CORRESPONDANCE - Partie 1739 - Partie 3

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à M. Berger

 

A Cirey, le 18 janvier.

 

 

          Mon cher ami, voulez-vous me rendre un signalé service ? Il faut voir Saint-Hyacinthe. Je ne le connais pas, direz-vous, il faut le connaître ; on connaît toute le monde, quand il s’agit d’un ami. Mais Saint-Hyacinthe est un homme décrié ; eh ! qu’importe ? Voici de quoi il s’agit. Il est cité dans le livre infâme de Desfontaines, pour avoir écrit contre moi un libelle intitulé Déification d’Aristarchus Masso (1). Or je ne l’ai jamais offensé, ce Saint-Hyacinthe. Pourquoi donc imprimer contre moi des impostures si affreuses ? Veut-il les soutenir ? Je ne le crois pas. Que lui coûtera-t-il de signer qu’il n’en est pas l’auteur, ou qu’il les déteste, ou qu’il ne m’a point eu en vue ? Exigez de lui un mot qui lave cet outrage, et qui prévienne les suites d’une querelle cruelle. Faites-lui écrire un petit mot dont il résulte la paix et l’honneur, je vous en conjure. Courez, rendez-moi ce service. Je ne demande que le repos ; procurez-le à votre ami.

 

 

1 – Saint-Hyacinthe avait imprimé ce pamphlet six ans auparavant à la suite de son Chef-d’œuvre d’un inconnu. (G.A.)

 

 

 

 

à M. Thieriot

Le 18 Janvier.

 

 

          Mon cher Thieriot, je reçois votre lettre du 14. Votre négligence à répondre, trois ou quatre ordinaires, a fait penser à madame du Châtelet et à madame de Champbonin que vous aviez envoyé à son altesse royale le libelle affreux d’un scélérat ; et madame de Champbonin en était d’autant plus persuadée, que vous lui aviez avoué à Paris que vous régaliez ce prince de tout ce qui se fait contre moi, qu’elle vous l’avait reproché, et qu’elle en était encore émue.

 

          Votre silence, pendant que tout le monde m’écrivait, ne m’a point surpris, moi, qui suis accoutumé à des négligences souvent causées par votre peu de santé ; mais il a indigné au dernier point tout ce petit coin de la Champagne, et vous devez à madame du Châtelet la réparation la plus tendre des idées cruelles que vous lui aviez données. Il est très sûr qu’un mot de vous dans le Pour et Contre, si vous n’êtes point brouillé avec Prévost, vous eût fait et vous ferait un honneur infini ; car rien n’en fait plus qu’une amitié courageuse.

 

          Je ne sais pourquoi vous m’appelez malheureux et homme à plaindre. Je ne le suis assurément point, si vous êtes un ami aussi fidèle et aussi tendre que je le crois. Je suis au contraire très heureux qu’un scélérat que j’ai sauvé me mette en état de prouver, papiers originaux en main, mes bienfaits et ses crimes ; et je le remercie de m’avoir donné l’occasion de me faire connaître, sans qu’on puisse m’imputer de la vanité. L’exemple de l’abbé Prévost n’est fait pour moi d’aucune sorte. Je souhaite que ceux qui répondront jamais à des libelles suivent mon exemple, et soient en état de me ressembler.

 

          Madame du Châtelet et tous ceux, sans exception, qui ont vu ici votre lettre, en sont si mécontents qu’elle vous la renvoie. C’est à elle seule, à qui elle s’adresse, à savoir si elle doit être contente, et non à ceux qui l’ont, dites-vous, approuvée sans qu’ils sussent ce que madame du Châtelet, qui est au fait de toutes les branches d’une affaire qu’ils ignorent, avait droit d’exiger de vous. Il n’y a que deux personnes à consulter en telles affaires, soi-même et la personne à qui l’ont écrit.

 

          Quant à l’article des souscriptions que j’ai payées de mon argent, quoique la valeur ne soit jamais venue entre mes mains (comme vous savez) (1), c’est une chose dont vous pouvez et devrez très bien vous charger ; car je ne crois pas qu’il y ait deux souscripteurs qui n’aient ou le livre ou l’argent, et vous pouvez les payer de celui que vous avez à moi ; cela est tout simple ; tout le reste est inutile.

 

          Vos anciennes lettres où vous dites que « Desfontaines est un monstre, qu’il a fait contre moi un libelle intitulé Apologie du sieur de Voltaire ; qu’il a fait imprimer la Henriade à Evreux, avec des vers contre La Motte ; celles où vous dites que c’est un enragé qui, etc. ; » tout cela a été vu, lu, relu ici, signé par vingt personnes, déposé chez un notaire ; ainsi nul besoin d’éclaircissement ; mais j’avais besoin, moi, d’un témoignage de votre amitié, de votre diligence, d’un zèle honorable pour tous deux, égal à celui que madame de Bernières a fait paraître. Je l’attendais non seulement de votre tendresse, mais de votre honneur outragé par un malheureux qui vous a toujours traité avec le dernier mépris, et dont les outrages sont imprimés. Je n’ai jamais soupçonné que vous balançassiez entre l’ami tendre et solide de vingt-cinq années, et le scélérat dont vous ne m’avez jamais parlé qu’avec horreur.

 

          Encore une fois, il ne s’agit que de vous et non de moi. Ecrivez à madame du Châtelet et au prince en termes qui leur persuadent votre amitié, autant que j’en suis persuadé ; c’est tout ce que je veux. J’ai fait assez de bien à des ingrats ; j’ai fait d’assez bons ouvrages, et je les retouche avec assez d’assiduité pour ne rien craindre de la postérité, ni pour mon cœur, ni pour mon esprit, qu’on n’appellera ni l’un ni l’autre paresseux. J’ai assez d’amis et de fortune pour vivre heureux dans le temps présent. J’ai assez d’orgueil pour mépriser d’un mépris souverain les discours de ceux qui ne me connaissent pas. En un mot, loin d’avoir eu un instant de chagrin de l’absurde et sot libelle de Desfontaines, j’en ai été peut-être trop aise. Votre seul article m’a désespéré. Entendre dire par tout Paris que vous démentez votre ami, qui a preuve en main, en faveur de votre ennemi, entendre dire que vous ménagez Desfontaines, c’était un coup de poignard pour un cœur aussi sensible que le mien. Je n’ai donc plus qu’à remercier mon bon ange de deux choses, de la fermeté, intrépide de votre amitié, qui ne doit pas être négligente, et de l’occasion admirable qu’on me donne de confondre mes ennemis.

 

          Ecrivez, vous dis-je, à madame du Châtelet. Point de politique, point de ces lâches misères ; allez vous faire… avec vos gens de cour qui voient votre lettre. Il est question de votre cœur ; il est question de vous attacher, pour le reste de votre vie, l’âme la plus noble qui existe au monde, et que vous adoreriez si vous saviez de quoi elle est capable.

 

          Madame de Champbonin vous a écrit une lettre (2) trempée dans l’amertume de ses larmes. Elle m’aime si vivement qu’il faut que vous lui pardonniez. Mais croyez-moi, parlez à madame du Châtelet du ton qui convient à sa sensibilité. Je vous embrasse ; j’oublie tout, hors votre amitié.

 

          Songez qu’en de telles circonstances, ne pas écrire à son ami sur-le-champ, c’est le trahir. Négligence est crime.

 

 

1 – Thieriot avait gardé l’argent. (G.A.)

2 – Le 16 Janvier. Elle est reproduite dans les Mémoires de Longchamp. (G.A.)

 

 

 

 

à M. Thieriot

Le 19 Janvier.

 

 

          Je suis malade, je ne peux vous écrire moi-même. Je n’avais pas le temps, hier, de vous dire tout ; mais je ne dois vous laisser rien ignorer, et un ami a bien des droits. Croyez-moi, mon cher Thieriot, croyez-moi, je vous aime et je ne vous trompe point. Madame du Châtelet ne peut qu’être irritée tant que vous ne réparerez point, par des choses qui partent du cœur, la politique, l’inutile, l’outrageante lettre que je vous ai renvoyée par son ordre. Tout ce que vous m’avez écrit du 14 pour mal justifier cette lettre ostensible, et de long et injurieux silence qui l’avait suivie, l’a indignée bien davantage ; on n’écrit qu’à ses ennemis de ces lettres ostensibles où l’on craint de s’expliquer, où l’on parle à demi, où l’on élude, où l’on est froid.

 

          Examinez vous-même la chose, je vous en conjure, et voyez combien il est indécent que vous paraissiez faire le politique avec madame du Châtelet, quand elle vous écrit simplement et avec amitié. Vous me mettez en presse ; vous me réduisez à la nécessité  de combattre ici pour vous contre ses ressentiments. Elle croit que vous me trahissez ; il faut que je lui jure le contraire. Elle se fâche, ses amis prennent son parti ; tout cela me rend malade, et un mot de vous eût prévenu tous ces combats.

 

          Est-il possible, encore une fois, que quand nous avons ici dix lettres anciennes de vous, qui expliquent, qui détaillent tout le fait, toute l’horreur connue de l’abbé Desfontaines, vous affectiez aujourd’hui du mystère ? Où diable avez-vous pris d’écrire une lettre ostensible à madame du Châtelet ? Une lettre publique ? La compromettre à ce point ! Montrer, dites-vous, votre lettre à deux cents personnes : A des gens de cour ! Vous faire dire qu’il y a de la dignité dans cette lettre ! Vous, de la dignité ! A madame du Châtelet ! Sentez-vous bien la force de ce terme ? Je vous parle vrai, parce que je suis votre ami. Votre lettre ostensible, dont on ne voulait point, votre long silence, vos excuses sont autant d’outrages à la bienséance, à l’amitié, et à madame du Châtelet. Est-il possible que, dans cette occasion vous ayez pu consulter autre chose que votre cœur ? Voyez que de malentendus votre silence a causés ! Enfin tout ceci était bien simple. Vous avez été cité avec raison, et, comme j’en ai droit, dans une lettre publique (1) ; vous vous trouvez entre votre ami et un monstre qui vous a mordu. Voudrez-vous fuir à la fois votre ami et ce monstre, de peur d’être mordu encore ? Je suis un homme de lettres, et vous un amateur ; j’ai de la réputation par mes travaux, et vous par votre goût ; l’abbé Desfontaines nous a souvent attaqués l’un et l’autre ; il est clair qu’il y aurait la plus extrême lâcheté à l’un de nous deux d’abandonner l’autre, de tergiverser, de craindre un scélérat qui offense un ami ; il est clair qu’un silence de seize jours, en pareille occasion, est un outrage plus grand de la part d’un ami qu’un libelle n’est offensant de la part d’un coquin méprisé.

 

          Voilà le point essentiel, voilà toute l’affaire, voilà ce qui a pensé faire prendre des résolutions extrêmes ; et enfin, quand au bout de seize jours vous m’écrivez, que voulez-vous qu’on pense, sinon que vous avez attendu que l’exécration publique contre Desfontaines vous forçât enfin de revenir à l’amitié ? C’est ce que je ne peux ôter de la tête de tout ce qui est ici, et il y a beaucoup de monde ; mais c’est ce que je ne pense point. Je vous l’ai dit, je vous l’ai redit, je vous aime, et je compte sur vous ; et c’est parce que je vous aime tendrement que je vous gronde très sévèrement, et que je vous prie d’écrire comme par le passé, de rendre compte des petites commissions, de parler avec naïveté à madame du Châtelet, qui peut vous servir infiniment auprès du prince. L’affaire des souscriptions, si elle dure encore, est essentielle ; et votre honneur, votre devoir, je dis le devoir le plus sacré, est de les payer de mon argent, s’il s’en trouve. Cela a paru si essentiel à M. et à madame du Châtelet, que vous les outrageriez en faisant sur cela la moindre représentation. Il ne faut rougir ni de faire son devoir, ni de promettre de la faire, surtout quand ce devoir est si aisé.

 

          A l’égard de la lettre que M. du Châtelet exige de vous, il sera très piqué si vous ne l’écrivez pas ; il la faut écrire ; pour moi je la trouve inutile. Je vous la renverrai, et n’en ferai point usage ; mais il faut contenter M. et madame du Châtelet.

 

          Tout le monde est indigné ici de l’exemple de dom Prévost (2), que vous citez toujours. Quand quelque dom Prévost aura refusé dix mille livres de pension (3) d’un prince souverain, quand il aura donné quelquefois et partagé souvent le profit de ses ouvrages, quand il aura donné des pensions à plusieurs gens de lettres, quand il aura fait des ingrats et la Henriade ; alors vous pourrez me citer dom Prévost. N’en parlons plus. Une lettre d’attachement à madame du Châtelet, de la vigueur, et des lettres fréquentes à votre intime ami Voltaire, et tout est effacé, tout est oublié. Mais plus de politique ; elle n’est faite ni pour vous ni pour moi, et je ne connais et n’aime que la franchise. Voilà tout ce que je veux, et comptez que mon cœur est à vous pour jamais. Il est vrai, il est tendre, vous le connaissez ; adieu.

 

          (4) J’ai dicté tout cela bien à la hâte ; j’ajoute qu’on nous écrit, dans le moment, que votre malheureuse lettre à madame du Châtelet va être publique dans le Pour et Contre.

 

          Ah ! mon ami, serait-il vrai ? Ce serait le plus cruel outrage à madame du Châtelet et à toute sa famille. De quoi vous êtes-vous avisé ? Quelle malheureuse lettre ! Qui vous la demandait ? Pourquoi l’écrire ? Pourquoi la montrer ?

 

          S’il en est temps, volez chez le Pour et Contre, brûlez la feuille, payez les frais ; mais je ne crois pas que cela soit vrai. Voilà ce que c’est que de garder le silence dans de telles occasions. Il fallait écrire toutes les postes. Je vous embrasse.

 

 

 

 

1 – Voyez le Préservatif. (G.A.)

2 – Prévost avait été bénédictin. (G.A.)

3 – Comme lui, Voltaire. (G.A.)

4 – Ces dernières lignes sont de la main de M. de Voltaire. (G.A.)

 

 

 

 

à M. l’abbé d’Olivet

A Cirey, ce 19 Janvier.

 

 

          Vous me faites goûter un plaisir bien rare, mon ancien maître, mon cher ami toujours mon maître ; vous devriez  bien écrire plus souvent. Vous devriez plutôt venir prendre une cellule dans le couvent, ou plutôt dans le palais de Cirey. Celle que vient de quitter Archimède-Maupertuis (1) serait très bien occupée par Quintilien d’Olivet. Vous verriez si la masse multipliée par le carré de la vitesse, ou si les cubes des distances des planètes font oublier les Tusculanes, et si Locke fait négliger Virgile ; vous verriez si l’histoire est méprisée. Vous passez volontiers vos hivers hors de Paris. Si vous alliez en Franche-Comté, souvenez-vous que Cirey est précisément sur la plus belle route.

 

          Ne vous imaginez pas que la vie occupée et délicieuse de Cirey, au milieu de la plus grande magnificence et de la meilleure chère, et des meilleurs livres, et, ce qui vaut mieux, au milieu de l’amitié, soit troublée un seul instant par le croassement d’un scélérat qui fait, avec la voie enrouée du vieux Rousseau, un concert d’injures méprisées de tous les esprits, et détestées de tous les cœurs.

 

          Pour punir l’abbé Desfontaines, je ne voudrais qu’une chose, lui démontrer que je n’ai pas plus de part que vous au Préservatif. L’auteur de cet écrit a fait usage de deux lettres que vous connaissez il y a longtemps, l’une sur l’évêque de Cloyne, Berkeley, auteur de l’Alciphron, l’autre sur l’affaire de Bicêtre. Une ou deux personnes ont aidé l’auteur à brocher ce Préservatif, qui n’est qu’une table des matières, et non point un ouvrage. J’en ai en main la preuve démonstrative, que je vous ferais voir si l’abbé Desfontaines, qui me doit la vie, qui, pour toute reconnaissance, m’a tant outragé, était capable de sentir son tort et de se corriger ; il ne faudrait pas d’autre réponse.

 

          Mais, si j’en fais une, elle sera aussi modérée que son libelle est emporté, aussi fondée sur des faits que son écrit est bâti sur des calomnies, aussi touchante peut-être que ses ouvrages sont révoltants. Tout le mal de cette affaire, c’est que ce sont deux ou trois jours arrachés à l’étude ; amice, tres dies perdidi. Je suis prêt à pleurer quand il faut consumer ainsi le temps destiné à l’amitié, à l’étude de la physique, aux corrections continuelles que je fais dans le poème de la Henriade, dans l’Histoire de Charles XII, dans mes tragédies, dans tout ce que j’ai jamais écrit.

 

          Que vous me seriez d’un grand secours, mon cher ami, si vous vouliez éclairer de votre sage critique ce que fait votre ancien disciple ! Je voudrais que ma plume et ma conduite eussent en vous un ami attentif, un juge continuel. Vous savez, par exemple, combien Rousseau m’a outragé depuis quinze ans ; avec quel acharnement il a poursuivi contre moi ses querelles commencées, il y a quarante ans, avec tant de gens de lettres. Il est à Paris, il demande grâce au parlement, aux Saurin, au public. Il ose s’adresser à Dieu même. J’ai de quoi le démasquer, j’ai de quoi le couvrir d’opprobre, de quoi remplir la mesure de ses crimes. Tenez, lisez ; la pièce est authentique, je vous l’envoie, je pourrais la faire imprimer dans ma réponse ; cependant je ne le fais pas. Je vous conjure de voir le P. Brumoi et vos autres amis. Si l’auteur de la Henriade leur déplaît, s’ils préfèrent des odes à un poème épique, et des épigrammes à tous mes travaux, qu’ils préfèrent du moins ma modération à la rage éternelle de Rousseau, et ma franchise à son hypocrisie.

 

          Vous, mon cher ami, aimez toujours un homme qui vous sera éternellement attaché. Je ne sais pourquoi M. Thieriot ne vous a pas montré la Mérope. Adieu ; je vous embrasse tendrement ; écrivez-moi, mandez-moi si vous voulez que je vous envoie mes drogues. Je ne vous écris point de ma main, étant assez malade.

 

 

 

 

 

à M. le comte d’Argental

19 Janvier 1739.

 

 

          Mon cher ange, vous avez été bien étonné du dernier paquet de Zulime ; mais qui emploie sa journée fait bien des choses. Je travaille, mais guidez-moi.

 

          Je persiste dans l’idée de faire un procès criminel à l’abbé Desfontaines. Mon cher ange gardien, vous me connaissez. Les gens à poème épique et à Eléments de Newton sont des gens opiniâtres. Je demanderai justice des calomnies de Desfontaines jusqu’au dernier soupir ; et ce même caractère d’esprit vous assure, je crois, de ma tendre et éternelle reconnaissance.

 

          J’ai envoyé mon dernier Mémoire à M. d’Argenson ; mais je ne compte le faire imprimer qu’avec permission tacite, dans un recueil de quelques pièces. Il me semble qu’il sera alors très convenable de laisser dans mon mémoire justificatif tout ce qui est littéraire ; car, si l’avidité du public malin ne désire actuellement que du personnel, les amateurs un jour préféreront beaucoup le littéraire. J’ai fait cet ouvrage dans le goût de Pélisson, et peut-être de Cicéron. Je serais confondu si ce style était mauvais.

 

          N’ayant rien à craindre d’aucune récrimination, cependant j’insiste qu’on commence le procès par une requête présentée au nom des gens de lettres, qu’ensuite mes parents en présentent une au nom de ma famille outragée, sauf à moi à m’y joindre, s’il est nécessaire.

 

          J’espérais que, sans forme de procès, et indépendamment du châtiment que le magistrat de la police peut et doit infliger à l’abbé Desfontaines, je pourrais obtenir un désaveu des calomnies de ce scélérat, désaveu qui m’est nécessaire, désaveu qu’on ne peut refuser aux preuves que j’ai rapportées.

 

          Enfin j’en reviens toujours là ; point de preuves contre moi, sinon que j’ai écrit la lettre qui est dans le Préservatif. Or, cette lettre, que dit-elle ? Que Desfontaines a été tiré de Bicêtre par moi, et qu’il m’a payé d’ingratitude. Encore une fois, cette lettre doit être regardée comme ma première requête contre Desfontaines. D’ailleurs rien de prouvé contre moi, et tout démontré contre lui. Enfin j’insiste sur le désaveu de ses calomnies, et j’attends tout des bontés de mon cher ange gardien.

 

          Je serais bien honteux de tant d’importunités, si vous n’étiez pas M. d’Argental. Adieu ; mon cœur ne peut suffire à mes sentiments pour vous, et à ma tendre reconnaissance.

 

 

 

 

à M. Thieriot

Ce 23 Janvier.

 

 

          M. du Châtelet étant absent, et madame la marquise ayant ordre d’ouvrir ses lettres, elle a heureusement lu la vôtre, et elle vous donne la marque d’amitié de vous la renvoyer. Elle n’est ni française, ni décente, ni intelligible, et M. du Châtelet, qui est très vif, en eût été fort piqué. Je vous la renvoie donc, mon cher Thieriot ; corrigez-la comme je corrige mes Epîtres. Il faut tout simplement lui dire que « vous aviez prévenu tous ses désirs ; que, si vous avez été si longtempssans écrire, c’est que vous avez été malade ; qu’il y a longtemps que vous savez qu’en effet j’ai remboursé toutes les souscriptions que les souscripteurs négligents n’avaient pasenvoyées en Angleterre, et que vous ne croyez pas qu’il en reste ; mais que, s’il en restait, vous vous en chargeriez avec plaisir pour votre ami.

 

          Qu’à l’égard de l’abbé Desfontaines, vous pensez comme tout le public, qui le déteste et le méprise, et que vous n’avez pas cessé un moment d’être mon ami. »

 

          Au reste, songez bien qu’on ne vous demande point la lettre ostensible. Voilà comme on apaise tout sans se compromettre, et non pas en entrant dans un détail de lettre à écrire à M. de La Popelinière. Ne parlez point de M. de La Popelinière. C’est à lui à rendre ce qu’il doit à M. le marquis du Châtelet, et il n’y manquera pas ; il connaît trop les devoirs du monde.

 

          Pour la centième fois, si vous aviez écrit tout d’un coup comme à l’ordinaire, et si vous n’aviez pas voulu mettre dans l’amitié une politique fort étrangère, il n’y aurait pas eu le moindre malentendu. Oublions donc toute cette mésintelligence.

 

          Au reste, je poursuivrai Desfontaines à toute rigueur. Qui ne sait point confondre ses ennemis ne sait point aimer ses amis.

 

 

(Le même jour, ou cette même nuit.)

 

          Madame du Châtelet est excessivement fâchée que vous ayez fait courir votre lettre à elle adressée ; cela est contre toutes les règles, et un nom aussi respectable doit être plus ménagé. Je suis encore à comprendre comment cela peut vous être venu dans la tête, et pourquoi vous lui avez écrit une prétendu lettre ostensible qu’elle ne demandait assurément pas, et pourquoi vous avez consulté tant de gens sur la manière de faire une chose qu’il ne fallait pas faire du tout. Si jamais il arrivait que cette lettre compromît madame la marquise du châtelet avec l’abbé Desfontaines, il n’y a peut-être point d’extrémités où sa famille et elle ne se portassent. Encore une fois, et encore cent fois, il fallait écrire tout simplement comme à l’ordinaire, ne point faire attendre, mander si vous aviez envoyé ou non cette horreur (1) au prince, instruire tout Cirey par vous-même de ce qui se passait, de ce qu’il convenait de faire, prier votre ami de prendre votre défense, et contre trente personnes, qui disaient que vous le trahissiez, et contre l’abbé Desfontaines, qui vous traite comme un colporteur et comme un faquin ; vous joindre à nous avec le zèle le plus intrépide pour délivrer la société d’un monstre ; écrire lettre sur lettre, au lieu de vous en laisser écrire ; envoyer copie de votre lettre au prince, épargner tous les soupçons, et remplir tous les devoirs. Vos péchés sont grands ; que la pénitence le soit, et que je dise : « Remittuntur ei peccata multa, quoniam dilexit multum. » (Luc, VII, 47.)

 

 

1 – La Voltairomanie. (G.A.)

 

 

 

 

à M. Helvétius

Janvier.

 

 

          Mon cher ami, toutes lettres écrites, tous mémoires brochés, toute réflexion faite, voici à quoi je m’arrête : je vous prends pour avocat et pour juge.

 

          Thieriot avait oublié que l’abbé Desfontaines l’avait traité de colporteur et de faquin dans son Dictionnaire néologique ; il avait peut-être aussi oublié un peu les marques de mon amitié ; il avait surtout oublié que j’avais dix lettres de lui, par lesquelles il me mandait autrefois que Desfontaines est un monstre ; qu’à peine sauvé de Bicêtre par mon secours, il fit un libelle contre moi, intitulé Apologie ; qu’il le lui montra, etc. Thieriot ayant donc oublié tant de choses, et le vin de Champagne de La Popelinière lui ayant servi de fleuve Léthé, il se tenait coi et tranquille, faisait le petit important, le petit ministre avec madame du Châtelet, s’avisait d’écrire des lettres équivoques, ostensibles, qu’on ne lui demandait pas ; et, au lieu de venger son ami et soi-même, de soutenir la vérité, de publier par écrit que la Voltairomanie est un tissu de calomnies, enfin, au lieu de remplir les devoirs les plus sacrés, il buvait, se taisait, et ne m’écrivait point. Madame de Bernières, mon ancienne amie, outrée du libelle, m’écrit, il y a huit jours une lettre pleine de cette amitié vigoureuse dont votre cœur est si capable, une lettre où elle avoue hautement tout ce que j’ai fait, tout ce que j’ai payé entre ses mains par Thieriot même, tous les services que j’ai rendus à Desfontaines. La lettre est si forte, si terrible, que je la lui ai renvoyée, ne voulant pas la commettre ; j’en attends une plus modérée, plus simple, un petit mot qui ne servira qu’à détruire, par son témoignage, les calomnies du libelle, sans nommer et sans offenser personne.

 

          Que Thieriot en fasse autant ; qu’il ait seulement le courage d’écrire dix lignes par lesquelles il avoue que depuis vingt ans qu’il me connaît, il ne m’a connu qu’honnête homme et bienfaisant ; que tout ce qui est dans le libelle, et en particulier ce qui le regarde, est faux et calomnieux ; qu’il est très loin d’avoir pu désavouer ce que j’ai jamais avancé, etc.

 

          Voilà tout ce que je veux ; je vous prie de l’engager à envoyer cet écrit à peut près dans cette forme. Quand même cela ne servirait pas, au moins cela ne pourrait nuire ; et, en vérité, dans ces circonstances, Thieriot me doit dix lignes au moins : s’il veut faire mieux, à lui permis. C’est une chose honteuse que son silence. Vous devriez en parler fortement à M. de La Popelinière, qui a du pouvoir sur cette âme molle, et qui a quelque intérêt que la mollesse n’aille point jusqu’à l’ingratitude.

 

          De quoi Thieriot s’avise-t-il de négocier, de tergiverser, de parler du Préservatif ? Il n’est pas question de cela. Il est question de savoir si je suis un imposteur ou non ; si Thieriot m’a écrit ou non, en 1726, que l’abbé Desfontaines avait fait, pour récompense de mes bienfaits, un libelle contre moi ; si M. et madame de Bernières m’ont logé par charité ; si je ne leur ai pas payé ma pension et celle de Thieriot, etc. Voilà des faits ; il faut les avouer, ou l’on est indigne de vivre.

 

          Belle âme, je vous embrasse.

 

Gratior et pulchro veniens in corpore virtus. (Virg. Eneid, V.)

 

          Je suis à vous pour ma vie.

 

 

 

 

à M. le comte d’Argental

25 Janvier.

 

 

          Mon cher ami, je travaille le jour à Zulime, et le soir je revois mon procès avec l’honnête homme Desfontaines.

 

          Vous savez de quoi il est question à présent, vous avez vu ma lettre à M. Hérault (1). Il n’y a plus qu’un mot qui serve. M. de Meinières (2) peut-il vous dire tout net ce que j’ai à espérer de M. Hérault ? Un outrage pareil, toléré par la magistrature, est un affront éternel aux belles-lettres ; une réparation convenable ferait honneur au ministère.

 

         Suivant vos sages avis, je réforme tout le Mémoire, qui est d’une nécessité indispensable. Point de numéro de peur de ressembler au Préservatif ; plus de modération, encore plus d’ordre et de méthode ; c’est ce qu’il faut tâcher de faire. Puissé-je dire au public :

 

 

Et mæ facundia, si qua est,

Quæ, nunc pro Domino, pro vobis

Sæpe locuta est !

 

 

          J’y ajoute un extrait de la lettre d’un prince (3) destiné à gouverner une grande monarchie. Si cela pouvait faire quelque effet, à la bonne heure, sinon brûlez-le. Mais, après tout, point d’entreprise sans faveur, point de succès sans protection, et je crois qu’il faut avoir raison de ce scélérat. Je demande que M. Hérault fasse une petite réponse, ou la fasse faire en marge de mes questions.

 

          J’imagine qu’il serait bon que madame de Bernières m’écrivît un mot qui attestât, en général, l’horreur des calomnies du libelle. Je vous supplie d’en exiger autant de Thieriot. Sa conduite est insupportable ; il négocie avec Cirey ; il s’avise de faire le politique. Il doit savoir qu’en pareil cas la politique est un crime. Il a passé près d’un mois sans m’écrire ; enfin il a fait soupçonner qu’il me trahissait. S’il veut réparer tout cela par un écrit plein de tendresse et de force dans le Pour et Contre, à la bonne heure : mais qu’il ne s’avise pas de parler du Préservatif ; on ne lui demande pas son avis ; et s’il parle de moi, il faut qu’il en parle avec reconnaissance, attachement, estime, ou qu’il se taise, et surtout, qui ne commette point madame du Châtelet. Qu’il imprime ou non cette lettre dans le Pour et Contre, il est essentiel qu’il m’envoie un mot conçu à peu près en ces termes : « Le sieur T., ayant lu un libelle intitulé la Voltairomanie, dans lequel on avance qu’il désavoue M. de V., et dans lequel on trouve un tissu de calomnies atroces, est obligé de déclarer, sur son honneur, que tout ce qui y est avancé sur le compte de M. de V. et sur le sien est la plus punissable imposture ; qu’il a été témoin oculaire de tout le contraire, pendant vingt-cinq ans, et qu’il rend ce témoignage à l’estime, à l’amitié, et à la reconnaissance qu’il doit à … Fait à  ….. THIERIOT. »

 

          S’il refuse cela, indigne de vivre ; s’il le fait, je pardonne. Je vous prie de recommander à mon neveu (4) de faire un bon procès-verbal, si faire se peut. Cela peut servir et ne peut me nuire ; cela tient le crime en respect, prévient la riposte, finit tout.

 

          Ah ! ma tragédie, ma tragédie ! Quand te commencerai-je ?

 

          Pardon de tant de misères, mais il y va du bonheur de ma vie et d’une vie qui vous est dévouée. Mon ange, eripe me a fœce, je n’ai recours qu’à vous.

 

 

1 – On n’a pas cette lettre. (G.A.)

2 – Beau-frère de Hérault. (G.A.)

3 – Frédéric. (G.A.)

4 - Mignot

 

 

 

 

à M. le comte d’Argental

Ce (1), au matin…..

 

 

          J’ai oublié, mon cher ami, dans ma lettre du …. (2), de vous faire souvenir qu’étant à Paris en 1736, je vous montrai aussi bien qu’à plusieurs personnes, un écrit, où la lettre sur Bicêtre, la lettre de M. Pracontal sur la bataille de Spire, etc. se trouvaient ; l’abbé d’Olivet porta même cet écrit à Desfontaines, pour l’exciter à repentance. Cet écrit courut ; il a servi en dernier lieu à fabriquer le Préservatif. Souvenez-vous de cet écrit encore une fois ; car je vous citerai, vous et l’abbé d’Olivet, et tous ceux qui l’ont vu. Au nom de Dieu, ayez de la mémoire ! Vous avez oublié l’Apologie de V. Ce libelle à vous montré, ce libelle dont il s’est débité quelques exemplaires, ce libelle cité par Desfontaines même dans son Dictionnaire néologique, où vous êtes si joliment traité, enfin vous vous en êtes souvenu. Je demande à votre amitié de la mémoire et de la vivacité. J’ai Desfontaines en tête. Je ne quitterai pas Cirey pour lui ; mais je le punirai sans bouger. Si vous avez un cœur, remuez-vous. J’ai envoyé une espèce d’apologie à M. D’Argenson ; vous pouvez engager M. de Moncrif à vous la montrer. Il y a du littéraire ; mais j’ai voulu faire un ouvrage pour la postérité, non un simple factum. Soyez la dixième partie aussi vif pour moi que vous l’avez été pour mademoiselle Sallé, qui vous aimait dix fois moins que moi.

 

          Ne vous adressez qu’à Moncrif.

 

 

 

1 – Les éditeurs de cette lettre, E. Bayoux et A. François, l’ont datée du 27 Décembre 1738. Elle ne peut être que de Janvier. Mais quelle date lui donner ? Le 17 ? Le 27 ?

2 – Ou 16, ou 26, ou tout autre chiffre. (G.A.)

 

 

à M. l’abbé Moussinot (1)

Ce 28 Janvier 1739.

 

 

          Mon cher abbé, c’est ici qu’il faut servir votre ami.

 

          Mettons à quartier toute affaire, et ne songeons qu’à celle du libelle diffamatoire.

 

          1°/ D’abord, voici mon nouveau mémoire que je vous prie d’envoyer-sur-le-champ avec la lettre ci-jointe, à M. d’Argental.

 

          2°/ Non seulement je vous réitère la prière de parler fortement à madame de Bernières, mais je vous conjure de prendre force fiacres, de dire à Demoulin qu’il me serve selon les lettres qu’il a reçues, et de le bien encourager.

 

          3°/ Non seulement il doit agir de son côté avec la dernière vivacité, mais tout est perdu si vous n’agissez pas du vôtre, et si vous ne chargez pas quelqu’un de chercher le libelle, d’en déposer un exemplaire chez un commissaire, avec procès-verbal. Il faut charger un huissier intelligent de cette poursuite sans aucun retardement. (Le chevalier de Mouhi ne sait ce qu’il dit.)

 

          4°/ Non seulement encore Demoulin doit agir selon vos ordres, mais je vous prie très instamment de passer de grand matin chez l’avocat Pitaval, chez Andry le médecin, chez Procope le médecin. Ils sont outragés dans la Voltairomanie. Il faut que le chevalier de Mouhi les ameute, les presse avec vous de signer une requête à M. le chancelier, requête simple et en deux mots. Les soussignés NN. demandent humblement à monseigneur le chancelier, en leur nom et en celui de tous les honnêtes gens, justice d’un libelle diffamatoire intitulé, La Voltairomanie, dont l’auteur est trop connu, et qu’il a osé mettre sous le nom d’un avocat.

 

          Pareilles requêtes à M. de Maurepas, à M. d’Argenson, à M. Hérault, à M. le procureur général.

 

          Cela est de la dernière importance.

 

          Voyez si vous avez quelqu’un qui puisse se charger de faire toutes ces commissions au lieu de vous. Vous lui donnerez vos ordres, le paierez bien, et presserez le succès de ses démarches.

 

          On a des nouvelles du médecin Andry chez Chaubert le libraire et chez tous les libraires ;

 

          De Procope, au café de son père ;

 

          De Pitaval, chez le libraire Cavelier.

 

          Dès que M. d’Argental aura approuvé mon nouveau mémoire, il vous le renverra, et vous le donnerez au chevalier (2) pour le faire imprimer sur-le-champ ; il est meilleur que le premier, plus modéré, et peut-être plus touchant ; on pourrait même demander un privilège ; mais cela retarderait trop.

 

          Vous pourriez adroitement faire venir d’Arnaud dans ces circonstances, le loger et le nourrir quelque temps, et le faire servir non seulement à courir partout, mais à écrire. Cela doit partir de vous-même, et un mot de lettre à Vincennes fera tout.

 

          Je vous prie d’envoyer chercher un jeune étudiant du collège de Montaigu, nommé l’abbé Dupré, et de lui donner 6 livres.

 

          Je vous prie de m’envoyer les Observations sur les écrits modernes (3) depuis le nombre 225 inclusivement ; mais qu’on ne sache pas que c’est pour moi.

 

          Je reçois dans ce moment votre lettre ; il faut rembarrer le chevalier quand il parle d’imprimer à mon profit. Faites-lui sentir que c’est pour lui faire plaisir uniquement qu’on le charge d’un tel écrit, et qu’assez d’autres demandent la préférence.

 

          Il n’y a rien à craindre ; un tel mémoire peut s’imprimer tête levée.

 

          Dès que M. d’Argental vous l’aura renvoyé, vous en ferez faire cinq ou six copies par cinq ou six écrivains. Il faut qu’elles soient extrêmement correctes. Vous en enverrez à MM. de Maurepas, d’Argenson, Hérault, d’Aguesseau, avocat général.

 

          C’est dès qu’on aura fait le procès-verbal du dépôt du libelle chez le commissaire qu’il faut obtenir monitoire. Chargez de cela un huissier adroit ; n’épargnez point l’argent, cela m’est d’une conséquence extrême ; surtout retirer tout papier chez le chevalier, je vous en supplie.

 

          Non, sans doute, vous ne paraîtrez pas dans le procès criminel ; je ne demande qu’un huissier, un homme d’affaires intelligent, que vous aiguillonnerez.

 

          Je vous conjure de suivre cette affaire avec la dernière vivacité ; point de si, point de mais, rien n’est difficile à l’amitié.

 

          Vous pourriez très bien écrire une lettre à un ami en l’air, dans laquelle vous marqueriez votre indignation contre tous ces libelles, et vous rendriez gloire à la vérité en connaissance de cause, comme un témoin oculaire de ma conduite et de mes affaires depuis très longtemps. Je laisse à votre cœur le soin de la composer.

 

          Je vous embrasse. V.

 

 

 

1 –  Cette lettre d’affaires, d’un style si vif et si animé, a été singulièrement altérée dans toutes les éditions. (A.François.)

2 – De Mouhi. (G.A.)

3 – Par Desfontaines. (G.A.)

 

 

 

 

à M. Helvétius

A Cirey, ce 28 Janvier.

 

 

          Mon cher ami, tandis que vous faites tant d’honneur aux belles-lettres, il faut aussi que vous leur fassiez du bien ; permettez-moi de recommander à vos bontés un jeune homme d’une bonne famille, d’une grande espérance, très bien né, capable d’attachement et de la plus tendre reconnaissance, qui est plein d’ardeur pour la poésie et pour les sciences, et à qui il ne manque peut-être que de vous connaître pour être heureux. Il est fils d’un homme que des affaires, où d’autres s’enrichissent, ont ruiné ; il se nomme d’Arnaud […]

 

 

1739-3

 

 

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