnès est figurée.

Denys a pris ce délicat détour ;

Il réussit : la grand’chambre éthérée

Sentit le trait, et pardonna l’amour.

Du doux Denys l’ode fut bien reçue ;

Elle eut le prix, elle eut toutes les voix.

Du saint anglais l’audace fut déçue ;

Austin rougit, il fuit en tapinois :

Chacun en rit, le paradis le hue ;

Tel fut hué dans les murs de Paris

Un pédant sec, à face de Thersite (21),

Vil délateur, insolent hypocrite,

Qui fut payé de haine et de mépris,

Quand il osa dans ses phrases vulgaires

Flétrir les arts et condamner nos frères.

 

Pierre à Denys donna deux beaux agnus ;

Denys les baise, et soudain l’on ordonne,

Par un arrêt signé de douze élus,

Qu’en ce grand jour les Anglais soient vaincus

Par les Français et par Charles en personne.

 

En ce moment la barroise amazone

Vit dans les airs, dans un nuage épais,

De son grison la figure et les traits,

Comme un soleil, dont souvent un nuage

Reçoit l’empreinte et réfléchit l’image.

Elle cria : « Ce jour est glorieux ;

Tout est pour nous, mon âne est dans les cieux. »

Bedfort surpris de ce prodige horrible,

Déjà s’arrête et n’est plus invincible.

Il lit au ciel, d’un regard consterné,

Que de saint George il est abandonné.

L’Anglais surpris, croyant voir une armée,

Descend soudain de la ville alarmée ;

Tous les bourgeois, devenus valeureux,

Les voyant fuir, descendent après eux.

Charles plus loin, entouré de carnage,

Jusqu’à leur camp se fait un beau passage.

Les assiégeants, à leur tour assiégés,

En tête, en queue, assaillis, égorgés,

Tombent en foule au bord de leurs tranchées,

D’armes, de morts et de mourants jonchées ;

 

C’est en ces lieux, c’est dans ce champ mortel

Que tu venais exercer ta vaillance,

O dur Anglais, ô Christophe Arondel !

Ton maintien sec, ta froide indifférence,

Donnaient du prix à ton courage altier.

Sans dire un mot, ce sourcilleux guerrier

Examinait comme on se bat en France :

Et l’on eût dit, à son air d’importance,

Qu’il était là pour se désennuyer.

Sa Rosamore, à ses pas attachée,

Est comme lui de fer enharnachée,

Tel qu’un beau page ou qu’un jeune écuyer :

Son casque est d’or, sa cuirasse est d’acier ;

D’un perroquet la plume panachée

Au gré des vents ombrage son cimier.

Car dès ce jour où son bras meurtrier

A dans son lit décollé Martinguerre,

Elle se plaît tout à fait à la guerre.

On croirait voir la superbe Pallas

Quittant l’aiguille et marchant aux combats,

Ou Bradamante, ou bien Jeanne elle-même.

Elle parlait au voyageur qu’elle aime,

Et lui montrait les plus grands sentiments,

Lorsqu’un démon trop funeste aux amants,

Pour leur malheur, vers Arondel attire

Le dur Poton et le jeune La Hire ;

Et Richemont qui n’a pitié de rien.

Poton, voyant le grave et fier maintien

De notre Anglais, tout indigné s’élance

Sur le causeur, et d’un grand coup de lance

Qui par le flanc sort au milieu du dos,

D’un sang trop froid lui fait verser des flots :

Il tombe et meurt ; et la lance cassée

Roule avec lui dans son corps enfoncée.

 

A ce spectacle, à ce moment affreux,

On ne vit point la belle Rosamore

Se renverser sur l’amant qu’elle adore,

Ni s’arracher l’or de ses blonds cheveux,

Ni remplir l’air de ses cris douloureux,

Ni s’emporter contre la Providence ;

Point de soupirs : elle cria, « Vengeance ! »

Et dans l’instant que Poton se baissait

En ramassant son fer qui se cassait,

Ce bras tout nu, ce bras dont la puissance

Avait un coup séparé dans un lit

Un chef grison du cou d’un vieux bandit,

Tranche à Poton la main trop redoutable,

Cette main droite à ses yeux si coupable.

Les nerfs cachés sous la peau des cinq doigts

Les font mouvoir pour la dernière fois ;

Poton depuis ne sut jamais écrire.

 

 

Mais dans l’instant le brave et beau La Hire

Porte au guerrier, du grand Poton vainqueur,

Un coups mortel qui lui perce le cœur.

Son casque d’or, que sa chute détache,

Découvre un sein de roses et de lis ;

Son front charmant n’a plus rien qui le cache ;

Ses longs cheveux tombent sur ses habits ;

Ses grands yeux bleus dans la mort endormis,

Tout laisse voir une femme adorable,

Et montre un corps formé pour les plaisirs.

Le beau La Hire en pousse des soupirs,

Répand des pleurs ; et d’un ton lamentable

S’écrie : « O ciel ! je suis un meurtrier,

Un housard noir plutôt qu’un chevalier ;

Mon cœur, mon bras, mon épée est infâme :

Est-il permis de tuer une dame ? »

Mais Richemont, toujours mauvais plaisant

Et toujours dur, lui dit : « Mon cher La Hire,

Va, tes remords ont sur toi trop d’empire ;

C’est une Anglaise, et le mal n’est pas grand ;

Elle n’est pas pucelle comme Jeanne. »

 

Tandis qu’il tient un discours si profane,

D’un coup de flèche il se sentit blessé,

Et devenu plus fier, plus courroucé,

Il rend cent coups à la troupe bretonne,

Qui comme un flot le presse et l’environne.

La Hire et lui, nobles, bourgeois, soldats,

Portent partout les efforts de leurs bras :

On tue, on tombe, on poursuit, on recule,

De corps sanglants un monceau s’accumule,

Et des mourants l’Anglais fait un rempart.

 

Dans cette horrible et sa sanglante mêlée

Le roi disait à Dunois : « Cher bâtard,

Dis-moi, de grâce, où donc est-elle allée ? »

« Qui ? » dit Dunois. Le bon roi lui repart :

« Ne sais-tu pas ce qu’elle est devenue ? »

− « Qui donc ? » − «  Hélas ! elle était disparue

Hier au soir, avant qu’un heureux sort

Nous eût conduits au château de Bedfort,

Et dans la place on est entré sans elle. »

« Nous la trouverons bien. » dit la Pucelle.

« Ciel ! dit le roi, qu’elle me soit fidèle !

Gardez-la-moi. » Pendant ce beau discours,

Il avançait et combattait toujours.

Bientôt la nuit, couvrant notre hémisphère,

L’enveloppa d’un noir et long manteau,

Et mit un terme à ce cours tout nouveau

Des beaux exploits que Charles eût voulu faire.

 

Comme il sortait de cette grande affaire,

Il entendit qu’on avait le matin

Vu cheminer vers la forêt voisine

Quelques tendrons du genre féminin ;

Une surtout, à la taille divine,

Aux grands yeux bleus, au minois enfantin,

Au souris tendre, à la peau de satin,

Que sermonnait un bon dominicain.

Des écuyers brillants, à mines fières,

Des chevaliers, sur leurs coursiers fringants,

Couverts d’acier, et d’or, et de rubans,

Accompagnaient les belles cavalières.

La troupe errante avait porté ses pas

Vers un palais qu’on ne connaissait pas,

Et que jamais, avant cette aventure,

On n’avait vu dans ces lieux écartés ;

Rien n’égalait sa bizarre structure.

 

Le roi, surpris de tant de nouveautés,

Dit à Bonneau : « Qui m’aime doit me suivre ;

Demain matin je veux au point du jour

Revoir l’objet de mon fidèle amour,

Reprendre Agnès, ou bien cesser de vivre. »

Il resta peu dans les bras du sommeil ;

Et quand Phosphore (22), au visage vermeil,

Eut précédé les roses de l’Aurore ;

Quand dans le ciel on attelait encore

Les beaux coursiers que conduit le Soleil (23),

Le roi, Bonneau, Dunois et la Pucelle,

Allègrement se remirent en selle,

Pour découvrir ce superbe palais.

Charles disait : « Voyons d’abord ma belle ;

Nous rejoindrons assez tôt les Anglais :

Le plus pressé, c’est de vivre avec elle (24). »

 

 

LA PUCELLE-CHANT SEIZIEME

 

 

1 – J’avoue que je ne l’ai point lue dans Trithême ; mais il se peut que je n’aie pas lu tous les ouvrages de ce grand homme. (1762.) (Voltaire.)

 

2 – « Remettez votre épée en son lieu, car qui prendra l’épée périra par l’épée. » Saint Pierre conseille ici avec une piété adroite aux Anglais de ne pas faire la guerre. (1762.) (Voltaire.)

 

3 – La Motte-Houdart, poète un peu sec, mais qui a fait d’assez bonnes choses, avait malheureusement fait des odes en prose, en 1730 ; preuve nouvelle que ce poème divin fut composé vers ce temps-là. (1762.) (Voltaire.)

 

4 – Evêque de Poitiers, poète. Il n’est pas l’auteur du Pange lingua qu’on lui attribue. (1762.) (Voltaire.)

 

5 – Saint Prosper, auteur d’un poème fort sec sur la grâce, au cinquième siècle. (1762.)

 

6 – Grégoire de Tours, le premier qui écrivit une Histoire de France, toute pleine de miracles. (1762.) (Voltaire.)

 

7 – Saint Bernard, Bourguignon, né en 1091, moine de Cîteaux, puis abbé de Clairvaux ; il entra dans toutes les affaires publiques de son temps, et agit autant qu’il écrivit.. On ne voit pas qu’il ait fait beaucoup de vers. Quant à l’antithèse dont notre auteur le glorifie, il est vrai qu’il était grand amateur de cette figure. Il dit d’Abélard : « Léonem invasimus, incidimus in draconem. » Sa mère, étant grosse de lui, songea qu’elle accouchait d’un chien blanc ; et on lui prédit que son fils serait moine, et aboierait contre les mondains. (1762.) (Voltaire.)

 

8 – Saint Austin ou Augustin, moine qu’on regarde comme le fondateur de la primatie de Cantorbéry, ou Kenterbury. (1762.) (Voltaire.)

 

9 – Les Juifs empruntèrent, comme on sait, les vases des Egyptiens, et s’enfuirent. (1762.) (Voltaire.)

 

10 – Les lévites, qui égorgèrent vingt mille de leurs frères. (1762.)

 

11 – Phinées, qui fit massacrer vingt-quatre mille de ses frères, parce qu’un d’eux couchait avec une Madianite. (1762.) (Voltaire.)

 

12 – Aod, ou Eüd, assassina le roi Eglon, mais de la main gauche. (1762.) (Voltaire.)

 

13 – Samuel coupa en morceaux le roi Agag, que Saül avait admis à rançon. (1762.) (Voltaire.)

 

14 – Judith, assez connue. (1762.) (Voltaire.)

 

15 – Basa, roi d’Israël, assassina Nadad ou Nadab, et lui succéda. (1762.) (Voltaire.)

 

16 – Achab avait eu une grosse rançon de Benhadad, roi syrien, comme Saül en avait eu une d’Agag, et fut tué pour avoir pardonné. (1762.) (Voltaire.) − Benhadad vaincu envoya des députés à Achab pour lui demander la vie. « S’il vit, répondit Achab aux députés, il n’est plus que mon frère. » Cette réponse, qui humainement parlant, est d’une naïveté touchante et sublime, attira sur Achab la colère du ciel, et surtout celle des prophètes. (Rois, liv. III, chap. XX.) (K.)

 

17 – Jons, assassiné par Jozabad. (1762.) (Voltaire.)

 

18 – Allusion à l’épigramme de Racine :

 

Je pleure, hélas ! pour ce pauvre Holopherne,

Si méchamment mis à mort par Judith. (1762.) (Voltaire.)

 

19 – Basilic, animal fort fameux, mais qui n’exista jamais. (1762.) (Voltaire.)

 

20 – Léviathan, autre animal fort célèbre. Les uns disent que c’est la baleine, les autres le crocodile. (1762.) (Voltaire.)

 

21 – Omer Joly de Fleury, avocat-général. Il avait requis contre l’Encyclopédie. Voyez un portrait identique du même personnage dans l’Epître à mademoiselle Clairon de 1761. (G.A.)

 

22 – Phosphore ou Fosfore, porte-lumière qui précédait l’Aurore, laquelle précédait le char du Soleil. Tout était animé, tout était brillant dans l’ancienne mythologie. On ne peut trop en poésie déplorer la perte de ces temps de génie, remplis de belles fictions toutes allégoriques. Que nous sommes secs et arides en comparaison, nous autres remués de barbares ! (1762.) (Voltaire.)

 

23 – Les anciens donnèrent un char au Soleil. Cela était fort commun : Zoroastre traversait les airs dans un char ; Elie fut transporté au ciel dans un char lumineux. Les quatre chevaux du Soleil étaient blancs. Leurs noms étaient Pyroïs, Eoüs, Ethon, Phlégon, selon Ovide ; c’est-à-dire l’enflammé, l’oriental, l’annuel, le brûlant. Mais selon d’autres savants antiquaires, ils s’appelaient Erythrée, Actéon, Lampos, et Philogée ; c’est-à-dire le rouge, le lumineux, l’éclatant, le terrestre. Je crois que ces savants se sont trompés, et qu’ils ont pris les noms des quatre parties du jour pour ceux des chevaux ; c’est une erreur grossière, que je démontrerai dans le prochain Mercure, en attendant les deux dissertations in-folio que j’ai faites sur ce sujet. (1762.) (Voltaire.)

 

24 – Charles VII figure bien ici Louis XV qui, en campagne, ne songeait qu’à retourner auprès de ses maîtresses. (G.A.)

 

Publié dans La Pucelle d'Orléans

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