JUGEMENT SUR VOLTAIRE de Charles d'HENRIET
Statue de VOLTAIRE
JUGEMENT SUR VOLTAIRE
De
Charles D’HENRIET
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PEINTRE
Aucun homme, quel qu’il soit, tant parmi nos contemporains que parmi les morts, n’a le privilège de représenter à nos yeux, comme Voltaire, la libre pensée, la tolérance, la lutte pour les idées, nul n’ayant, au vu et au su de tous, dépensé, dès sa jeunesse et dans le cours d’une longue vie, plus d’efforts d’un génie souple et persévérant pour amener le triomphe définitif de ce qu’il regardait comme le mieux-être matériel, moral, intellectuel, c’est-à-dire le progrès. A ce titre, le nom de Voltaire est encore un drapeau.
… Son rôle politique, son rôle social…, se sont manifestés, à partir de sa vingtième année, durant tout le cours de son infatigable existence… Esprit puissant, Voltaire croyait que l’homme est né pour l’action, et il l’a surabondamment prouvé…
(La Statue de Voltaire (*) – REVUE POSITIVE – 1868)
(*)
LA STATUE DE VOLTAIRE
Couplets chantés dans une fête solsticiale d’une loge de Paris,
à l’occasion de la souscription ouverte par le journal LE SIECLE
pour élever une statue à VOLTAIRE.
– 1867 –
I
Il n’est pas mort, rassurons-nous ;
A peine s’il sommeille ;
L’ennemi, lui tâtant le pouls,
Approche tout bas son oreille ;
S’apercevant qu’il bat encor,
Il s’abandonne à la colère.
Le peuple en un pieux transport
Dresse une statue à Voltaire.
II
Un grand homme ne meurt jamais,
Car sa parole est immortelle ;
Est-il mort ? L’on voit ses traits
Briller d’une vigueur nouvelle.
Supprimer le marbre et l’airain,
Ne laissez aucune matière ;
Dans son cœur, tout le genre humain ;
Fera la statue à Voltaire.
III
Qu’a-t-il fait pour gagner les cœurs,
Lui qui n’avait pas la puissance,
Qui ne pouvait donner faveurs,
Ni titres vains, ni récompense ?
Des opprimés il fut l’appui
Sans jamais attendre salaire,
Et le peuple veut aujourd’hui
Donner sa statue à Voltaire.
IV
Qu’il monte sur un piédestal
Pour briller de loin comme un phare,
Sa main tiendra comme fanal
Son beau plaidoyer pour La Barre ;
Cette œuvre seule suffirait
A révéler son caractère,
Et le peuple qui s’y connaît
Donne une statue à Voltaire.
V
Quiconque aime la liberté
Et pratique la tolérance,
Celui qui veut l’égalité
Inscrite aux codes de la France ;
Tous les Français jusqu’au dernier,
Pour le grand homme qu’on révère,
Venant déposer leur denier,
Feront la statue à Voltaire.
VI
Les francs-maçons doivent deux fois
Vénérer sa grande mémoire ;
Si du peuple il vengea les droits
Et de la France fut la gloire ;
Parmi nous il voulut s’asseoir
Quand il était octogénaire ;
Frères ! Votons, c’est un devoir,
Pour une statue à Voltaire.
VI
Ajouté en 1872
Aujourd'hui, debout dans Paris,
Il rit des cris de la cabale,
Et semble dire avec mépris :
«Paris est toujours capitale.»
Six ans encore et l’on verra
Sa grande fête séculaire.
Toute la France fleurira
Ta noble statue, ô Voltaire !
AUTEUR ANONYME.