STANCE : Au roi de Prusse - 1750

Publié le par loveVoltaire

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AU ROI DE PRUSSE.

 

 

 

‒ 1750 ‒

 

 

 

 

 

La mère de la Mort, la Vieillesse pesante,

A de son bras d’airain courbé mon faible corps ;

Et des maux qu’elle entraine une suite effrayante

De mon âme immortelle attaque les ressorts.

 

Je brave tes assauts, redoutable Vieillesse ;

Je vis auprès d’un sage, et je ne te crains pas :

Il te prêtera plus d’appas

Que le plaisir trompeur n’en donne à la jeunesse.

 

Coulez mes derniers jours, sans trouble, sans terreur,

Coulez près d’un héros dont le mâle génie

Me fait goûter en paix le songe de la vie,

Et dépouille la mort de ce qu’elle a d’horreur.

 

Ma raison, qu’il éclaire, en est plus intrépide ;

Mes pas par lui guidés en sont plus affermis ;

Un mortel que Pallas couvre de son égide

Ne craint point les dieux ennemis.

 

O philosophe-roi, que ma carrière est belle !

J’irai de Sans-Souci, par des chemins de fleurs,

Aux champs élyséens parler à Marc-Aurèle

Du plus grand de ses successeurs (1).

 

A Salluste jaloux je lirai votre histoire,

A Lycurgue vos lois, à Virgile vos vers ;

J’étonnerai les morts, ils ne pourront me croire :

Nul d’eux n’a rassemblé tant de talents divers.

 

Mais, lorsque j’aurai vu les ombres immortelles,

N’allez pas, après moi, confirmer mes récits.

Vivez : rendez heureux ceux qui vous sont soumis,

Et n’allez que fort tard auprès de vos modèles (2).

 

 

 

 

 

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1 – Alors Voltaire était persuadé en effet qu’il passerait auprès de Frédéric le reste de ses jours. (G.A.)

 

 

 

2 – On trouvera dans la CORRESPONDANCE avec le roi de Prusse, à la date de 1751, trois strophes qui se trouvaient reproduites ici dans les éditions précédentes. (G.A.)

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