DICTIONNAIRE PHILOSOPHIQUE : P comme PARLEMENT DE FRANCE
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P comme PARLEMENT DE FRANCE,
DEPUIS PHILIPPE-LE-BEL JUSQU’A CHARLES VII.
(1)
Parlement vient sans doute de parler ; et l’on prétend que parler venait du mot celte palter, dont les Cantabres et autres Espagnols firent palabra. D’autres assurent que c’est de parabola, et que de parabole on fit parlement. C’est là sans doute une érudition fort utile.
Il y a du moins je ne sais quelle apparence de doctrine plus sérieuse dans ceux qui vous disent que nous n’avons pu encore découvrir de monuments où se trouve le mot barbare parlamentum que vers le temps des premières croisades.
On peut répondre : le terme parlamentum était en usage alors pour signifier les assemblées de la nation : donc il était en usage très longtemps auparavant. On n’inventa jamais un terme nouveau pour les choses ordinaires.
Philippe III, dans la charte de cet établissement à Paris, parle d’anciens parlements. Nous avons des séances de parlement judiciaire depuis 1254 ; et une preuve qu’on s’était servi souvent du mot général parlement, en désignant les assemblées de la nation, c’est que nous donnâmes ce nom à ces assemblées dès que nous avons écrit en langue française : et les Anglais, qui prirent toutes nos coutumes, appelèrent parlement leurs assemblées des pairs.
Ce mot, source de tant d’équivoques, fut affecté à plusieurs autres corps, aux officiers municipaux des villes, à des moines, à des écoles : autre preuve d’un antique usage.
On ne répétera pas ici comment le roi Philippe-le-Bel, qui détruisit et forma tant de choses, forma une chambre de parlement à Paris, pour juger dans cette capitale les grands procès portés auparavant partout où se trouvait la cour ; comment cette chambre, qui ne siégeait que deux fois l’année, fut salariée par le roi à cinq sous par jour pour chaque conseiller juge. Cette chambre était nécessairement composée de membres amovibles, puisque tous avaient d’autres emplois ; de sorte que qui était juge à Paris à la Toussaint allait commander les troupes à la Pentecôte.
Nous ne redirons point comment cette chambre ne jugea de longtemps aucun procès criminel ; comment les clercs ou gradués, enquêteurs établis pour rapporter les procès aux seigneurs conseillers juges, et non pour donner leurs voix, furent bientôt mis à la place de ces juges d’épée, qui rarement savaient lire et écrire.
On sait par quelle fatalité étonnante et funeste le premier procès criminel que jugèrent ces nouveaux conseillers gradués fut celui de Charles VII, leur roi, alors dauphin de France, qu’ils déclarèrent, sans le nommer, déchu de son droit à la couronne ; et comment, quelques jours après, ces mêmes juges, subjugués par le parti anglais dominant, condamnèrent le dauphin, le descendant de saint Louis, au bannissement perpétuel, le 3 Janvier 1420 ; arrêt aussi incompétent qu’infâme, monument éternel de l’opprobre et de la désolation où la France était plongée, et que le président Hénault a tâché en vain de pallier dans son Abrégé aussi estimable qu’utile. Mais tout sort de sa sphère dans les temps de trouble. La démence du roi Charles VI, l’assassinat du duc de Bourgogne commis par les amis du dauphin, le traité solennel de Troyes, la défection de tout Paris et des trois quarts de la France, les grandes qualités, les victoires, la gloire, l’esprit, le bonheur de Henri V, solennellement déclaré roi de France, tout semblait excuser le parlement.
Après la mort de Charles VI, en 1422, et dix jours après ses obsèques, tous les membres du parlement de Paris jurèrent sur un missel, dans la grand’chambre, obéissance et fidélité au jeune roi d’Angleterre Henri VI, fils de Henri V ; et ce tribunal fit mourir une bourgeoise de Paris qui avait eu le courage d’ameuter plusieurs citoyens pour recevoir leur roi légitime dans sa capitale. Cette respectable bourgeoise fut exécutée avec tous les citoyens fidèles que le parlement put saisir. Charles VII érigea un autre parlement à Poitiers ; il fut peu nombreux, peu puissant, et point payé.
Quelques membres du parlement de Paris, dégoûtés des Anglais, s’y réfugièrent. Et enfin, quand Charles eut repris Paris et donné une amnistie générale, les deux parlements furent réunis.
PARLEMENT – L’ÉTENDUE DE SES DROITS.
Machiavel, dans ses remarques politiques sur Tite-Live, dit que les parlements font la force du roi de France. Il avait très grande raison en un sens. Machiavel Italien voyait le pape comme le plus dangereux monarque de la chrétienté. Tous les rois lui faisaient la cour ; tous voulaient l’engager dans leurs querelles ; et quand il exigeait trop, quand un roi de France n’osait le refuser en face, ce roi avait son parlement tout prêt qui déclarait les prétentions du pape contraires aux lois du royaume, tortionnaires, abusives, absurdes. Le roi s’excusait auprès du pape en disant qu’il ne pouvait venir à bout de son parlement.
C’était bien pis encore quand le roi et le pape se querellaient. Alors les arrêts triomphaient de toutes les bulles, et la tiare était renversée par la main de justice. Mais ce corps ne fit jamais la force des rois quand ils eurent besoin d’argent. Comme c’est avec ce seul ressort qu’on est sûr d’être toujours le maître, les rois en voulaient toujours avoir. Il en fallut demander d’abord aux états-généraux. La cour du parlement de Paris, sédentaire et instituée pour rendre la justice, ne se mêla jamais de finance jusqu’à François Ier. La fameuse réponse du premier président Jean de La Vaquerie au duc d’Orléans (depuis Louis XII) en est une preuve assez forte : « Le parlement est pour rendre justice au peuple ; les finances, la guerre, le gouvernement du roi, ne sont point de son ressort. »
On ne peut pardonner au président Hénault de n’avoir pas rapporté ce trait, qui servit longtemps de base au droit public en France, supposé que ce pays connût un droit public.
PARLEMENT – DROIT D’ENREGISTRER.
Enregistrement, mémorial, journal, livre de raison. Cet usage fut de tout temps observé chez les nations policées, et fort négligé par les Barbares qui vinrent fondre sur l’empire romain. Le clergé de Rome fut plus attentif ; il enregistra tout, et toujours à son avantage. Les Visigoths, les Vandales, les Bourguignons, les Francs, et tous les autres sauvages n’avaient pas seulement de registres pour les mariages, les naissances et les morts. Les empereurs firent, à la vérité, écrire leurs traités et leurs ordonnances ; elles étaient conservées tantôt dans un château, tantôt dans un autre, et, quand ce château était pris par quelque brigand, le registre était perdu. Il n’y a guère eu que les anciens actes déposés à la tour de Londres qui aient subsisté. On n’en retrouva ailleurs que chez les moines, qui suppléèrent souvent par leur industrie à la disette des monuments publics.
Quelle foi peut-on avoir à ces anciens monuments après l’aventure des fausses décrétales qui ont été respectées pendant cinq cents ans autant et plus que l’Evangile ; après tant de faux martyrologes, de fausses légendes et de faux actes ? Notre Europe fut trop longtemps composée d’une multitude de brigands qui pillaient tout, d’un petit nombre de faussaires qui trompèrent ces brigands ignorants, et d’une populace aussi abrutie qu’indigente, courbée vers la terre toute l’année pour nourrir tous ces gens-là.
On tient que Philippe-Auguste perdit son chartrier, ses titres ; on ne sait pas trop à quelle occasion, ni comment ni pourquoi, il faisait transporter aux injures de l’air des parchemins qu’il devait soigneusement enfermer sous la clef.
On croit qu’Etienne Boileau, prévôt de Paris du temps de saint Louis, fut le premier qui tint un journal, et qu’il fut imité par Jean de Montluc, greffier du parlement de Paris en 1313 et non 1256, faute de pure inadvertance dans le grand Dictionnaire, au mot Enregistrement.
Peu à peu les rois s’accoutumèrent à faire enregistrer au parlement plusieurs de leurs ordonnances et surtout les lois que le parlement était obligé de maintenir.
C’est une opinion commune que la première ordonnance enregistrée est celle de Philippe de Valois sur ses droits de régale, en 1332, au mois de septembre, laquelle pourtant ne fut enregistrée qu’en 1334. Aucun édit sur les finances ne fut enregistré en cette cour, ni par ce roi, ni par ses successeurs, jusqu’à François Ier.
Charles V tint un lit de justice en 1374 pour faire enregistrer la loi qui fixe la majorité des rois à quatorze ans.
Une observation fort singulière est que l’érection de presque tous les parlements du royaume ne fut point présentée au parlement de Paris pour y être enregistrée et vérifiée.
Les traités de paix y furent quelquefois enregistrés : plus souvent on s’en dispensa. Rien n’a été stable et permanent, rien n’a été uniforme. L’on n’enregistra point le traité d’Utrecht, qui termina la funeste guerre de la succession d’Espagne : on enregistra les édits qui établirent et qui supprimèrent les mouleurs de bois, les essayeurs de beurre et les mesureurs de charbon.
REMONTRANCES DES PARLEMENTS.
Toute compagnie, tout citoyen a droit de porter ses plaintes au souverain, par la loi naturelle qui permet de crier quand on souffre. Les premières remontrances du parlement de Paris furent adressées à Louis XI par l’exprès commandement de ce roi, qui, étant alors mécontent du pape, voulut que le parlement lui remontrât publiquement les excès de la cour de Rome. Il fut bien obéi ; le parlement était dans son centre ; il défendait les lois contre les rapines. Il montra que la cour romaine avait extorqué en trente années quatre millions six cent quarante-cinq mille écus de la France. Ces simonies multipliées, ces vols réels commis sous le nom de piété, commençaient à faire horreur. Mais la cour romaine ayant enfin apaisé et séduit Louis XI, il fit taire ceux qu’il avait fait si bien parler. Il n’y eut aucune remontrance sur les finances, du temps de Louis XI, ni de Charles VIII, ni de Louis XII ; car il ne faut pas qualifier du nom de remontrances solennelles le refus que fit cette compagnie de prêter à Charles VIII cinquante mille francs pour sa malheureuse expédition d’Italie, en 1496. Le roi lui envoya le sire d’Albret, le sire de Rieux, gouverneur de Paris, le sire de Graville, amiral de France, et le cardinal du Maine, pour la prier de se cotiser pour lui prêter cet argent. Etrange députation ! Les registres portent que le parlement représenta « la nécessité et l’indigence du royaume, et le cas si piteux, quod non indiger manu scribentis. » Garder son argent n’était pas une de ces remontrances publiques au nom de la France.
Il en fit pour la grille d’argent de Saint-Martin que François Ier acheta des chanoines, et dont il devait payer l’intérêt et le principal sur ses domaines. Voilà la première remontrance pour affaire pécuniaire.
La seconde fut pour la vente de vingt charges de nouveaux conseillers au parlement de Paris, et de trente dans les provinces. Ce fut le chancelier cardinal Duprat qui prostitua ainsi la justice. Cette honte a duré et s’est étendue sur toute la magistrature de la France depuis 1515 jusqu’à 1771, l’espace de deux cent cinquante-cinq ans, jusqu’à ce qu’un autre chancelier ait commencé à effacer cette tache.
Depuis ce temps le parlement remontra sur toutes sortes d’objets. Il y était autorisé par l’édit paternel de Louis XII, père du peuple : « Qu’on suive toujours la loi, malgré les ordres contraires à la loi que l’importunité pourrait arracher au monarque. »
Après François Ier le parlement fut continuellement en querelle avec le ministère, ou du moins en défiance. Les malheureuses guerres de religion augmentèrent son crédit ; et plus il fut nécessaire, plus il fut entreprenant. Il se regardait comme le tueur des rois dès le temps de François II. C’est ce que Charles IX lui reprocha au temps de sa majorité par ces propres mots :
« Je vous ordonne de ne pas agir avec un roi majeur comme vous avez fait pendant sa minorité ; ne vous mêler pas des affaires dont il ne vous appartient pas de connaître ; souvenez-vous que votre compagnie n’a pas été établie par les rois que pour rendre la justice suivant les ordonnances du souverain. Laissez au roi et à son conseil les affaires d’Etat ; défaites-vous de l’erreur de vous regarder comme les tuteurs des rois, comme les défenseurs du royaume, et comme les gardiens de Paris. »
Le malheur des temps l’engagea dans le parti de la Ligue contre Henri III. Il soutint les Guises au point qu’après le meurtre de Henri de Guise et du cardinal son frère, il commença des procédures contre Henri III, et nomma deux conseillers, Pichon et Courtin, pour informer (2).
Après la mort de Henri III, il se déclara contre Henri-le-Grand. La moitié de ce corps était entraînée par la faction d’Espagne, et l’autre par un faux zèle de religion.
Henri IV eut un autre petit parlement auprès de lui, ainsi que Charles VII. Il rentra comme lui dans Paris par des négociations secrètes plus que par la force, et il réunit les deux parlements ainsi que Charles VII en avait usé.
Tout le ministère du cardinal de Richelieu fut signalé par des résistances fréquente de cette compagnie ; résistances d’autant plus fermes qu’elles étaient approuvées de la nation.
On connaît assez la guerre de la Fronde, dans laquelle le parlement fut précipité par des factieux. La reine régente le transféra à Pontoise par une déclaration du roi son fils, déjà majeur, datée du 3 Juillet 1652. Mais trois présidents seulement et quatorze conseillers obéirent.
Louis XIV, en 1655, après l’amnistie, vint à la grand’chambre, le fouet à la main, défendre les assemblées des chambres. En 1657 il ordonna l’enregistrement de tout édit, et ne permit les remontrances que dans la huitaine après l’enregistrement. Tout fut tranquille sous son règne.
SOUS LOUIS XV.
Le parlement de Paris avait déjà, du temps de la Fronde, établi l’usage de ne plus rendre la justice lorsqu’il se croyait lésé par le gouvernement. C’était un moyen qui semblait devoir forcer le ministère à plier sous ses volontés, sans qu’on eût une rébellion à lui reprocher, comme dans la minorité de Louis XIV.
Il employa cette ressource en 1718, dans la minorité de Louis XV. Le duc d’Orléans, régent, l’exila à Pontoise en 1720.
La malheureuse bulle Unigenitus le mit quelquefois aux prises avec le cardinal de Fleury.
Il cessa encore ses fonctions en 1751, dans les petits troubles excités par Christophe de Beaumont, archevêque de Paris, au sujet des billets de confession et des refus de sacrements.
Nouvelle cessation de service en 1753. Tout le corps fut exilé dans plusieurs villes de son ressort ; la grand’chambre le fut à Pontoise. Cet exil dura plus de quinze mois, depuis le 10 mai 1753 jusqu’au 27 auguste 1754. Le roi, dans cet espace de temps, fit rendre la justice par des conseillers d’Etat et des maîtres des requêtes. Très peu de causes furent plaidées devant ce nouveau tribunal. La plupart de ceux qui étaient en procès aimèrent mieux s’accommoder, ou attendre le retour du parlement. Il semblait que la chicane eût été exilée avec ceux qui étaient institués pour la réprimer.
On rappela enfin le parlement à ses fonctions, et il revint aux acclamations de toute la France.
Deux ans après son retour, les esprits étant plus aigris que jamais, le roi vint tenir un lit de justice à Paris, en 1756, le 13 décembre. Il supprima deux chambres du parlement, et fit plusieurs règlements pour mettre dans ce corps une police nouvelle. A peine fut-il sorti, que tous les conseillers donnèrent leur démission, à la réserve des présidents à mortier, et de dix conseillers de grand’chambre.
La cour ne croyait pas alors pouvoir établir un nouveau tribunal à sa place. On fut de tous les côtés très aigri et très incertain.
L’attentat inconcevable de Damiens parut réconcilier pendant quelque temps le parlement avec la cour. Ce malheureux, non moins insensé que coupable, accusa sept membres du parlement dans une lettre qu’il osa dicter pour le roi même, et qui lui fut portée. Cette accusation absurde n’empêcha pas le roi de remettre au parlement même le jugement de Damiens, qui fut condamné au supplice de Ravaillac par ce qui restait de la grand’chambre. Plusieurs pairs et des princes du sang opinèrent.
Après l’exécution terrible du criminel, faite le 28 mars 1757, le ministère, engagé dans une guerre ruineuse et funeste, négocia avec ces mêmes officiers du parlement qui avaient donné leur démission ; les exilés furent rappelés.
Ce corps, à force d’avoir été humilié par la cour, eut plus d’autorité que jamais.
Il signala cette autorité en abolissant par un arrêt l’ordre des jésuites en France, et en les dépouillant de tous leurs biens (par l’arrêt du 6 auguste 1762). Rien ne le rendit plus cher à la nation. Il fut en cela parfaitement secondé par tous les parlements du royaume, et par toute la France.
Il s’unissait en effet avec ces autres parlements, et prétendait ne faire avec eux qu’un corps, dont il était le principal membre. Tous s’appelaient alors classes du parlement : celui de Paris était la première classe ; chaque classe faisait des remontrances sur les édits, et ne les enregistrait pas. Il y eut même quelques-uns de ces corps qui poursuivirent juridiquement les commandants de province envoyés à eux de la part du roi pour faire enregistrer. Quelques classes décernèrent des prises de corps contre ces officiers. Si ces décrets avaient été mis à exécution, il en aurait résulté un effet bien étrange. C’est sur les domaines royaux que se prennent les deniers dont on paye les frais de justice ; de sorte que le roi aurait payé de ses propres domaines les arrêts rendus par ceux qui lui désobéissaient contre ses officiers principaux qui avaient exécuté ses ordres.
Le plus singulier de ces arrêts rendus contre les commandants des provinces, et en quelque sorte contre le roi lui-même, fut celui du parlement de Toulouse contre le duc de Fitz-James Berwick, en date du 17 Décembre 1763 : « Ordonne que ledit duc de Fitz-James sera pris, saisi et arrêté en quelque endroit du royaume qu’il se trouve ; » c’est-à-dire que les huissiers toulousains pouvaient saisir au corps le duc de Fitz-James dans la chambre du roi même, ou à sa chapelle de Versailles. La cour dissimula longtemps cet affront : aussi elle en essuya d’autres.
Cette étonnante anarchie ne pouvait pas subsister ; il fallait ou que la couronne reprît son autorité, ou que les parlements prévalussent.
On avait besoin dans des conjonctures si critiques d’un chancelier aussi hardi que L’Hospital, on le trouva. Il fallait changer toute l’administration de la justice dans le royaume, et elle fut changée.
Le roi commença par essayer de ramener le parlement de Paris ; il le fit venir à un lit de justice qu’il tint à Versailles le 7 Décembre 1770, avec les princes, les pairs, et les grands-officiers de la couronne. Là, il lui défendit de se servir jamais des termes d’unité, d’indivisibilité, et de classes ;
D’envoyer aux autres parlements d’autres mémoires que ceux qui sont spécifiés par les ordonnances ;
De cesser le service, sinon dans les cas que ces mêmes ordonnances ont prévus ;
De donner leur démission en corps ;
De rendre jamais d’arrêt qui retarde les enregistrements, le tout sous peine d’être cassés.
Le parlement, sur cet édit solennel, ayant encore cessé le service, le roi leur fit porter des lettres de jussion ; ils désobéirent. Nouvelles lettres de jussion, nouvelle désobéissance. Enfin, le monarque, poussé à bout, leur envoya pour dernière tentative, le 20 Janvier 1771, à quatre heures du matin, des mousquetaires qui portèrent à chaque membre un papier à signer. Ce papier ne contenait qu’un ordre de déclarer s’ils obéiraient, ou s’ils refuseraient. Plusieurs voulurent interpréter la volonté du roi : les mousquetaires leur dirent qu’ils avaient ordre d’éviter les commentaires, qu’il fallait un oui ou un non.
Quarante membres signèrent ce oui, les autres s’en dispensèrent. Les oui étant venus le lendemain au parlement avec leurs camarades, leur demandèrent pardon d’avoir accepté, et signèrent non ; tous furent exilés.
La justice fut encore administrée par les conseillers d’Etat et les maîtres des requêtes, comme elle l’avait été en 1753 ; mais ce ne fut que par provision. On tira bientôt de ce chaos un arrangement utile.
D’abord le roi se rendit aux vœux des peuples qui se plaignaient depuis des siècles de deux griefs, dont l’un était ruineux, l’autre honteux et dispendieux à la fois. Le premier était le ressort trop étendu du parlement de Paris, qui contraignait les citoyens de venir de cent cinquante lieues se consumer devant lui en frais, qui souvent excédaient le capital. Le second était la vénalité des charges de judicature ; vénalité qui avait introduit la forte taxation des épices.
Pour réformer ces deux abus, six parlements nouveaux furent institués le 23 Février de la même année, sous le titre de conseils supérieurs, avec injonction de rendre gratis la justice. Ces conseils furent établis dans Arras, Blois, Châlons, Clermont, Lyon, Poitiers (en suivant l’ordre alphabétique). On y en ajouta d’autres depuis.
Il fallait surtout former un nouveau parlement à Paris, lequel serait payé par le roi sans acheter ses places, et sans rien exiger des plaideurs. Cet établissement fut fait le 13 Avril 1771. L’opprobre de la vénalité dont François Ier et le chancelier Duprat avaient malheureusement souillé la France, fut lavé par Louis XV et par les soins du chancelier de Maupeou, second du nom. On finit par la réforme de tous les parlements, et on espéra de voir réformer la jurisprudence (3). On fut trompé : rien ne fut réformé. Louis XVI rétablit avec sagesse les parlements que Louis XV avait cassés avec justice. Le peuple vit leur retour avec des transports de joie.
1 – Voir l’Histoire du parlement.
2 – L’arrêt ne parle que des meurtriers du duc de Guise et de leurs complices. Il n’était que hardi et non irrégulier. (K.)
3 – Voir Parlement d’Angleterre.