CORRESPONDANCE - Année 1751 - Partie 15

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à M. le comte Algarotti.

A Potsdam, 24 Settembre 1751.

 

 

          Non posso immaginare, caro moi conte, quali siano i comenti fatti in Roma intorno alla dannazione del nostro re più che eretico. Se io l’avessi posto in purgatorio, ben converrebbe alla corte romana di concedergli alcune indulgenze ; ma, giacchè l’ ho dannato affatto senza misericordia, non veggo cio che i moderni romani abbiano a fare collé emulatore degli antichi. Vi ringrazio della vostra savia e leggiadra risposta a questo indefesso scittore, a questo valente cardinal Querini ; egli mi ha farovito d’una lettera, e d’alcune nuove stampe, dove la sua modestia è vigorosamente combattuta. Non gli ho ancora risposto, ma lo faro coll’ ajuto di Dio, e di voi, moi angelo di Padova e di Berlino,

 

 

Si, Mimnermus ulti censet, sine amore jocisque

Nil est jucundum, vivas in amore jocisque.

 

HOR., lib. I, ep. VI.

 

 

ma non vi scordate del vostro ammiratore ed amico.

 

 

 

 

 

à M. le baron de Marschall.

A Potsdam, ce 3 Octobre 1751. (1)

 

 

          Je vous fais mon compliment, monsieur, d’avoir ôté votre correspondance à un homme qui en était indigne. Il y a un nommé du Molard, associé à l’Académie qui a l’honneur de vous posséder : voyez si vous voulez essayer de lui ; il est savant, il est au fait de la littérature de Paris, il se connaît en livres mieux que personne et est très capable de fournir votre bibliothèque avec goût et à peu de frais. Si vous voulez me faire savoir les conditions que vous lui prescrivez, j’espère que vous en serez content.

 

          Je vous souhaite dans votre nouvel établissement tout le bonheur que vous méritez. Je vous supplie de compter sur mon tendre et sincère attachement.

 

 

1 – Editeurs, de Cayrol et A. François. (G.A.)

 

 

 

     

à M. Formey

A Berlin, chez madame Bork, ce mardi.

 

 

          Les embarras du déplacement, monsieur, et encore plus les nouvelles atteintes de ma maladie, m’ont empêché de vous répondre plus tôt.

 

          Parmi les vérités contingentes, vous pouvez ajouter foi à l’anecdote de mademoiselle de Lenclos (1).

 

          Il est très vrai qu’elle m’a mis sur son testament pour m’engager à faire des vers. Je n’ai que trop exécuté sa dernière volonté.

 

          Vous voulez l’Eloge historique de madame du Châtelet (2), femme qui faisait assurément plus d’honneur à son siècle que Ninon de Lenclos. Pardonnez-moi mon incrédulité sur les monades et l’harmonie préétablie. Hélas ! qu’y a-t-il de vrai, sinon que deux fois huit font seize ! Si vous voulez faire imprimer cet Eloge, à la bonne heure ; je vous prierai seulement de m’en donner un exemplaire, que j’enverrai au libraire de Paris qui imprime la traduction de Newton (3). Sinon ayez la bonté de me rendre le manuscrit, parce que le libraire en a besoin pour s’y conformer. Vale.

 

 

1 – Voyez la Lettre sur mademoiselle de Lenclos. (G.A.)

 

2 – Voyez, cet Eloge. (G.A.)

 

3 – Par madame du Châtelet. (G.A.)

 

 

 

 

 

à M. le comte d’Argental

16 Octobre 1751.

 

 

          Mon cher ami, je vous suis bien obligé de vos petites notes (1). Je ne puis concevoir comment le mot de dernière fille a pu échapper, puisque je dis précisément le contraire page 49, tome II. Je crois que vous n’avez pas cette page 49. Je vous supplie d’ôter seulement ce mot de dernière, en attendant que je mette un carton. Figurez-vous qu’on imprime à huit lieues de moi, et qu’il se glisse bien des fautes. M. de Caumartin (j’entends le vieux conseiller d’Etat) m’assura que le roi avait assisté deux fois au conseil des parties. C’est une anecdote qu’il faudrait approfondir, et dont vous êtes à portée de vous instruire.

 

          Croyez-vous qu’il faille absolument ôter de ce char le duc de Bretagne ? J’en suis fâché ; cela était touchant ; cependant il faudra bien s’y résoudre. Je n’écrirai point, cet ordinaire, à ma nièce ; j’ai un peu de fièvre, et je n’écris qu’avec peine. Je vous prie de lui dire qu’elle ne montre qu’à peu de personnes les feuilles imprimées que je lui ai envoyées, mais que surtout elle raie ce mot de dernière.

 

          Je suis persuadé qu’elle réussira dans la conspiration de Rome comme dans celle de la Mecque. Tout le monde dit que Dubois est devenu un grand acteur ; voilà une bonne aubaine pour notre Rome, que je recommande toujours à vos soins paternels.

 

          Je vous supplierai d’examiner un peu scrupuleusement le premier tome de Louis XIV, que vous aurez probablement bientôt. Je mettrai ici tant de cartons qu’on voudra. Vous savez que je ne plains pas ma peine, et que j’aime à me corriger.

 

          Adieu, mon cher ange ; dites bien à madame Denis combien elle est adorable. J’ai été tenté de partir sur la jument Borac de Mahomet pour venir l’embrasser ; mais je n’ai pas assez de santé pour voyager à présent. Je suis tout malingre,

 

 

.   .   .   .   .   .   . et dulces moriens reminiscitur Argos.

 

Virg. ; Æn., lib. X.

 

 

          Adieu ; mes respects aux anges ; vous êtes mon Argos.

 

 

1 – Sur le Siècle de Louis XIV. (G.A.)

 

 

 

 

 

à Madame Denis.

Potsdam, le 29 Octobre 1951.

 

 

          Vous êtes de mon avis ; cela me faire croire que j’ai raison ; sans cela je n’en croirais rien. Nous nous sommes entendus de bien loin. Je me conseillais tout ce que vous me conseillez ; mais vraiment, je dois plus que jamais admirer votre savoir-faire ; vous triomphez des cabales, et même des dévots ; vous faites jouer la religion mahométane. Il n’appartenait assurément qu’aux musulmans de se plaindre ; car j’ai fait Mahomet un peu plus méchant qu’il n’était ; aussi milord Maréchal me mande t-il que sa jeune Turque, qu’il a menée à Mahomet, a été très scandalisée. Elle prétend que je lui avais dit beaucoup de bien de son prophète, à Berlin. Cela peut-être ; il faut être poli. Comment ne pas louer Mahomet devant les femmes, qui sont notre récompense dans son paradis.

 

          Je me flatte que vous donnerez bien de garde de passer sitôt de la Mecque à Rome. Laissons dormir quelque temps Cicéron, et prions Dieu qu’il n’endorme point son monde.

 

          Ma chère plénipotentiaire, j’ai bien peur que mes lettres ne passent pas longtemps par milord Tyrconell. Il s’est avisé de se rompre un gros vaisseau dans la poitrine. C’est la plus large et la plus forte poitrine du monde ; mais l’ennemi est dans la place, et il y a tout à craindre.

 

          Je rêve toujours à l’Ecorce d’orange (1) ; je tâche de n’en rien croire ; mais j’ai peur d’être comme les cocus, qui s’efforcent à penser que leurs femmes sont très fidèles. Les pauvres gens sentent au fond de leur cœur quelque chose qui les avertit de leur désastre.

 

          Ce dont je suis très sûr, c’est que mon gracieux maître m’a honoré d’un bon coup de dent, dans les mémoires qu’il a faits de son règne, depuis 1740. Il y a, dans ses poésies, quelques épigrammes contre l’empereur et contre le roi de Pologne. A la bonne heure ; qu’un roi fasse des épigrammes contre les rois, cela peut même aller jusqu’aux ministres ; mais il ne devrait pas grêler sur le persil.

 

          Figurez-vous que sa majesté, dans ses goguettes, a affublé son secrétaire Darget d’un bon nombre de traits dont le secrétaire est très scandalisé. Il lui fait jouer un plaisant rôle dans son poème du Palladion, et le poème est imprimé. Il y en a, à la vérité, peu d’exemplaires.

 

          Que voulez-vous que je vous dise ? Il faut se consoler, s’il est vrai que les grands aiment les petits, dont ils se moquent ; mais aussi, s’ils s’en moquent et ne les aiment point, que faire ? se moquer d’eux à son tour tout doucement, et les quitter de même. Il me faudra un peu de temps pour retirer les fonds que j’avais fait venir dans ce pays-ci. Ce temps sera consacré à la patience et au travail ; le reste de ma vie doit vous l’être.

 

          Je suis très aise du retour de frère Isaac d’Argens. Il a d’abord été un peu ébouriffé, mais il s’est remis au ton de l’orchestre. Je l’ai rapatrié avec Algarotti. Nous vivons comme frères ; ils viennent dans ma chambre, dont je ne sors guère ; de là nous allons souper chez le roi, et quelquefois assez gaiement. Celui qui tombait du haut d’un clocher, et qui, se trouvant fort mollement dans l’air, disait : Bon, pourvu que cela dure, me ressemblait assez.

 

          Bonsoir, ma très chère plénipotentiaire ; j’ai grande envie de tomber à Paris, dans ma maison.

 

 

1 – Voyez la lettre à la même du 2 Septembre. (G.A.)

 

 

 

 

 

à M. Formey.

 

 

          Voici, monsieur, l’Eloge (1) d’un grand homme qui portait des jupes. Si madame du Châtelet vivait encore, je ne serais pas ici.

 

          Je me flatte que nous nous porterons mieux l’un et l’autre ; je trouverai dans votre société de nouvelles consolations, comme de nouvelles lumières. Pardonnez-moi les blasphèmes que vous trouverez sur la métaphysique. Vous êtes tolérant ; souffrez les libertés de l’Eglise gallicane. Vale.

 

 

1 – L’ Éloge de madame du Châtelet. (G.A.)

 

 

 

 

 

à M. le maréchal duc de Richelieu.

A Potsdam, le 13 Novembre 1751.

 

 

          Ce La Mettrie, cet homme-machine, ce jeune médecin, cette vigoureuse santé, cette folle imagination, tout cela vient de mourir (1) pour avoir mangé, par vanité, tout un pâté de faisan aux truffes. Voilà, mon héros, une de nos farces achevée. La Mettrie est mort précisément de la même maladie dont le roi (2) réchappa si heureusement en 1744. Il laisse à Berlin une maîtresse éplorée, qui malheureusement n’est pas jolie, et à Paris  des enfants qui meurent de faim. Il a prié milord Tyrconnell, par son testament, de le faire enterrer dans son jardin.

 

          Vous avez peut-être reçu, monseigneur, une grande ennuyeuse lettre (3), de moi, où j’avais l’honneur de vous parler de ce pauvre diable. Je vous importunais, encore d’une certaine terre d’Assai qui est dans votre censive, et pour laquelle il y a un procès que vous pourriez, dit-on, avoir la bonté de terminer un jour par un doux accord. Ma nièce veut qu’on vende cette terre. Hélas ! très volontiers. Vous êtes mon seigneur suzerain, et vous ferez de moi tout ce que vous voudrez. Elle prétend aussi que vous ne voulez pas qu’Aurélie soit traitée en petite fille, et que Catilina et Céthégus la renvoient faire de la tapisserie, au premier acte. Vous la voulez plus nécessaire, plus résolue, plus respectée dans la maison. Je suis entièrement de votre avis. Les trois premiers actes sont absolument changés et envoyés. Je ne veux pas en avoir le démenti. Ce petit triomphe, si c’en est un, sera amusant. Nous vous fournirons d’autres batelages pour votre année.

 

          En attendant, je vous prie, à vos heures perdues, de parcourir ce que ma nièce doit avoir l’honneur de vous confier du Siècle de Louis XIV. J’aurais bien voulu en raisonner avec vous à Richelieu ; mais on ne peut pas être partout. Il y a plus d’un ciel dans ce monde. Celui de Potsdam me plaît toujours beaucoup, sans me faire oublier le vôtre. La société est douce et délicieuse. Ma machine va fort mal, mais mon âme va bien, elle est tranquille ; et cette âme est toute à vous. Je serais bien fâché qu’elle quittât mon corps sans vous avoir fait sa cour. De près ou de loi, sain ou malade, philosophe ou faible, je vous suis bien tendrement dévoué jusqu’au dernier moment de ma drôle de vie.

 

          Adieu, monseigneur ; daignez m’aimez toujours un peu, et vous souvenir un peu de votre ancien serviteur, dans le chien de tourbillon où vous êtes. Jouissez, digérez tout le plus longtemps qu’il est possible, et goûtez ce songe de la vie.

 

 

1 – Le 11 Novembre. (G.A.)

 

2 – Voyez le Précis du Siècle de Louis XV, chap. XII. (G.A.)

 

3 – On n’a pas cette lettre. (G.A.)

 

 

 

 

 

 

CORRESPONDANCE - 1751 - Partie 15

 

 

 

 

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