DICTIONNAIRE PHILOSOPHIQUE : A comme AUTELS

Publié le par loveVoltaire

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A comme AUTELS.

 

 

 

 

 

          Il est universellement reconnu que les premiers chrétiens n’eurent ni temples, ni autels, ni cierges, ni encens, ni eau bénite, ni aucun des rites que la prudence des pasteurs institua depuis, selon les temps et les lieux, et surtout selon le besoin des fidèles.

 

          Nous avons plus d’un témoignage d’Origène, d’Athénagore, de Théophile, de Justin, de Tertullien, que les premiers chrétiens avaient en abomination les temples et les autels. Ce n’est pas seulement parce qu’ils ne pouvaient obtenir du gouvernement, dans ces commencements, la permission de bâtir des temples ; mais c’est qu’ils avaient une aversion réelle pour tout ce qui semblait avoir le moindre rapport avec les autres religions. Cette horreur subsista chez eux pendant deux cent cinquante ans. Cela se démontre par Minucius Félix, qui vivait au troisième siècle. « Vous pensez, dit-il aux Romains, que nous cachons ce que nous adorons, parce que nous n’avons ni temples ni autels. Mais quel simulacre érigerons-nous à Dieu, puisque l’homme est lui-même le simulacre de Dieu ? quel temple lui bâtirons-nous, quand le monde qui est son ouvrage ne peut le contenir ? comment enfermerai-je la puissance d’une telle majesté dans une seule maison ? Ne vaut-il pas bien mieux lui consacrer un temple dans notre esprit et dans notre cœur ? »

 

          Putatis autem nos occultare quod colimus, si delubra et aras non habemus ? Quod enim simulacrum Deo fingam, quum, si rectè existimes, sit Dei homo ipse simulacrum ? templum quod ei exstruam, quum totus hic mundus ejus opere fabricatus eum capere non possit ? et quum homo latiùs maneam, intra unam ædiculam vim tantæ majestatis includam ? Nonne meliùs in nostra dedicandus est mente, in nostro imo consecrandus est pectore ? » (Cap. XXXII.)

 

 

          Les chrétiens n’eurent donc des temples que vers le commencement du règne de Dioclétien. L’Eglise était alors très nombreuse. On avait besoin de décorations et de rites, qui auraient été jusque-là inutiles et même dangereux à un troupeau faible, longtemps méconnu, et pris seulement pour une petite secte de Juifs dissidents.

 

          Il est manifeste que, dans le temps où ils étaient confondus avec les Juifs, ils ne pouvaient obtenir la permission d’avoir des temples. Les Juifs, qui payaient très chèrement leurs synagogues, s’y seraient opposés ; ils étaient mortels ennemis des chrétiens, et ils étaient riches. Il ne faut pas dire avec Toland qu’alors les chrétiens ne faisaient semblant de mépriser les temples et les autels que comme le renard disait que les raisins étaient trop verts.

 

          Cette comparaison semble aussi injuste qu’impie, puisque tous les premiers chrétiens de tant de pays différents s’accordèrent à soutenir qu’il ne faut point de temples et d’autels au vrai Dieu.

 

          La Providence, en faisant agir les causes secondes, voulut qu’ils bâtissent un temple superbe dans        Nicomédie, résidence de l’empereur Dioclétien, dès qu’ils eurent la protection de ce prince. Ils en construisirent dans d’autres villes ; mais ils avaient encore en horreur les cierges, l’encens, l’eau lustrale, les habits pontificaux ; tout cet appareil imposant n’était alors à leurs yeux que marque distinctive du paganisme. Ils n’adoptèrent ces usages que peu à peu sous Constantin et sous ses successeurs ; et ces usages ont souvent changé.

 

          Aujourd’hui, dans notre Occident, les bonnes femmes qui entendent le dimanche une messe basse en latin, servie par un petit garçon, s’imaginent que ce rite a été observé de tout temps, qu’il n’y en a jamais eu d’autre, et que la coutume de s’assembler dans d’autres pays pour prier Dieu en commun est diabolique et toute récente. Une messe basse est sans contredit quelque chose de très respectable, puisqu’elle a été autorisée par l’Eglise. Elle n’est point du tout ancienne ; mais elle n’en exige pas moins notre vénération.

 

          Il n’y a peut-être pas aujourd’hui une seule cérémonie qui ait été en usage du temps des apôtres. Le Saint-Esprit s’est toujours conformé au temps. Il inspirait les premiers disciples dans un méchant galetas : il communique aujourd’hui ses inspirations dans Saint-Pierre de Rome, qui a coûté deux cents millions ; également divin dans le galetas et dans le superbe édifice de Jules II, de Léon X, de Paul III, et de Sixte V (1).

 

 

 

 

A comme AUTELS

 

1 – Voyez à l’article ÉGLISE la section intitulée : De la primitive Eglise, etc.

 

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