CORRESPONDANCE avec D'ALEMBERT - Avertissement des éditeurs de Kehl
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CORRESPONDANCE
AVEC
D’ALEMBERT
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AVERTISSEMENT DES ÉDITEURS DE KEHL.
Cette correspondance entre deux philosophes illustres, liés pendant trente années par une amitié sans nuages, n’est pas un monument moins précieux que celle de Voltaire avec Frédéric et Catherine II. On y verra quelle suite de travaux et quel zèle ils ont réunis en faveur du progrès des lumières, leurs efforts toujours constants et souvent heureux : combien peu ils étaient occupés de leur amour-propre, de leur gloire littéraire, qui disparaissaient à leurs yeux devant les grands intérêts à la défense desquels ils s’étaient consacrés.
L’histoire des lettres ne nous a point offert encore d’exemple si honorable pour elles. Racine et Despréaux furent amis ; mais quelle différence entre leurs lettres et celles que nous publions aujourd’hui ! Il n’est question dans les lettres des deux poètes que de leur amour-propre, de querelles d’auteurs ; ils y paraissent au-dessous d’eux-mêmes ; la petitesse des objets qui les occupent fait disparaitre leur génie.
On doit sans doute attribuer en partie cette différence à celle des siècles. Sous le règne de Louis XIV on osait à peine penser, même dans le secret d’un commerce intime ; le joug de l’autorité pesait sur les esprits ; les vrais intérêts des hommes étaient étrangers à la plupart de ceux qui cultivaient les lettres ; les querelles littéraires, la dispute des anciens et des modernes, occupaient les esprits des académiciens plus que les dragonnades et l’émigration des protestants.
On voit dans ces lettres comment Voltaire et d’Alembert allaient au même but par des moyens divers : l’un montrant plus de hardiesse, parce que sa retraite et son âge faisaient sa sûreté : l’autre se découvrant moins, mais non moins utile par l’ascendant que sa réputation lui donnait sur l’esprit des gens du monde et des jeunes littérateurs.
On trouvera peut-être dans ce recueil des jugements sévères sur quelques ouvrages oubliés aujourd’hui, et sur quelques personnes qui étaient alors en crédit ; mais des éditeurs n’étant garants ni des opinions ni des jugements de l’auteur qu’ils impriment, nous n’avons d’autre tâche à remplir que de donner ces œuvres telles qu’elles ont été composées.