DICTIONNAIRE PHILOSOPHIQUE : C comme CATECHISME CHINOIS - Partie 2

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C comme CATÉCHISME CHINOIS.

 

 

(Partie 2)

 

 

 

 

TROISIÈME ENTRETIEN.

 

 

 

 

KOU.

 

          Vous me poussez, Cu-su. Pour que je puisse être récompensé ou puni quand je ne serai plus, il faut qu’il subsiste dans moi quelque chose qui sente et qui pense après moi. Or, comme avant ma naissance rien de moi n’avait ni sentiment ni pensée, pourquoi y en aurait-il après ma mort ? que pourrait être cette partie incompréhensible de moi-même ? Le bourdonnement de cette abeille restera-t-il quand l’abeille ne sera plus ? La végétation de cette plante subsiste-t-elle quand la plante est déracinée ? La végétation n’est-elle pas un mot dont on se sert pour signifier la manière inexplicable dont l’Etre suprême a voulu que la plante tirât les sucs de la terre ? L’âme est de même un mot inventé pour exprimer faiblement et obscurément les ressorts de notre vie. Tous les animaux se meuvent ; et cette puissance de se mouvoir, on l’appelle force active ; mais il n’y a pas un être distinct qui soit cette force. Nous avons des passions ; cette mémoire, cette raison, ne sont pas, sans doute, des choses à part ; ce ne sont pas des êtres existants dans nous ; ce ne sont pas de petites personnes qui aient une existence particulière ; ce sont des mots génériques, inventés pour fixer nos idées. L’âme, qui signifie notre mémoire, notre raison, nos passions, n’est donc elle-même qu’un mot. Qui fait le mouvement dans la nature ? c’est Dieu. Qui fait végéter toutes les plantes ? c’est Dieu. Qui fait le mouvement dans les animaux ? c’est Dieu ? Qui fait la pensée de l’homme ? c’est Dieu.

 

          Si l’âme humaine était une petite personne renfermée dans notre corps, qui en dirigeât les mouvements et les idées, cela ne marquerait-il pas dans l’éternel artisan du monde une impuissance et un artifice indigne de lui ? il n’aurait donc pas été capable de faire des automates qui eussent dans eux-mêmes le don du mouvement et de la pensée ? Vous m’avez appris le grec, vous m’avez fait lire Homère ; je trouve Vulcain un divin forgeron, quand il fait des trépieds d’or qui vont tout seuls au conseil des dieux : mais ce Vulcain me paraîtrait un misérable charlatan, s’il avait caché dans le corps de ces trépieds quelqu’un de ses garçons qui les fît mouvoir sans qu’on s’en aperçût.

 

          Il y a bien plus : que serait cette âme que vous donnez si libéralement à notre corps ? d’où viendrait-elle ? quand viendrait-elle ? Faudrait-il que le Créateur de l’univers fût continuellement à l’affût de l’accouplement des hommes et des femmes, qu’il remarquât attentivement le moment où un germe sort du corps d’un homme et entre dans le corps d’une femme, et qu’alors il envoyât vite une âme dans ce germe ? et si ce germe meurt, que deviendra cette âme ? elle aura donc été créée inutilement, ou elle attendra une autre occasion.

 

          Voilà, je vous l’avoue, une étrange occupation pour le maître du monde ; et non-seulement il faut qu’il prenne garde continuellement à la copulation de l’espèce humaine, mais il faut qu’il en fasse autant avec tous les animaux ; car ils ont tous comme nous de la mémoire, des idées, des passions ; et si une âme est nécessaire pour former ces sentiments, cette mémoire, ces idées, ces passions, il faut que Dieu travaille perpétuellement à forger des âmes pour les éléphants, et pour les porcs, pour les hiboux, pour les poissons, et pour les bonzes.

 

          Quelle idée me donneriez-vous de l’architecte de tant de millions de mondes, qui serait obligé de faire continuellement des chevilles invisibles pour perpétuer son ouvrage ?

 

          Voilà une très-petite partie des raisons qui peuvent me faire douter de l’existence de l’âme.

 

CU-SU.

 

          Vous raisonnez de bonne foi ; et ce sentiment vertueux, quand même il sera erroné, serait agréable à l’Etre suprême. Vous pouvez vous tromper, mais vous ne cherchez pas à vous tromper, et dès lors vous êtes excusable. Mais songez que vous ne m’avez proposé que des doutes, et que ces doutes sont tristes. Admettez des vraisemblances plus consolantes : il est dur d’être anéanti ; espérez de vivre. Vous savez qu’une pensée n’est point matière, vous savez qu’elle n’a nul rapport avec la matière ; pourquoi donc vous serait-il si difficile de croire que Dieu a mis dans vous un principe divin qui, ne pouvant être dissous, ne peut être sujet à la mort ? Oseriez-vous dire qu’il est impossible que vous ayez une âme ? non, sans doute : et si cela est possible n’est-il pas très vraisemblable que vous en avez une ? pourriez-vous rejeter un système si beau et si nécessaire au genre humain ? et quelques difficultés vous rebuteront-elles ?

 

KOU.

 

          Je voudrais embrasser ce système, mais je voudrais qu’il me fût prouvé. Je ne suis pas le maître de croire quand je n’ai pas d’évidence. Je suis toujours frappé de cette grande idée que Dieu a tout fait, qu’il est partout, qu’il pénètre tout, qu’il donne le mouvement et la vie à tout ; et s’il est dans toutes les parties de mon être, comme il est dans toutes les parties de la nature, je ne vois pas quel besoin j’ai d’une âme. Qu’ai-je à faire de ce petit être subalterne, quand je suis animé par Dieu même ? à quoi me servirait cette âme ? Ce n’est pas nous qui nous donnons nos idées, car nous les avons presque toujours malgré nous ; nous en avons quand nous sommes endormis ; tout se fait en nous sans que nous nous en mêlions. L’âme aurait beau dire au sang et aux esprits animaux : Courez, je vous prie, de cette façon pour me faire plaisir, ils circuleront toujours de la même manière que Dieu leur a prescrite. J’aime mieux être la machine d’un Dieu qui m’est démontré, que d’être la machine d’une âme dont je doute.

 

CU-SU.

 

          Eh bien ! si Dieu même vous anime, ne souillez jamais par des crimes ce Dieu qui est en vous ; et s’il vous a donné une âme, que cette âme ne l’offense jamais. Dans l’un et dans l’autre système vous avez une volonté ; vous êtes libre ; c’est-à-dire, vous avez le pouvoir de faire ce que vous voulez : servez-vous de ce pouvoir pour servir ce Dieu qui vous l’a donné. Il est bon que vous soyez philosophe, mais il est nécessaire que vous soyez juste. Vous le serez encore plus quand vous croirez avoir une âme immortelle.

 

          Daignez me répondre : n’est-il pas vrai que Dieu est la souveraine justice ?

 

KOU.

 

          Sans doute ; et s’il était possible qu’il cessât de l’être (ce qui est un blasphème), je voudrais, moi, agir avec équité.

 

CU-SU.

 

          N’est-il pas vrai que votre devoir sera de récompenser les actions vertueuses, et de punir les criminelles quand vous serez sur le trône ? Voudriez-vous que Dieu ne fît pas ce que vous-même vous êtes tenu de faire ? Vous savez qu’il st et qu’il sera toujours dans cette vie des vertus malheureuses et des crimes impunis ; il est donc nécessaire que le bien et le mal trouvent leur jugement dans une autre vie. C’est cette idée si simple, si naturelle, si générale, qui a établi chez tant de nations la croyance de l’immortalité de nos âmes, et de la justice divine qui les juge quand elles ont abandonné leur dépouille mortelle. Y a-t-il un système plus raisonnable, plus convenable à la Divinité, et plus utile au genre humain ?

 

KOU.

 

          Pourquoi donc plusieurs nations n’ont-elles point embrassé ce système ? Vous savez que nous avons dans notre province environ deux cents familles d’anciens Sinous (1), qui ont autrefois habité une partie de l’Arabie Pétrée ; ni elles ni leurs ancêtres n’ont jamais cru l’âme immortelle ; ils ont leurs cinq Livres, comme nous avons nos cinq Kings ; j’en ai lu la traduction : leurs lois, nécessairement semblables à celles de tous les autres peuples, leur ordonnent de respecter leurs pères, de ne point voler, de ne point mentir, de n’être ni adultères ni homicides ; mais ces mêmes lois ne leur parlent ni de récompenses ni de châtiments dans une autre vie (2).

 

CU-SU.

 

          Si cette idée n’est pas encore développée chez ce pauvre peuple, elle le sera sans doute un jour. Mais que nous importe une malheureuse petite nation, tandis que les Babyloniens, les Egyptiens, les Indiens, et toutes les nations policées ont reçu ce dogme salutaire ? Si vous étiez malade, rejetteriez-vous un remède approuvé par tous les Chinois, sous prétexte que quelques Barbares des montagnes n’auraient pas voulu s’en servir ? Dieu vous a donné la raison, elle vous dit que l’âme doit être immortelle ; c’est donc Dieu qui vous le dit lui-même.

 

KOU.

 

          Mais comment pourrai-je être récompensé ou puni, quand je ne serai plus moi-même, quand je n’aurai plus rien de ce qui aura constitué ma personne ? Ce n’est que par ma mémoire que je suis toujours moi ; je perds ma mémoire dans ma dernière maladie ; il faudra donc après ma mort un miracle pour me la rendre, pour me faire rentrer dans mon existence que j’aurai perdue ?

 

CU-SU.

 

          C’est-à-dire que si un prince avait égorgé sa famille pour régner, s’il avait tyrannisé ses sujets, il en serait quitte pour dire à Dieu : Ce n’est pas moi, j’ai perdu la mémoire, vous vous méprenez, je ne suis plus la même personne. Pensez-vous que Dieu fût bien content de ce sophisme ?

 

KOU.

 

          Eh bien ! soit, je me rends ; je voulais faire le bien pour moi-même, je le ferai aussi pour plaire à l’Etre suprême ; je pensais qu’il suffisait que mon âme fût juste dans cette vie, j’espérerai qu’elle sera heureuse dans une autre. Je vois que cette opinion est bonne pour les peuples et pour les princes, mais le culte de Dieu m’embarrasse.

 

 

 

 

 

QUATRIÈME ENTRETIEN.

 

 

 

 

CU-SU.

 

          Que trouvez-vous de choquant dans notre Chuking, ce premier livre canonique, si respecté de tous les empereurs chinois ? Vous labourez un champ de vos mains royales pour donner l’exemple au peuple, et vous en offrez les prémices au Chang-ti, au Tien, à l’Etre suprême ; vous lui sacrifiez quatre fois l’année ; vous êtes roi et pontife ; vous promettez à Dieu de faire tout le bien qui sera en votre pouvoir : y a-t-il là quelque chose qui répugne ?

 

KOU.

 

          Je suis bien loin d’y trouver à redire ; je sais que Dieu n’a nul besoin de nos sacrifices ni de nos prières ; mais nous avons besoin de lui en faire ; son culte n’est pas établi pour lui, mais pour nous. J’aime fort à faire des prières, je veux surtout qu’elles ne soient point ridicules ; car, quand j’aurai bien crié que « la montagne du Chang-ti est une montagne grasse, et qu’il ne faut point regarder les montagnes grasses ; » quand j’aurai fait enfuir le soleil et sécher la lune, ce galimatias sera-t-il agréable à l’Etre suprême, utile à mes sujets et à moi-même ?

 

          Je ne puis surtout souffrir la démence des sectes qui nous environnent : d’un côté je vois Laotzée, que sa mère conçut par l’union du ciel et de la terre, et dont elle fut grosse quatre-vingt-ans. Je n’ai pas plus de foi à sa doctrine de l’anéantissement et du dépouillement universel qu’aux cheveux blancs avec lesquels il naquit, et à la vache noire sur laquelle il monta pour aller prêcher sa doctrine.

 

Le dieu Fo ne m’en impose pas davantage, quoiqu’il ait eu pour père un éléphant blanc, et qu’il promette une vie immortelle.

 

          Ce qui me déplaît surtout, c’est que de telles rêveries soient continuellement prêchées par les bonzes, qui séduisent le peuple pour le gouverner ; ils se rendent respectables par des mortifications qui effrayent la nature. Les uns se privent toute leur vie des aliments les plus salutaires, comme si on ne pouvait plaire à Dieu que par un mauvais régime ; les autres se mettent au cou un carcan, dont quelquefois ils se rendent très dignes ; ils s’enfoncent des clous dans les cuisses, comme si leurs cuisses étaient des planches ; le peuple les suit en foule. Si un roi donne quelque édit qui leur déplaise, ils vous disent froidement que cet édit ne se trouve pas dans le commentaire du dieu Fo, et qu’il vaut mieux obéir à Dieu qu’aux hommes. Comment remédier à une maladie populaire si extravagante et si dangereuse ? Vous savez que la tolérance est le principe du gouvernement de la Chine, et de tous ceux de l’Asie ; mais cette indulgence n’est-elle pas bien funeste, quand elle expose un empire à être bouleversé pour des opinions fanatiques ?

 

CU-SU.

 

          Que le Chang-ti me préserve de vouloir éteindre en vous cet esprit de tolérance, cette vertu si respectable, qui est aux âmes ce que la permission de manger est au corps ! La loi naturelle permet à chacun de croire ce qu’il veut, comme de se nourrir de ce qu’il veut. Un médecin n’a pas le droit de tuer ses malades parce qu’ils n’auront pas observé la diète qu’il leur a prescrite. Un prince n’a pas le droit de faire pendre ceux de ses sujets qui n’auront pas pensé comme lui ; et, s’il est sage, il lui sera très aisé de déraciner les superstitions. Vous savez ce qui arriva à Daon, sixième roi de Chaldée, il y a quelque quatre mille ans ?

 

KOU.

 

          Non, je n’en sais rien ; vous me feriez plaisir de me l’apprendre.

 

CU-SU.

 

          Les prêtres chaldéens s’étaient avisés d’adorer les brochets de l’Euphrate ; ils prétendaient qu’un fameux brochet nommé Oannès leur avait autrefois appris par la théologie que ce brochet était immortel, qu’il avait trois pieds de long et un petit croissant sur la queue. C’était par respect pour cet Oannès qu’il était défendu de manger du brochet. Il s’éleva une grande dispute entre les théologiens pour savoir si le brochet Oannès était laité ou œuvé. Les deux partis s’excommunièrent réciproquement, et on en vint plusieurs fois aux mains. Voici comme le roi Daon s’y prit pour faire cesser ce désordre :

 

          Il commanda un jeûne rigoureux de trois jours aux deux partis, après quoi il ft venir les partisans du brochet aux œufs, qui assistèrent à son dîner : il se fit apporter un brochet de trois pieds, auquel on avait mis un petit croissant sur la queue. Est-ce là votre Dieu ? dit-il aux docteurs. Oui, sire, lui répondirent-ils, car il a un croissant sur la queue. Le roi commanda qu’on ouvrît le brochet, qui avait la plus belle laite du monde. Vous voyez bien, dit-il, que ce n’est pas là votre Dieu, puisqu’il est laité : et le brochet fut mangé par le roi et ses satrapes, au grand contentement des  théologiens des œufs, qui voyaient qu’on avait frit le Dieu de leurs adversaires.

 

          On envoya chercher aussitôt les docteurs du parti contraire : on leur montra un Dieu de trois pieds qui avait des œufs et un croissant sur la queue ; ils assurèrent que c’était là le Dieu Oannès, et qu’il était laité : il fut frit comme l’autre, et reconnu œuvé. Alors les deux partis étant également sots, et n’ayant pas déjeuné, le bon roi Daon leur dit qu’il n’avait que des brochets à leur donner pour leur dîner ; ils en mangèrent goulûment, soit œuvés, soit laités. La guerre civile finit, chacun bénit le bon roi Daon ; et les citoyens, depuis ce temps, firent servir à leur dîner tant de brochets qu’ils voulurent.

 

KOU.

 

          J’aime fort le roi Daon, et je promets bien de l’imiter à la première occasion qui s’offrira. J’empêcherai toujours, autant que je le pourrai (sans faire violence à personne), qu’on adore des Fo et des brochets.

 

          Je sais que dans le Pégu et dans le Tunquin il y a de petits dieux et de petits talapoins qui font descendre la lune dans le décours, et qui prédisent clairement l’avenir, c’est-à-dire qui voient clairement ce qui n’est pas, car l’avenir n’est point. J’empêcherai, autant que je le pourrai, que les talapoins ne viennent chez moi prendre le futur pour le présent, et faire descendre la lune.

 

          Quelle pitié qu’il y ait des sectes qui aillent de ville en ville débiter leurs rêveries, comme des charlatans qui vendent leurs drogues ! quelle honte pour l’esprit humain que de petites nations pensent que la vérité n’est que pour elles, et que le vaste empire de la Chine est livré à l’erreur ! L’Être éternel ne serait-il que le Dieu de l’île Formose ou de l’île Bornéo ? abandonnerait-il le reste de l’univers ? Mon cher Cu-su, il est le père de tous les hommes ; il permet à tous de manger du brochet ; le plus digne hommage qu’on puisse lui rendre est d’être vertueux ; un cœur pur est le plus beau de tous ses temples, comme disait le grand empereur Hiao.

 

 

C comme CATECHISME CHINOIS - 2

 

 

 

1 – Ce sont les Juifs des dix tributs qui, dans leur dispersion, pénètrent jusqu’à la Chine ; ils y sont appelés SINOUS. (G.A.)

 

2 – « Quant aux récompenses et aux peines que l’homme peut trouver dans une autre vie, dit Munk, Moïse n’en parle pas, soit que l’âme, comme souffle divin, lui parût devoir rentrer immédiatement après la mort dans son état primitif de pureté, soit qu’il ne voulût pas se prononcer sur un sujet plein de difficultés métaphysiques. » (G.A.)

 

3 – Eh bien ! tristes ennemis de la raison et de la vérité, direz-vous encore que cet ouvrage enseigne la mortalité de l’âme ? Ce morceau a été imprimé dans toutes les éditions. De quel front osez-vous donc le calomnier ? Hélas ! si vos âmes conservent leur caractère pendant l’éternité, elles seront éternellement des âmes bien sottes et bien injustes. Non, les auteurs de cet ouvrage raisonnable et utile ne vous disent point que l’âme meurt avec le corps : ils vous disent seulement que vous êtes des ignorants. N’en rougissez pas : tous les sages ont avoué leur ignorance ; aucun d’eux n’a été assez impertinent pour connaître la nature de l’âme. Gassendi, en résumant tout ce qu’a dit l’antiquité, vous parle ainsi : « Vous ressemblez à un aveugle qui, sentant la chaleur du soleil, croirait avoir une idée distincte de cet astre. » Lisez le reste de cette admirable lettre à Descartes : lisez Locke ; relisez cet ouvrage-ci attentivement, et vous verrez qu’il est impossible que nous ayons la moindre notion de la nature de l’âme, par la raison qu’il est impossible que la créature connaisse le principe de nos pensées, il faut tâcher de penser avec justesse et avec justice ; qu’il faut être tout ce que vous n’êtes pas : modeste, doux, bienfaisant, indulgent ; ressembler à Cu-su et à Kou, et non pas à Thomas d’Aquin ou à Scott, dont les âmes étaient fort ténébreuses, ou à Calvin et à Luther, dont les âmes étaient bien dures et bien emportées. Tâchez que vos âmes tiennent un peu de la nôtre, alors vous vous moquerez prodigieusement de vous-mêmes.

 

− Dans la censure que la Sorbonne a faite de l’ouvrage de M. l’abbé Raynal, les sages maîtres ont dit en latin que Voltaire avait nié la spiritualité de l’âme, et, en français, qu’il avait nié l’immortalité, auf vice versa. (K.)

 

 

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