CORRESPONDANCE avec le roi de Prusse - Année 1752 - Partie 79

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313 – DE VOLTAIRE

 

 

1752.

 

 

Sire, votre majesté m’a favorisé de quatre volumes du plus parfait galimatias qui soit jamais sorti d’une tête théologique. L’auteur doit descendre en droite ligne de saint Paul, et être proche parent du père Castel.

 

En qualité de théologien de Belzébuth, oserai-je interrompre vos travaux par un mot d’édification sur l’athéisme, que je mets à vos pieds (1) ? J’ai choisi ce petit morceau parmi les autres, comme un des plus orthodoxes.

 

Je ne fais que dire ce que votre majesté pense, et ce qu’elle dirait cent fois mieux. Si elle daignait me corriger, je croirais alors l’ouvrage digne d’elle. Je souhaite pouvoir le finir, en amuser votre majesté quelquefois, et mourir de la mort des justes avec votre bénédiction.

 

 

1 – Il s’agit toujours du Dictionnaire. Certains éditeurs se sont demandé si cette lettre et la précédente ne devaient pas être rejetées à l’année 1751. (G.A.)

 

 

 

 

 

314 – DU ROI

 

 

Octobre 1752.

 

 

Si je n’avais pas eu hier une terrible colique, accompagnée de violents maux de tête, je vous aurais remercié d’abord de la nouvelle édition de vos Œuvres(1) que j’ai reçue. J’ai parcouru légèrement les nouvelles pièces que vous y avez mises ; mais je n’ai pas été content de l’ordre des pièces, ni de la forme de l’édition. On dirait que ce sont les Antiques de Luther ; et quant aux matières, tout est pêle-mêle. Je crois, pour la commodité du public, qu’il vaudrait mieux augmenter le nombre des volumes, grossir les caractères, et mettre ensemble ce qui convient ensemble, et séparer ce qui n’a pas de connexion. Voilà mes remarques, que je vous communique ; car je suis très persuadé que nous n’en sommes pas à la dernière édition de vos Œuvres. Vous tuerez et vos éditeurs et vos lecteurs avec vos coliques et vos évanouissements ; et vous ferez, après notre mort, le panégyrique ou la satire de tous ceux avec lesquels vous vivez. Voilà ce que vous prophétise non pas Nostradamus, mais quelqu’un qui se connaît assez en maladies, et dont la profession est de se connaître en hommes. Je travaille dans mon trou à des choses moins brillantes et moins bien faites que celles qui vous occupent, mais qui m’amusent, et cela me suffit. J’espère d’apprendre dans peu que vous êtes guéri et de bonne humeur. Adieu.

 

 

1 – Edition de Dresde. (G.A.)

 

 

 

 

 

315 – DE VOLTAIRE.

 

 

1752.

 

 

Sire, vous avez perdu plus que vous ne pensez ; mais votre majesté ne pouvait deviner que dans un gros livre plein d’un fatras théologique, et où l’abbé de Prades est toujours misérablement obligé de soutenir ce qu’il ne croit pas, il se trouvât un morceau d’éloquence digne de Pascal, de Cicéron, et de vous (1).

 

Lisez, je vous en supplie, sire, seulement depuis 103 jusqu’à 105, à l’endroit marqué, et jugez si on a dit jamais rien de plus fort, et si le temps n’est pas venu de porter les derniers coups à la superstition. Ce morceau m’a paru d’abord être de d’Alembert ou de Diderot ; mais il est de l’abbé Yvon. Jugez si j’avais tort de vouloir travailler avec lui à l’encyclopédie de la raison.

 

Comparez ces deux pages avec la misérable phrase d’écolier de rhétorique par où commence le Tombeau de la Sorbonne (2) : « Un vaisseau de la Sorbonne, sans voiles et sans timon, donnant contre des écueils, et fracassé sans ressource. » Cela ressemble au fameux plaidoyer fait contre les p…. de Paris : « Elles allèrent dans la rue Brise-Miche chercher un abri contre les tempêtes élevées sur leurs têtes dans la rue Chapon. » Vous sentez combien il est ridicule d’appliquer à la Sorbonne ce que Cicéron disait des secousses de la république romaine.

 

Il y a des choses que je fais, il y a des choses sur lesquelles je donne conseil, d’autres où j’insère quelques pages, d’autres que je ne fais point. Mais ce qui m’appartient uniquement, c’est mon érysipèle, mon amour pour la vérité, mon admiration pour votre génie, et mon attachement à la personne de votre majesté.

 

 

1 – Il est question de l’Apologie de l’abbé de Prades, page 103, deuxième partie. Amsterdam, 1752. (G.A.)

 

2 – Cette phrase prouverait que Voltaire n’est point l’auteur du Tombeau de la Sorbonne, inséré dans les Mélanges littéraires, si un désaveu était une preuve, et s’il n’avait pas ainsi désavoué tous les ouvrages qui pouvaient le compromettre, et qui sont bien réellement de lui. (Note de l’édition en 42 vol. in-8°.)

 

 

 

 

 

316 – DE VOLTAIRE.

 

 

1752.

 

 

Sire, j’avais écrit ce matin une lettre à l’abbé de Prades pour être montrée à votre majesté ; depuis ce temps il a eu un exemplaire de l’édition de La Beaumelle (1), dont vous l’aviez chargé de vous rendre compte. Je lui ai redemandé aussitôt ma lettre, comptant alors prendre la liberté d’écrire moi-même à votre majesté. Mais, me trouvant très mal, et ne pouvant écrire une lettre de détails dans ce moment, je supplie votre majesté de permettre que je lui envoie la lettre ou plutôt le mémoire (2) de ce matin. Je la conjure de laisser périr un mauvais ouvrage qui tombera de lui-même, et d’avoir pitié de l’état affreux où elle m’a réduit.

 

 

1 – Il s’agit du Siècle de Louis XIV. Voyez notre note au commencement du Supplément. (G.A.)

 

2 – On n’a pas ce mémoire. (G.A.)

 

 

 

 

 

317 – DU ROI.

 

 

1752.

 

 

Votre effronterie m’étonne, après ce que vous venez de faire (1), et qui est clair comme le jour. Vous persistez au lieu de vous avouer coupable ; ne vous imaginez pas que vous ferez croire que le noir est blanc ; quand on ne voit pas, c’est qu’on ne veut pas tout voir ; mais si vous poussez l’affaire à bout, je ferai tout imprimer et l’on verra que si vos ouvrages méritent qu’on vous érige des statues votre conduite vous mériterait des chaînes.

 

          L’éditeur est interrogé, il a tout déclaré.

 

 

1 – Il s’agit de la Diatribe contre Maupertuis. Voyez aux FACÉTIES. Comme M. Beuchot, nous donnons ce billet du roi, et la réponse de Voltaire suivant les originaux qui sont à la Bibliothèque nationale. (G.A.)

 

 

 

 

318 – DE VOLTAIRE.

 

 

1752.

 

 

Ah mon Dieu sire dans l’état où je suis ! Je vous jure encor sur ma vie à laquelle je renonce sans peine que c’est une calomnie affreuse. Je vous conjure de faire confronter tous mes gens. Quoi ! vous me jugeriez sans entendre ! Je demande justice et la mort.

 

 

 

 

 

 

 

 

319 – DE VOLTAIRE. (1)

 

 

 

 

 

 

[Pressé par les larmes et les sollicitations de sa famille, il renonce aux bienfaits du roi. Il lui rappelle leur amitié et sa transplantation en Prusse ; il manifeste la douleur qu’il ressent de le quitter. Il avait fait de lui son idole, et un honnête homme ne change pas de religion. L’envoyé de France, qui entre chez lui, peut témoigner de sa sensibilité (2).] (G.A.)

 

 

 

 

1 – Un catholique éditeur de cette lettre, ne nous ayant pas autorisés à la reproduire, nous en donnons l’analyse. (G.A.)

 

2 – A la suite de cette lettre, il y eut comme un raccommodement qui ne vint pas. (G.A.)

 

 

 

ROI DE PRUSSE - 1752 - Partie 79

 

 

 

 

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