CORRESPONDANCE avec D'ALEMBERT - Partie 7
Photo de PAPAPOUSS
DE D’ALEMBERT.
Paris, 11 de Janvier 1758.
Je reçois presque en même temps vos deux dernières lettres, mon très cher et très illustre philosophe, et je me hâte d’y répondre. J’ai reçu, il y a quelques jours, une lettre du docteur Tronchin, qui m’écrit au nom de nos ministres pour me porter leurs plaintes : mais la manière dont ils se plaignent suffirait pour faire connaître la vérité de ce que j’ai dit, et l’embarras où ils sont. Ils prétendent que je les ai accusés de n’être pas chrétiens, et se taisent sur le reste. Ma réponse a été bien simple ; si M. Tronchin veut vous la communiquer, je me flatte que vous la trouverez raisonnable et mesurée. Je réponds donc à l’ambassadeur que je n’ai pas dit un mot, dans l’article GENÈVE, qui puisse faire croire que les ministres de Genève ne sont pas chrétiens, que j’ai dit au contraire qu’ils respectaient Jésus-Christ et les Ecritures ; ce qui suffit selon leurs propres principes pour être réputé chrétien ; du reste, comme M. Tronchin ne m’a dit mot ni sur le socinianisme, ni sur l’enfer, ni sur la divinité du Verbe, je ne lui réponds rien non plus sur tous ces objets, et je feins d’ignorer leurs cris. Comme je ne doute pas que ma réponse à M. Tronchin ne m’attire une seconde lettre, je ferai ce que vous me conseillez, et je leur répondrai que vous voulez bien vous charger de finir cette affaire. Je vous prie donc, en cas de nouvelles plaintes de leur part, de leur signifier 1° que je n’ai rien avancé dans l’article GENÈVE, que je n’aie recueilli de leurs conversations, et de l’opinion qui m’a paru générale à Genève sur la manière actuelle de penser du clergé ; 2° que ce n’est point par conséquent un secret que j’ai violé, puisque c’est une chose avouée de tout le monde, et que d’ailleurs ce n’est point tête à tête, mais en présence de témoins, que j’ai eu des conversations avec eux ; 3° que, bien loin d’avoir eu dessein de les offenser par ce que j’ai dit, j’ai cru au contraire leur faire honneur, persuadés comme je suis que, de toutes les sociétés séparées de l’Eglise romaine, les sociniens sont les plus conséquents, et que, quand on ne reconnaîtra, comme font les protestants, ni tradition ni autorité de l’Eglise, la religion chrétienne doit se réduire à l’adoration d’un seul Dieu, par la médiation de Jésus-Christ.
On m’assure que ces messieurs vont envoyer une députation à la cour de France pour m’obliger de me rétracter. Je ne sais si la cour leur fera l’honneur de les écouter, ni ce qu’elle exigera de moi ; mais je sais bien que je ne répondrai jamais autre chose que ce que vous venez de lire. Savez-vous, pour comble de sottise, que cet article GENÈVE a pensé être dénoncé au parlement, à ce parlement plus intolérant et plus ridicule encore que le clergé qu’il persécute ? On prétend que je loue les ministres de Genève d’une manière injurieuse à l’Eglise catholique. Ce qui doit pourtant me rassurer, c’est que j’ai trouvé d’honnêtes prêtres de paroisse qui regardent ce même article comme fort avantageux à l’Eglise romaine, parce que j’y prouve, disent-ils, par les faits, ce que Bossuet a démontré par le raisonnement que le protestantisme mène au socinianisme. Tout cela n’est-il pas bien plaisant ?
On ne peut s’empêcher d’en pleurer et d’en rire (1).
J’ai reçu vos deux articles HABILE et HAUTEUR avec leurs dérivés ; je vous en remercie de tout mon cœur, et je vous enverrai au premier jour, sous enveloppe, l’article HISTOIRE ; mais vous pouvez ne vous pas presser sur le reste. J’ignore si l’Encyclopédie sera continuée : ce qu’il y a de certain, c’est qu’elle ne le sera pas par moi. Je viens de signifier à M. de Malesherbes et aux libraires qu’ils pouvaient me chercher un successeur. Je suis excédé des avanies et des vexations de toute espèce que cet ouvrage nous attire. Les satires odieuses et même infâmes qu’on publie contre nous, et qui sont non seulement tolérées, mais protégées, autorisées, applaudies, commandées même par ceux qui ont l’autorité en main ; les sermons, ou plutôt les tocsins qu’on sonne à Versailles contre nous en présence du roi, nemine reclamante ; l’inquisition nouvelle et intolérable qu’on veut exercer contre l’Encyclopédie, en nous donnant de nouveaux censeurs plus absurdes et plus intraitables qu’on n’en pourrait trouver à Goa ; toutes ces raisons, jointes à plusieurs autres, m’obligent de renoncer pour jamais à ce maudit travail.
Rien n’est plus vrai ni plus juste que ce que vous me mandez sur l’Encyclopédie. Il est certain que plusieurs de nos travailleurs y ont mis bien des choses inutiles, et quelquefois de la déclamation ; mais il est encore plus certain que je n’ai pas été le maître que cela fût autrement. Je me flatte qu’on ne jugera pas de même de ce que plusieurs de nos auteurs et moi avons fourni pour cet ouvrage, qui vraisemblablement demeurera à la postérité comme un monument de ce que nous avons voulu et de ce que nous n’avons pu faire.
Oui, vraiment, votre disciple (2) a repris Breslau avec une armée tout entière qui était dedans, et des magasins de toute espèce : on dit même aujourd’hui que Schweidnitz s’est rendu le 30 (3). Ainsi voilà les Autrichiens hors de Silésie, et sans armée. J’ai bien peur que nous autres Français nous ne soyons aussi bientôt sans armée et sur le Rhin. Que je suis fâché que le plus grand prince de notre siècle ait contristé celui qui était si digne d’écrire son histoire. Pour moi, comme Français et comme philosophe, je ne puis m’affliger de ses succès. Nos Parisiens ont aujourd’hui la tête tournée du roi de Prusse. Il y a cinq mois qu’ils le traînaient dans la boue : et voilà les gens dont on ambitionne le suffrage ! Je n’ai point de nouvelles de notre hérétique de Prades ; mais j’ai peine à croire comme vous qu’il ait trahi son bienfaiteur. Voilà un long bavardage, mon cher philosophe ; mais je cesse de vous ennuyer en vous embrassant de tout mon cœur.
1 – Regnard, Folies amoureuses. (G.A.)
2 – Frédéric II. (G.A.)
3 – Cette ville ne fut prise que le 16 Mars. (G.A.)
DE VOLTAIRE.
A Lausanne, 19 de Janvier 1758.
Je reçois, mon cher philosophe, votre lettre du 11. Je vous dirai que je viens de lire votre article GÉOMETRIE. Quoique je sois un peu rouillé sur ces matières, j’ai eu un plaisir très vif, et j’ai admiré les vues fines et profondes que vous répandez partout.
Je vous ai envoyé HÉMISTICHEet HEUREUX, que vous m’avez demandés. HÉMISTICHEn’est pas une commission bien brillante. Cependant, en ornant un peu la matière, j’en aurai peut-être fait un article utile pour les gens de lettres et pour les amateurs. Rien n’est à dédaigner, et je ferai le mot VIRGULEquand vous le voudrez. Je vous répète que je mettrai toujours avec grand plaisir des grains de sable à votre pyramide ; mais ne l’abandonnez donc pas, ne faites donc pas ce que vos ridicules ennemis voulaient ; ne leur donnez donc pas cet impertinent triomphe.
Il y a quarante ans et plus que je fais le malheureux métier d’homme de lettres, et il y a quarante ans que je suis accablé d’ennemis.
Je ferais une bibliothèque des injures qu’on a vomies contre moi, et des calomnies qu’on a prodiguées. J’étais seul, sans aucun partisan, sans aucun appui, et livré aux bêtes comme un premier chrétien. C’est ainsi que j’ai passé ma vie à Paris. Vous n’êtes pas assurément dans cette situation cruelle et avilissante, qui a été l’unique récompense de mes travaux. Vous êtes des deux Académies (1), pensionné du roi. Ce grand ouvrage de l’Encyclopédie, auquel la nation doit s’intéresser, vous est commun avec une douzaine d’hommes supérieurs qui doivent s’unir à vous. Que ne vous adressez-vous en corps à M. de Malesherbes ? que ne prescrivez-vous les conditions ? On a besoin de votre ouvrage ; il est devenu nécessaire, il faudra bien qu’on vous facilite les moyens de le continuer avec honneur et sans dégoût. La gloire de M. de Malesherbes y est intéressée. On doit vous supplier d’achever un ouvrage qui doit toujours se perfectionner, et qui devient meilleur à mesure qu’il avance.
Je ne conçois pas comment tous ceux qui travaillent ne s’assemblent pas, et ne déclarent pas qu’ils renonceront à tout, si on ne les soutient ; mais, après la promesse d’être soutenus, il faut qu’ils travaillent. Faites un corps, messieurs ; un corps est toujours respectable. Je sais bien que ni Cicéron ni Locke n’ont été obligés de soumettre leurs ouvrages aux commis de la douane des pensées ; je sais qu’il est honteux qu’une société d’esprits supérieurs, qui travaillent pour le bien du genre humain, soit assujettie à des censeurs indignes de vous lire ; mais ne pouvez-vous pas choisir quelques réviseurs raisonnables ? M. de Malesherbes ne peut-il pas vous aider dans ce choix ? Ameutez-vous, et vous serez les maîtres. Je vous parle en républicain ; mais aussi il s’agit de la république des lettres. Oh ! la pauvre république !
Venons à l’article GENÈVE. Un ministre me mande qu’on vous doit des remerciements : je crois vous l’avoir déjà dit : d’autres se fâchent, d’autres font semblant de se fâcher, quelques-uns excitent le peuple, quelques autres veulent exciter les magistrats. Le théologien Vernet (2), qui a imprimé que la révélation est utile, est à la tête de la commission établie pour voir ce qu’on doit faire ; le grand médecin Tronchin est secrétaire de cette commission, et vous savez combien il est prudent. Vous n’ignorez pas combien on a crié sur l’âme atroce de Calvin, mot qui n’était pas dans ma lettre à Thieriot, imprimée dans le Mercure galant (3), et très fautivement imprimée. J’ai une maison dans le voisinage qui me coûte plus de cent mille francs aujourd’hui : on n’a point démoli ma maison. Je me suis contenté de dire à mes amis que l’âme atroce avait été en effet dans Calvin, et n’était point dans ma lettre. Les magistrats et les prêtres sont venus dîner chez moi comme à l’ordinaire. Continuez à me laisser avec Tronchin le soin de la plaisante affaire des sociniens de Genève ; vous les reconnaissez pour chrétiens, comme M. Chicaneau (4) reconnaît madame de Pimbèche pour femme très sensée et de bon jugement. Il suffit. Je suis seulement très fâché que deux ou trois lignes vous empêchent de revenir chez nous. Je vous embrasse tendrement.
P.S. Permettez-moi seulement les politesses avec ces sociniens honteux ; ce n’est pas le tout de se moquer d’eux, il faut encore être poli. Moquez-vous de tout et soyez gai.
1 – Académie française et Académie des sciences. (G.A.)
2 – Voyez la lettre du 29 Décembre 1757. (G.A.)
3 – C’est par plaisanterie que Voltaire appelle ainsi le Mercure de France. Quant au mot atroce, il est bien dans la lettre à Thieriot, du 26 Mars 1757. (G.A.)
4 – Dans les Plaideurs. (G.A.)
DE D’ALEMBERT.
A Paris, 20 de janvier 1758.
C’est à tort, mon cher et illustre philosophe, que vous vous plaignez de mon silence ; vous avez dû recevoir il y a plusieurs jours une longue lettre de moi, dont le bavardage vous aura sans doute ennuyé. Je vous y faisais part de mes dispositions par rapport à l’article GENÈVE de n’être pas chrétiens, ma réponse sera bien simple : elle se bornera à leur représenter, comme j’ai fait dans ma réponse, que je n’ai pas dit un mot de ce dont ils m’accusent ; mais s’ils portent leurs plaintes plus loin, s’ils disent que j’ai trahi leur secret (1), et que je les ai représentés comme sociniens, je leur répondrai, et je répondrai à toute la terre, s’il le faut, que j’ai dit la vérité, et une vérité notoire et publique, et que j’ai cru, en la disant, faire honneur à leur logique et à leur judiciaire. Voilà tout ce qu’ils auront de moi ; et soyez sûr, quelque chose qu’ils fassent, qu’homme, dieu, ange, ni diable, ne m’en feront pas dire davantage.
A l’égard de l’Encyclopédie, quand vous me pressez de la reprendre, vous ignorez la position où nous sommes, et le déchaînement de l’autorité contre nous. Des brochures et des libelles ne sont rien en eux-mêmes, mais les libelles protégés, autorisés, commandés même par ceux qui ont l’autorité en main, sont quelque chose, surtout quand ces libelles vomissent contre nous les personnalités les plus odieuses et les plus infâmes. Observez d’ailleurs que si nous avons dit jusqu’à présent dans l’Encyclopédie quelques vérités hardies et utiles, c’est que nous avons eu affaire à des censeurs raisonnables, et que les docteurs n’ont censuré que la théologie, qui est faite pour être absurde, et qui cependant l’est moins encore dans l’Encyclopédie qu’elle ne pourrait l’être. Mais qu’on établisse aujourd’hui ces mêmes docteurs pour réviseurs généraux de tout l’ouvrage, et qu’on nous donne par ces moyens des entraves intolérables, c’est à quoi je ne me soumettrai jamais. Il vaut mieux que l’Encyclopédie n’existe pas, que d’être un répertoire de capucinades. Je ne sais quel parti Diderot prendra ; je doute qu’il continue sans moi ; mais je sais que, s’il continue, il se prépare des tracasseries et du chagrin pour dix ans. En un mot, il faut qu’on dise de nous :
Non siibi, sed patriæ scripserunt ;
Nec plus scripserunt quàm illa voluit.
C’est une parodie de l’épitaphe du maréchal de Catinat, où il y a vicit au lieu de scripserunt.
Adieu, mon cher et illustre philosophe ; je vous embrasse de tout mon cœur. Voilà votre Alcibiade qui revient plus couvert de gale que de gloire (2), et votre disciple (3) qui traite le Mecklenbourg comme il a fait la Sace. On dit que l’armée autrichienne est détruite par l’affaire du 5 et la prise de Breslau.
P.S. Les libraires n’ont plus d’exemplaire de mes Mélanges (4) : il faut que je les réimprime. Je tâcherai, en attendant, de vous les trouver ; mon exemplaire est trop raturé pour que je vous l’envoie.
1 – On accusait d’Alembert d’avoir révélé ce qu’on lui avait dit à l’oreille, dans l’intimité. (G.A.)
2 – Le duc de Richelieu revenait de piller le Hanovre. (G.A.)
3 – Le roi de Prusse. (G.A.)
4 – Mélanges de littérature, d’histoire et de philosophie. (G.A.)
DE D’ALEMBERT.
Paris, 28 de janvier 1758.
Je suis infiniment flatté, mon très cher et illustre philosophe, du suffrage que vous accordez à l’article GÉOMÉTRIE. J’en ai fait beaucoup d’autres pour ce septième volume, dont je désirerais fort que vous fussiez content, et où j’ai tâché de mettre de l’instruction sans verbiage, tels que FORCE, FONDAMENTAL, GRAVITATION, GRAVITÉ, FORME SUBSTANTIELLE, FORTUIT, FORNICATION, FORMULAIRE, FUTUR CONTINGENT, FRÈRES DE LA CHARITÉ, FORTUNE, etc. Vous trouverez aussi à la fin de l’article GOÛT des réflexions sur l’application de l’esprit philosophique aux matières de goût, où j’ai tâché de mettre de la vérité sans déclamation ; car je déteste la déclamation, à votre exemple : mais vous avez bien mieux à faire que de lire tout cela. Envoyez-nous de quoi nous faire lire, et ne nous lisez point.
Oui, sans doute, mon cher maître, l’Encyclopédie est devenue un ouvrage nécessaire, et se perfectionne à mesure qu’elle avance ; mais il est devenu impossible de l’achever dans le maudit pays où nous sommes. Les brochures, les libelles, tout cela n’est rien ; mais croiriez-vous que tel de ces libelles a été imprimé par des ordres supérieurs, dont M. de Malesherbes n’a pu empêcher l’exécution ? Croiriez-vous qu’une satire atroce contre nous, qui se trouve dans une feuille périodique qu’on appelle les Affiches de province (1), a été envoyée de Versailles à l’auteur avec ordre de l’imprimer ; et qu’après avoir résisté autant qu’il a pu, jusqu’à s’exposer à perdre son gagne-pain, il a enfin imprimé cette satire en l’adoucissant de son mieux ? Ce qui en reste, après cet adoucissement, fait par la discrétion du préteur, c’est que nous formons une secte qui a juré la ruine de toute société, de tout gouvernement, et de toute morale. Cela est gaillard ; mais vous sentez, mon cher philosophe, que si on imprime aujourd’hui de pareilles choses par ordre exprès de ceux qui ont l’autorité en main, ce n’est pas pour en rester là ; cela s’appelle amasser les fagots au septième volume, pour nous jeter dans le feu au huitième. Nous n’avons plus de censeurs raisonnables à espérer, tels que nous en avions eu jusqu’à présent ; M. de Malesherbes a reçu là-dessus les ordres les plus précis, et en a donné de pareils aux censeurs qu’il a nommés. D’ailleurs, quand nous obtiendrions qu’ils fussent changés, nous n’y gagnerions rien, nous conserverions alors le ton que nous avons pris, et l’orage recommencerait au huitième volume. Il faudrait donc quitter de nouveau, et cette comédie-là n’est pas bonne à jouer tous les six mois. Si vous connaissiez d’ailleurs M. de Malesherbes, si vous saviez combien il a peu de nerf et de consistance, vous seriez convaincu que nous ne pourrions compter sur rien avec lui, même après les promesses les plus positives. Mon avis est donc, et je persiste qu’il faut laisser là l’Encyclopédie, et attendre un temps plus favorable (qui ne reviendra peut-être jamais) pour la continuer. S’il était possible qu’elle s’imprimât dans le pays étranger, en continuant, comme de raison, à se faire à Paris, je reprendrais demain mon travail ; mais le gouvernement n’y consentira jamais, et quand il le voudrait bien, est-il possible que cet ouvrage s’imprime à cent ou deux cents lieues des auteurs ?
Par toutes ces raisons je persiste en ma thèse (2).
Parlons un peu de Genève et de vos ministres. Je n’ai garde, monsieur le plénipotentiaire de l’Encyclopédie, de vous interdire les politesses avec ces sociniens honteux ; mais surtout ne passez pas les politesses et vos pouvoirs ; point de rétractation ni directe ni indirecte. Dites-leur bien de ma part que je n’ai point violé leur secret, que je n’ai rien dit qui ne soit connu de toute l’Europe, et sur quoi ils se justifieraient vainement ; qu’enfin j’ai cru leur faire beaucoup d’honneur en les représentant comme les prêtres du monde qui ont le plus de logique. Proposez-leur à signer cette petite profession de foi de deux lignes : « Je soussigné crois, comme article de foi, que les peines de l’enfer sont éternelles, et que Jésus-Christ est Dieu, égal en tout à son père. » Vous verrez les pharisiens aux prises avec les saducéens, et nous aurons les rieurs pour nous.
La commission établie pour savoir ce qu’il faut faire ressemble au grand conseil qui se tint à Dresde le lendemain du jour que Charles XII y passa (3) ; et je crois qu’elle aura la même issue.
Je reviens à l’Encyclopédie ; je doute fort que votre article HISTOIRE puisse passer avec les nouveaux censeurs, et je vous renverrai cet article quand vous voudrez, pour y faire les changements que vous avez en vue. Mais rien ne presse ; je doute que le huitième volume se fasse jamais. Voyez donc la foule d’articles qu’il est impossible de faire : HÉRÉSIE, HIÉRARCHIE, INDULGENCE, INFAILLIBILITÉ, IMMORTALITÉ, IMMATÉRIEL, HÉBREUX, HOBBISME, JÉSUS-CHRIST, JÉSUITES, INQUISITION, JANSÉNISTES, INTOLÉRANCE, etc., et tant d’autres. Encore une fois, il faut nous en tenir là. A vos moments perdus jetez les yeux, je vous prie, sur FIGURE DE LA TERRE, au sixième volume.
1 – Feuille rédigée par Meusnier de Querlon. (G.A.)
2 – La Fontaine, Coupe enchantée, conte. (G.A.)
3 – Voyez l’Histoire de Charles XII, livre III. (G.A.)