EPITRE : A M. le duc de Richelieu

Publié le par loveVoltaire

    EPITRE - A RICHELIEU - 1756

 

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A M. LE DUC DE RICHELIEU,

 

SUR LA CONQUÊTE DE MAHON

 

 

(1)

 

 

  1756 

 

 

 

Depuis plus de quarante années

Vous avez été mon héros ;

J’ai présagé vos destinées.

          Ainsi, quand Achille à Scyros,

Paraissait se livrer en proie

Aux jeux, aux amours, au repos,

Il devait un jour sur les flots

Porter la flamme devant Troie :

Ainsi, quand Phryné dans ses bras

Tenait le jeune Alcibiade,

Phryné ne le possédait pas,

Et son nom fut dans les combats

Egal au nom de Miltiade.

Jadis les amants, les époux,

Tremblaient en vous voyant paraître.

Près des belles et près du maître

Vous avez fait plus d’un jaloux ;

Enfin, c’est au héros à l’être.

C’est rarement que dans Paris,

Parmi les festins et les ris,

On démêle un grand caractère ;

Le préjugé ne conçoit pas

Que celui qui sait l’art de plaire

Sache aussi sauver les Etats :

Le grand homme échappe au vulgaire :

Mais lorsqu’au champ de Fontenoy

Il sert sa patrie et son roi (2),

Quand sa main des peuples de Gênes

Défend les jours et rompt les chaînes ;

Lorsque, aussi prompt que les éclairs,

Il chasse les tyrans des mers

Des murs de Minorque opprimée ;

Alors ceux qui l’ont méconnu

En parlent comme son armée.

Chacun dit : « Je l’avais prévu. »

Le succès fait la renommée.

Homme aimable, illustre guerrier,

En tout temps l’honneur de la France,

Triomphez de l’Anglais altier,

De l’envie, et de l’ignorance.

Je ne sais si dans Port-Mahon

Vous trouverez un statuaire,

Mais vous n’en avez plus affaire :

Vous allez graver votre nom

Sur les débris de l’Angleterre ;

Il sera béni chez l’Ibère,

Et chéri dans ma nation.

Des deux Richelieu sur la terre

Les exploits seront admirés ;

Déjà tous deux sont comparés,

Et l’on ne sait qui l’on préfère.

Le cardinal affermissait

Et partageait le rang suprême

D’un maître qui le haïssait ;

Vous vengez un roi qui vous aime.

Le cardinal fut plus puissant,

Et même un peu trop redoutable :

Vous me paraissez bien plus grand,

Puisque vous êtes plus aimable.

 

 

EPITRE - A RICHELIEU - 1756

 

 

 

1 – Voyez la lettre à Richelieu du 3 Mai 1756

 

2 – Voyez le chap. XV du Précis du Siècle de Louis XV. (G.A.)

 

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