DICTIONNAIRE PHILOSOPHIQUE : L comme LANGUES - Partie 1

Publié le par loveVoltaire

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L comme LANGUES.

 

 

 

 

SECTION PREMIÈRE.

 

 

 

          On dit que les Indiens commencent presque tous leurs livres par ces mots, béni soit l’inventeur de l’écriture. On pourrait aussi commencer ses discours par bénir l’inventeur d’un langage.

 

          Nous avons reconnu, au mot ALPHABET, qu’il n’y eut jamais de langue primitive dont toutes les autres soient dérivées.

 

          Nous voyons que le mot Al ou El, qui signifiait Dieu chez quelques Orientaux, n’a nul rapport au mot Gott, qui veut dire Dieu en Allemagne. House, huis, ne peut guère venir du grec domos, qui signifie maison.

 

          Nos mères, et les langues dites mères, ont beaucoup de ressemblance. Les unes et les autres ont des enfants qui se marient dans le pays voisin, et qui en altèrent le langage et les mœurs. Ces mères ont d’autres mères dont les généalogistes ne peuvent débrouiller l’origine. La terre est couverte de familles qui disputent de noblesse, sans savoir d’où elles viennent.

 

 

 

 

 

DES MOTS LES PLUS COMMUNS ET LES PLUS NATURELS

EN TOUTE LANGUE.

 

 

 

          L’expérience nous apprend que les enfants ne sont qu’imitateurs ; que si on ne leur disait rien ils ne parleraient pas qu’ils se contenteraient de crier

 

          Dans presque tous les pays connus on leur dit d’abord baba, papa, mama, maman, ou des mots approchants, aisés à prononcer, et ils les répètent. Cependant vers le mont Krapack où je vis, comme l’on sait, nos enfants disent toujours mon dada, et non pas mon papa. Dans quelques provinces ils disent mon bibi.

 

          On a mis un petit vocabulaire chinois à la fin du premier tome des Mémoires sur la Chine. Je trouve dans ce dictionnaire abrégé que fou, prononcé d’une façon dont nous n’avons pas l’usage, signifie père ; les enfants qui ne peuvent prononcer la lettre f disent ou. Il y a loin d’à papa.

 

          Que ceux qui veulent savoir le mot qui répond à notre papa en japonais, en tartare, dans le jargon du Kamtschatka et de la baie d’Hudson, daignent voyager dans ces pays pour nous instruire.

 

          On court risque de tomber dans d’étranges méprises quand, sur les bords de la Seine ou de la Saône, on donne des leçons sur la langue des pays où l’on n’a point été. Alors il faut avouer son ignorance ; il faut dire : J’ai lu cela dans Vachter, dans Ménage, dans Bochart, dans Kircher, dans Peyzron, qui n’en savaient pas plus que moi ; je doute beaucoup ; je crois, mais je suis très disposé à ne plus croire, etc., etc.

 

          Un récollet, nommé Sagart Théodat, qui a prêché pendant trente ans les Iroquois, les Algonquins et les Hurons, nous a donné un petit dictionnaire huron, imprimé à Paris, chez Denis Moreau, en 1632. Cet ouvrage ne nous sera pas désormais fort utile depuis que la France est soulagée du fardeau du Canada. Il dit qu’en huron père est aystanet en canadien notoui. Il y a encore loin de notoui et d’aystan à pater et à papa. Gardez-vous des systèmes, vous dis-je, mes chers Welches.

 

 

 

 

 

D’UN SYSTÈME SUR LES LANGUES.

 

 

 

          L’auteur de la Mécanique du langage (1) explique ainsi son système :

 

 

« La terminaison latine urire est appropriée à désigner un désir vif et ardent de faire quelque chose ; micturire, esurire  par où il semble qu’elle ait été fondamentalement formée sur le mot urere et sur le signe radical ur, qui en tant de langues signifie le feu. Ainsi la terminaison urire était bien choisie pour désigner un désir brûlant. »

 

 

          Cependant nous ne voyons pas que cette terminaison en ire soit appropriée à un désir vif et ardent dans ire, exire, abire, aller, sortir, s’en aller ; dans vincire, lier ; scaturire, sourdre, jaillir ; condire, assaisonner ; parturire, accoucher ; grunnire, gronder, grouiner, ancien mot qui exprimait très bien le cri du porc.

 

          Il faut avouer surtout que cet ire n’est approprié à aucun désir très vif, dans balbutire balbutier ; singultire, sangloter ; perire, périr. Personne n’a envie ni de balbutier, ni de sangloter, encore moins de périr. Ce petit système est fort en défaut ; nouvelle raison pour se défier des systèmes.

 

          Le même auteur paraît aller trop loin en disant : « Nous allongeons les lèvres en dehors, et tirons, pour ainsi dire, le bout d’en haut de cette corde pour faire sonner u, voyelle particulière aux Français, et que n’ont pas les autres nations. » Il est vrai que le précepteur du Bourgeois gentilhomme lui apprend qu’il fait un peu la moue en prononçant u ; mais il n’est pas vrai que les autres nations ne fassent pas un peu la moue aussi.

 

          L’auteur ne parle sans doute ni l’espagnol, ni l’anglais, ni l’allemand, ni le hollandais ; il s’en est rapporté à d’anciens auteurs qui ne savaient pas plus ces langues que celles du Sénégal et du Thibet, que cependant l’auteur cite. Les Espagnols disent su padre, su madre, avec un son qui n’est pas tout à fait le u des Italiens ; ils prononcent mui en approchant un peu plus de la lettre u que de l’ou ; ils ne prononcent pas fortement ousted : ce n’est pas le furiale sonans u des Romains.

 

          Les Allemands se sont accoutumés à changer un peu l’u en i ; de là vient qu’ils vous demandent toujours des ékis au lieu d’écus. Plusieurs Allemands prononcent aujourd’hui flûte comme nous ; ils prononçaient autrefois flaûte. Les Hollandais ont conservé l’u, témoin la comédie de madame Alikruc, et leur u diener. Les Anglais, qui ont corrompu toutes les voyelles, n’ont point abandonnée l’; ils prononcent toujours wi et non oui, qu’ils n’articulent qu’à peine. Ils disent vertu et true, le vrai, non vertou et troue.

 

          Les Grecs ont toujours donné à l’upsilon le son de notre u, comme l’avouent Calepin et Scapula à la lettre upsilon ; comme le dit Cicéron, de Oratore.

 

          Le même auteur se trompe encore en assurant que les mots anglais humour, et spleen ne peuvent se traduire. Il en a cru quelques Français mal instruits. Les Anglais ont pris leur humour, qui signifie chez eux plaisanterie naturelle, de notre humeur employé en ce sens dans les premières comédies de Corneille, et dans toutes les comédies antérieures. Nous dîmes ensuite belle humeur. D’Assouci donna son Ovide en belle humeur ; et ensuite on ne se servit de ce mot que pour exprimer le contraire de ce que les Anglais entendent. Humeur aujourd’hui signifie chez nous chagrin. Les Anglais se sont ainsi emparés de presque toutes nos expressions : On en ferait un livre.

 

          A l’égard de spleen, il se traduit très exactement : c’est la rate. Nous disions, il n’y a pas longtemps, vapeurs de rate.

 

 

Veut-on qu’on rabatte

Par des moyens doux

Les vapeurs de rate

Qui nous minent tous ?

Qu’on laisse Hippocrate,

Et qu’on vienne à nous.

 

 

          Nous avons supprimé rate, et nous nous sommes bornés aux vapeurs.

 

          Le même auteur dit (2) « que les Français se plaisent surtout à ce qu’ils appellent avoir de l’esprit. Cette expression est propre à leur langue, et ne se trouve en aucune autre. » Il n’y en a point en anglais de plus commune ; wit, witty, sont précisément la même chose. Le comte de Rochester appelle toujours witty king le roi Charles II, qui, selon lui, disait tant de jolies choses, et n’en fit jamais une bonne. Les Anglais prétendent que ce sont eux qui disent les bons mots, et que ce sont les Français qui rient.

 

          Et que deviendra l’ingegnoso des Italiens, et l’agudeza des Espagnols, dont nous avons parlé à l’article ESPRIT, section III ?

 

          Le même auteur remarque très judicieusement (3), que lorsqu’un peuple est sauvage, il est simple, et ses expressions le sont aussi. « Le peuple hébreu était à demi sauvage ; le livre de ses lois traite sans détour des choses naturelles, que nos langues ont soin de voiler. C’est une marque que chez eux ces façons de parler n’avaient rien de licencieux ; car on n’aurait pas écrit un livre de lois d’une manière contraire aux mœurs, etc. »

 

          Nous avons donné un exemple frappant de cette simplicité qui serait aujourd’hui plus que cynique, quand nous avons cité les aventures d’Oolla et d’Ooliva, et celles d’Osée ; et quoiqu’il soit permis de changer d’opinion, nous espérons que nous serons toujours de celle de l’autre de la Mécanique du langage, quand même plusieurs doctes n’en seraient pas.

 

          Mais nous ne pouvons penser comme l’auteur de cette Mécanique quand il dit (4) :

 

          « En Occident l’idée malhonnête est attachée à l’union des sexes ; en Orient elle est attachée à l’usage du vin ; ailleurs elle pourrait l’être à l’usage du fer ou du feu. Chez les musulmans, à qui le vin est défendu par la loi, le mot cherab qui signifie en général sirop, sorbet, liqueur, mais plus particulièrement le vin, et les autres mots relatifs à celui-là, sont regardés par les gens fort religieux comme des termes obscènes, ou du moins trop libres pour être dans la bouche d’une personne de bonnes mœurs. Le préjugé sur l’obscénité du discours a pris tant d’empire qu’il ne cesse pas, même dans le cas où l’action à laquelle on a attaché l’idée est honnête et légitime, permise et prescrite ; de sorte qu’il est toujours malhonnête de dire ce qu’il est très souvent honnête de faire.

 

          A dire vrai, la décence s’est ici contentée d’un fort petit sacrifice. Il doit toujours paraître singulier que l’obscénité soit dans les mots, et ne soit pas dans les idées, etc. »

 

          L’auteur paraît mal instruit des mœurs de Constantinople. Qu’il interroge M. de Tott, il lui dira que le mot de vin n’est point du tout obscène chez les Turcs. Il est même impossible qu’il le soit, puisque les Grecs sont autorisés chez eux à vendre du vin. Jamais dans aucune langue l’obscénité n’a été attachée qu’à certains plaisirs qu’on ne s’est presque jamais permis devant témoins, parce qu’on ne les goûte que par des organes qu’il faut cacher. On ne cache point sa bouche. C’est un péché chez les musulmans de jouer aux dés, de ne point coucher avec sa femme le vendredi, de boire du vin, de manger pendant le ramadan avant le coucher du soleil ; mais ce n’est point une chose obscène.

 

          Il faut de plus remarquer que toutes les langues ont des termes divers, qui donnent des idées toutes différentes de la même chose. Mariage, sponsalia, exprime un engagement légal. Consommer le mariage, matrimonio uti, ne présente que l’idée d’un devoir accompli. Membrun virile in vaginam intromittere n’est qu’une expression d’anatomie. Amplecti amorose juvenem uxorem est une idée voluptueuse. D’autres mots sont des images qui alarment la pudeur.

 

          Ajoutons que si dans les premiers temps d’une nation simple, dure et grossière, on se sert des seuls termes qu’on connaisse, pour exprimer l’acte de la génération, comme l’auteur l’a très bien observé chez les demi-sauvages juifs, d’autres peuples emploient les mots obscènes quand ils sont devenus plus raffinés et plus polis. Osée ne se sert que du terme qui répond au fodere des Latins ; mais Auguste hasarde effrontément les mots futuere, mentula, dans son infâme épigramme contre Fulvie. Horace prodigue le futuo, le mentula, le cunnus. On inventa même les expressions honteuses de crissare, fellare, irrumare, cevere, cunnilinguis. On les trouve trop souvent dans Catulle et dans Martial. Elles représentent des turpitudes à peine connues parmi nous ; aussi n’avons-nous point de termes pour les rendre.

 

          Le mot de gabaoutar, inventé à Venise au seizième siècle, exprimait une infâmie inconnue aux autres nations.

 

          Il n’y a point de langue qui puisse traduire certaines épigrammes de Martial, si chères aux empereurs Adrien et Lucius Verus.

 

 

 

 

 

GÉNIE DES LANGUES.

 

 

 

          On appelle génie d’une langue son aptitude à dire de la manière la plus courte et la plus harmonieuse ce que les autres langages expriment moins heureusement.

 

          Le latin, par exemple, est plus propre au style lapidaire que les langues modernes, à cause de leurs verbes auxiliaires qui allongent une inscription et qui l’énervent.

 

          Le grec, par son mélange mélodieux de voyelles et de consonnes, est plus favorable à la musique que l’allemand et le hollandais.

 

          L’italien, par des voyelles beaucoup plus répétées, sert peut-être encore mieux la musique efféminée.

 

          Le latin et le grec, étant les seules langues qui aient une vraie quantité, sont plus faits pour la poésie que toutes les autres langues du monde.

 

          Le français, par la marche naturelle de toutes ses constructions, et aussi par sa prosodie, est plus propre qu’aucune autre à la conversation. Les étrangers, par cette raison même, entendent plus aisément les livres français que ceux des autres peuples. Ils aiment dans les livres philosophiques français une clarté de style qu’ils trouvent ailleurs assez rarement.

 

          C’est ce qui a donné enfin la préférence au français sur la langue italienne même, qui, par ses ouvrages immortels du seizième siècle, était en possession de dominer dans l’Europe.

 

          L’auteur du Mécanisme du langage pense dépouiller le français de cet ordre même, et de cette clarté qui fait son principal avantage. Il va jusqu’à citer des auteurs peu accrédités, et même Pluche, pour faire croire que les inversions du latin sont naturelles, et que c’est la construction naturelle du français qui est forcée. Il rapporte cet exemple tiré de la Manière d’étudier les langues. Je n’ai jamais lu ce livre, mais voici l’exemple :

 

          « Goliathum proceritatis inusitatæ virum David adolescens impacto in ejus frontem lapide prostravit, et allophylum cum inermis puer esset ei detracto gladio confecit. »

 

          Le jeune David renversa d’un coup de fronde au milieu du front Goliath, homme d’une taille prodigieuse, et tua cet étranger avec son propre sabre qu’il lui arracha : car David était un enfant désarmé.

 

          Premièrement, j’avouerai que je ne connais guère de plus plat latin, ni de plus plat français, ni d’exemple plus mal choisi. Pourquoi écrire dans la langue de Cicéron un morceau d’histoire judaïque, et ne pas prendre quelque phrase de Cicéron même pour exemple ? Pourquoi me faire de ce géant Goliath un Goliathum ? Ce Goliathus était, dit-il, d’une grandeur inusitée, proceritatis inusitatœ. On ne dit inusité en aucun pays que des choses d’usage qui dépendent des hommes ; une phrase inusitée, une cérémonie inusitée, un ornement inusité ; mais pour une taille inusitée, comme si Goliathus s’était mis ce jour-là une taille plus haute qu’à l’ordinaire, cela me paraît fort inusité.

 

          Cicéron dit à Quintus son frère, absurdœ et inusitatè scriptœ epistolœ ; ses lettres sont absurdes et d’un style inusité. N’est-ce pas là le cas de Pluche ?

 

          In ejus frontem : Tite-Live et Tacite auraient-ils mis ce froid ejus ? n’auraient-ils pas dit simplement in frontem ?

 

          Que veut dire impacto lapide ? cela n’exprime pas un coup de fronde.

 

          Et allophylum cum puer inermis esset : voilà une plaisante antithèse ; il renversa l’étranger quoiqu’il fût désarmé ; étranger et désarmé ne font-ils pas une belle opposition ? et de plus, dans cette phrase, lequel des deux était désarmé ? Il y a quelque apparence que c’était Goliath, puisque le petit David le tua si aisément. Puer ne désigne pas assez clairement David : le géant pouvait être aussi jeune que lui.

 

          Je n’examine point comment on renverse, avec un petit caillou lancé au front de bas en haut, un guerrier dont le front est armé d’un casque ; je me borne au latin de Pluche.

 

          Le français ne vaut guère mieux que le latin. Voici comme un jeune écolier vient de le refaire :

 

          « David, à peine dans son adolescence, sans autres armes qu’une simple fronde, renverse le géant Goliath d’un coup de pierre au milieu du front ; il lui arrache son épée, il lui coupe la tête de son propre glaive. »

 

          Ensuite, pour nous convaincre de l’obscurité de la langue française, et du renversement qu’elle fait des idées, on nous cite les paralogismes de Pluche (5).

 

          « Dans la marche que l’on fait prendre à la phrase française, on renverse entièrement l’ordre des choses qu’on y rapporte ; et, pour voir égard au génie, ou plutôt à la pauvreté de nos langues vulgaires, on met en pièces le tableau de la nature. Dans le français, le jeune homme renverse avant qu’on sache qu’il y ait quelqu’un à renverser ; le grand Goliath est déjà par terre, qu’il n’a encore été fait aucune mention ni de la fronde, ni de la pierre qui a fait le coup ; et ce n’est qu’après que l’étranger a la tête coupée que le jeune homme trouve une épée au lieu de fronde pour l’achever. Ceci nous conduit à une vérité fort remarquable, que c’est se tromper de croire, comme on fait, qu’il y ait inversion ou renversement dans la phrase des anciens, tandis que c’est réellement dans notre langue moderne qu’est le désordre. »

 

          Je vois ici tout le contraire ; et, de plus, je vois dans chaque partie de la phrase française un sens achevé qui me fait attendre un nouveau sens, une nouvelle action. Si je dis, comme dans le latin, « Goliath, homme d’une procérité inusitée, l’adolescent David. » je ne vois là qu’un géant, qu’un enfant ; point de commencement d’action ; peut-être que l’enfant prie le géant de lui abattre des noix, et peu m’importe. Mais, « David, à peine dans son adolescence, sans autres armes qu’une simple fronde ; » Voilà déjà un sens complet, voilà un enfant avec une fronde  : qu’en va-t-il faire ? il lui arrache son grand sabre ; pourquoi ? pour couper la tête du géant. Y a-t-il une gradation plus marquée ?

 

          Mais ce n’était pas de tels exemples que l’auteur du Mécanisme du langage devait proposer. Que ne rapportait-il de beaux vers de Racine ? que n’en comparait-il la syntaxe naturelle avec les inversions admises dans toutes nos anciennes poésies ?

 

 

Jusqu’ici la Fortune et la Victoire mêmes,

Cachaient mes cheveux blancs sous trente diadèmes.

Mais ce temps-là n’est plus . .  .  .  .  .

 

 

Mithridate, acte III, scène V.

 

 

          Transposez les termes selon le génie latin, à la manière de Ronsard : « Sous diadèmes trente cachaient mes cheveux blancs Fortune et Victoires mêmes. Plus n’est ce temps heureux ! »

 

          C’est ainsi que nous écrivions autrefois ; il n’aurait tenu qu’à nous de continuer ; mais nous avons senti que cette construction ne convenait pas au génie de notre langue, qu’il faut toujours consulter. Ce génie, qui est celui du dialogue, triomphe dans la tragédie et dans la comédie, qui n’est qu’un dialogue continuel ; il plaît dans tout ce qui demande de la naïveté, de l’agrément, dans l’art de narrer, d’expliquer, etc. Il s’accommode peut-être assez peu de l’ode, qui demande, dit-on, une espèce d’ivresse et de désordre, et qui autrefois exigeait de la musique (6).

 

          Quoi qu’il en soit, connaissez bien le génie de votre langue ; et, si vous avez du génie, mêlez-vous peu des langues étrangères, et surtout des orientales, à moins que vous n’ayez vécu trente ans dans Alep.

 

 

 

L comme LANGUES - Partie 1

 

 

1 – Le président De Brosses. (K.)

 

2 – Le Président De Brosse. Tome I, page 73.

 

3 – Le Président De Brosse. Tome II, page 146.

 

4 – Le Président De Brosse. Tome II, page 147.

 

5 – Le Président De Brosse. Tome I, page 76.

 

6 – Voltaire lui-même. (G.A.)

 

 

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