DICTIONNAIRE PHILOSOPHIQUE : A comme AME - Section VI

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SECTION VI.

 

 

DU BESOIN DE LA RÉVÉLATION.

 

 

 

 

         Le plus grand bienfait dont nous soyons redevables au Nouveau Testament, c’est de nous avoir révélé l’immortalité de l’âme. C’est donc bien vainement que ce Warburton a voulu jeter des nuages sur cette importante vérité, en représentant continuellement, dans sa Légation de Moïse, « que les anciens Juifs n’avaient aucune connaissance de ce dogme nécessaire, et que les saducéens ne l’admettaient pas du temps de notre Seigneur Jésus. »

 

         Il interprète à sa manière les propres mots qu’on fait prononcer à Jésus-Christ (1). « N’avez-vous pas lu ces paroles que Dieu vous a dites : « Je suis le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob ? »  Or Dieu n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants. » Il donne à la parabole du mauvais riche un sens contraire à celui de toutes les Eglises. Sherlock, évêque de Londres, et vingt autres savants l’ont réfuté. Les philosophes anglais mêmes lui ont reproché combien il est scandaleux dans un évêque anglican de manifester une opinion si contraire à l’Eglise anglicane : et cet homme, après cela, s’avise de traiter les gens d’impies ; semblable au personnage d’Arlequin, dans la comédie du Dévaliseur de maisons, qui, après avoir jeté les meubles par la fenêtre, voyant un homme qui  en emportait quelques-uns, cria de toutes ses forces : Au voleur !

 

         Il faut d’autant plus bénir la révélation de l’immortalité de l’âme, et des peines et des récompenses après la mort, que la vaine philosophie des hommes en a toujours douté. Le grand César n’en croyait rien ; il s’en expliqua clairement en plein sénat lorsque, pour empêcher qu’on fît mourir Catilina, il représenta que la mort ne laissait à l’homme aucun sentiment, que tout mourait avec lui ; et personne ne réfuta cette opinion.

 

         L’empire romain était partagé entre deux grandes sectes principales : celle d’Epicure, qui affirmait que la Divinité était inutile au monde, et que l’âme périt avec le corps ; et celle des stoïciens, qui regardait l’âme comme une portion de la Divinité, laquelle, après la mort, se réunissait à son origine, au grand tout dont elle était émanée. Ainsi, soit que l’on crût l’âme mortelle, soit qu’on la crût immortelle, toutes les sectes se réunissaient à se moquer des peines et des récompenses après la mort.

 

         Il nous reste encore cent monuments de cette croyance des Romains. C’est en vertu de ce sentiment profondément gravé dans tous les cœurs, que tant de héros et tant de simples citoyens romains se donnèrent la mort sans le moindre scrupule ; ils n’attendaient point qu’un tyran les livrât à des bourreaux.

 

         Les hommes les plus vertueux même, et les plus persuadés de l’existence d’un Dieu, n’espéraient alors aucune récompense, et ne craignaient aucune peine. Nous verrons à l’article APOCRYPHE que Clément, qui fut depuis pape et saint, commença par douter lui-même de ce que les premiers chrétiens disaient d’une autre vie, et qu’il consulta saint Pierre à Césarée. Nous sommes bien loin de croire que saint Clément ait écrit cette histoire qu’on lui attribue ; mais elle fait voir quel besoin avait le genre humain d’une révélation précise. Tout ce qui peut nous surprendre, c’est qu’un dogme si réprimant et si salutaire ait laissé en proie à tant d’horribles crimes des hommes qui ont si peu de temps à vivre, et qui se voient pressés entre deux éternités.

 

 A comme AME - Section 6

 

 

1 – Saint Matthieu, ch. XXII, V. 31 et 32.

 

 

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