JUGEMENT SUR VOLTAIRE de DE GENLIS
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JUGEMENT SUR VOLTAIRE
De
MADAME DE GENLIS
1746 - 1830
FEMME DE LETTRES FRANÇAISE.
… Si M. de Voltaire, n’aspirant point au titre d’historien, n’eût pas publié des ouvrages historiques remplis d’erreurs, de mensonges et dans un style à la fois épigrammatique, incorrect et toujours négligé, s’il n’eût pas fait de mauvaises comédies, de mauvaises odes, des opéras détestables, une multitude innombrable de pamphlets, de satires et de libelles, dont la calomnie, l’impiété la plus révoltante, le cynisme le plus effronté font tout le sel, on ne l’aurait jamais proclamé génie universel.
… Toutes les carrières de la véritable gloire avaient été parcourues avec un éclat désespérant pour l’orgueil et l’ambition. On voulut donc (Voltaire) ouvrir des routes nouvelles, et, ne pouvant surpasser ni même égaler des modèles parfaits, on prit la résolution de contester leurs droits, d’anéantir leur doctrine, de tourner en ridicule leurs croyances et leurs maximes, de jeter une extrême confusion dans toutes les idées morales, de tout brouiller, de tout confondre, d’usurper la louange et de braver le mépris, enfin de corrompre l’esprit public, afin de le séduire et de régner sur une multitude égarée.
… Mais Voltaire et ses amis durent leurs plus grands triomphes à un mot véritablement magique, par l’effet qu’il produisit sur un nombre infini de personnes de toutes les classes. Ce grand mot de ralliement fut : Tolérance.
… Il est enfin universellement reconnu que jamais historien et jamais auteur n’a fait des mensonges aussi multipliés et aussi impudents.
Le Baron.
Vous aurez beau dire, vous tourmenter et prouver que Voltaire a calomnié, vous n’empêcherez jamais son siècle et la postérité de le trouver l’auteur le plus fécond et l’homme du plus grand génie qui ait existé.
Le Marquis.
Fécond ! Je le crois bien ; il a écrit tant de sottises et même d’inepties.
Le Baron.
D’inepties ! Ah ! par exemple, Voltaire inepte !...
Le Marquis.
Oui, inepte, c’est le mot ; et c’est une grande leçon morale que l’excès de l’impiété, de la méchanceté, de l’envie et du cynisme, ait pu mille fois rendre un homme tel que Voltaire, véritablement inepte.
Les Dîners du baron d’Holbach.