DICTIONNAIRE PHILOSOPHIQUE : A comme A (2)

Publié le par loveVoltaire

A-comme-A-2.jpg

 

Photo de PAPAPOUSS

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

A comme A.

 

 

 

 

 

       A, troisième personne au présent de l’indicatif du verbe avoir. C’est un défaut sans doute qu’un verbe ne soit qu’une seule lettre, et qu’on exprime il a raison, il a de l’esprit, comme on exprime il est à Paris, il est à Lyon.

 

 

.  .  .  .  .  .  .  Hodieque manent vestigia ruris.

 

                                                                                  HOR., I. II, ep. I, v. 160.

 

 

         Il a eu choquerait horriblement l’oreille, si on n’y était pas accoutumé : plusieurs écrivains se servent souvent de cette phrase, la différence qu’il y a ; la distance qu’il y a entre eux ; est-il rien de plus languissant à la fois et de plus rude ? n’est-il pas aisé d’éviter cette imperfection du langage, en disant simplement la distance, la différence entre eux ? A quoi bon ce qu’il et cet y a qui rendent le discours sec et diffus, et qui réunissent ainsi les plus grands défauts ?

 

         Ne faut-il pas surtout éviter le concours de deux ? il va à Paris, il a Antoine en aversion. Trois et quatre a sont insupportables ; il va à Amiens et de là à Arques.

 

         La poésie française proscrit ce heurtement de voyelles.

 

 

Gardez qu’une voyelle, à courir trop hâtée,

Ne soit d’une voyelle en son chemin heurtée.

 

 

         Les Italiens ont été obligés de se permettre cet achoppement de sons qui détruisent l’harmonie naturelle, ces hiatus, ces bâillements que les Latins étaient soigneux d’éviter. Pétrarque ne fait nulle difficulté de dire :

 

Muove  si il vecchiarel canuto e bianco,

Dal dolce luogo ove ha sua età fornita.

 

                                                                                              PET., I, S. 14.

 

         L’Arioste a dit :

 

 

Non sa quel che sia Amor …...

Doveva fortuna alla cristiana fede……

Tanto giro che venne a una riviera……

Altra aventura al buon Rinaldo accade……

 

 

         Cette malheureuse cacophonie est nécessaire en italien, parce que la plus grande partie des mots de cette langue se termine en a, e, i, o, u. Le latin, qui possède une infinité de terminaisons, ne pouvait guère admettre un pareil heurtement de voyelles, et la langue française est encore en cela plus circonspecte et plus sévère que le latin. Vous voyez très-rarement dans Virgile une voyelle suivie d’un mot commençant par une voyelle ; ce n’est que dans un petit nombre d’occasions où il faut exprimer quelque désordre de l’esprit,

 

 

Arma amens capio…… (Æn. II, 314.)

 

 

ou lorsque deux spondées peignent un lieu vaste et désert,

 

 

In Neptuno Aegeo. (Æn. III, 74.)

 

 

         Homère, il est vrai, ne s’assujettit pas à cette règle de l’harmonie qui rejette le concours des voyelles, et surtout des a ; les finesses de l’art n’étaient pas encore connues de son temps, et Homère était au-dessus de ces finesses ; mais ses vers les plus harmonieux sont ceux qui sont composés d’un assemblage heureux de voyelles et de consonnes. C’est ce que Boileau recommande dès le premier chant de l’Art poétique.

 

         La lettre A, chez presque toutes les nations, devint une lettre sacrée, parce qu’elle était la première : les Egyptiens joignirent cette superstition à tant d’autres ; de là vient que les Grecs d’Alexandrie l’appelaient hier Alpha ; et comme oméga était la dernière lettre, ces mots  alpha et oméga signifièrent le complément de toutes choses. Ce fut l’origine de la cabale et de plus d’une mystérieuse démence.

 

         Les lettres servaient de chiffres et de notes de musique ; jugez quelle foule de connaissances secrètes cela produisit : a, b, c, d, e, f, g, étaient les sept cieux. L’harmonie des sphères célestes était composée des sept premières lettres, et un acrostiche rendait raison de tout dans la vénérable antiquité.

 

 

A comme A-2

Commenter cet article