CORRESPONDANCE - Année 1745 - Partie 9

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Photo de PAPAPOUSS

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

à M. le marquis d’Argenson

Le 17 Août 1745.

 

 

         J’ai envie de ne point jouir du bénéfice d’historiographe sans le desservir ; voici une belle occasion. Les deux campagnes du roi méritent d’être chantées, mais encore plus d’être écrites. Il y a d’ailleurs en Hollande tant de mauvais Français qui inondent l’Allemagne d’écrits scandaleux, qui déguisent les faits avec tant d’impudence, qui, par leurs satires continuelles, aigrissent tellement les esprits, qu’il est nécessaire d’opposer à tous ces mensonges la vérité représentée avec cette simplicité et cette force qui triomphent tôt ou tard de l’imposture. Mon idée ne serait pas que vous demandassiez pour moi la permission d’écrire les campagnes du roi ; peut-être sa modestie en serait alarmée, et d’ailleurs je présume que cette permission est attachée à mon brevet ; mais j’imagine que si vous disiez au roi que les impostures qu’on débite en Hollande doivent être réfutées, que je travaille à écrire ses campagnes (1), et qu’en cela je remplis mon devoir, que mon ouvrage sera achevé sous vos yeux et sous votre protection ; enfin, si vous lui représentez ce que j’ai l’honneur de vous dire, avec la persuasion que je vous connais, le roi m’en saura quelque gré, et je me procurerai une occupation qui me plaira, et qui vous amusera. Je remets  le tout à votre bonté. Mes fêtes (2) pour le roi sont faites ; il ne tient qu’à vous d’employer mon loisir.

 

         Je n’entends point parler de la Russie. Oserai-je vous supplier de vouloir bien me recommander à M. d’Alion (3) ? Vous me protégez au midi, daignez me protéger au nord ; et puisse la paix habiter les quatre points cardinaux du monde, et le milieu !

 

         Madame du Châtelet vous fait mille compliments.

 

 

1 – Voyez, l’Avertissement du Précis du Siècle de Louis XV. (G.A.)

 

2 – Toujours le Temple de la Gloire. (G.A.)

 

3 – Ambassadeur en Russie. (G.A.)

 

 

 

 

 

au Cardinal QUERINI

 

ÉVÊQUE DE BRESCIA, BIBLIOTHÉCAIRE DU VATICAN.

Parigi, 17 agosto.

 

 

         La perfetta conoscenza che vostra eminenza a di tutte le scienze, la protezione che compartisce alle scienze sono i motivi che danno l’animo d’importunare vostra eminenza, benchè il suo gusto e la sua capacità siano per tormelo. Porgo dunque ai piedi di vostra eminenza un piccolo tributo del moi rispetto, e della stima, nella quale è tenuta a Parigi, come in Italia. Ho sempre detto che i Francesi e gli altri popoli, sono obbligati all’ Italia di tutte le arti e scienze. Tutti i fiori adornarono i vostri giardini più di un secolo avanti che il nostro terreno fosse dissodato e colto. Ecco i miei titoli per ambire d’essere sotto la sua protezione. Le porgo l’omggio d’una piccola opera (1), la quale il re cristianissimo ha fatto stampare nel suo palazzo.

 

         Ho celebrato vittorie, e tutti i miei voti sono per la pace ; un tal sentimento non dispiacerà a un savio che, fra tanti furori e disagi del mondo, compatisce ai vinti, ed ancora ai vincitori.

 

         Si compiaccia d’accogliere benignamente le rispettosissime attestazioni del moi ossequio ; le bacio la sacra propora, e sono con ogni maggiore rispetto, etc.

 

 

1 –Le Poème de Fontenoy. (G.A.)

 

 

 

 

 

à M. le marquis d’Argenson

A Etiolles, le 19 Août 1745.

 

 

         Je ne crains pas, monseigneur, malgré votre belle modestie, que vous me brouilliez avec madame de Pompadour, pour tout le mal que je lui dis de vous ; car, après tout, il faut être indulgent pour les petits emportements où le cœur entraîne d’anciens serviteurs.

 

         J’ai écrit à nostro signore le saint-père, pour le remercier de ses portraits, et je me flatte bientôt d’un petit bref. Si je dois au cardinal Aquaviva deux médailles, je vous dois les deux autres, et cependant je sens que je suis plus reconnaissant pour vous que pour l’Aquaviva.

 

         J’ai envoyé des Fontenoy au roi d’Espagne (1), à madame sa très honorée et très belligérante épouse, au sérénissime prince des Asturies, au sérénissime infant cardinal, le tout adressé à M. l’évêque de Rennes (2), à qui j’ai dit que je prenait cette liberté grande, parce que vous daignez m’aimer un peu depuis quarante-deux ou quarante-trois ans. Pardon de l’époque, mais ne me démentez pas sur le fond.

 

         Il serait fort doux que je dusse encore à votre protection quelques petites marques des bontés de leurs majestés catholiques. Je mets les princes à contribution, comme l’Arétin, mais c’est avec des éloges ; cette façon-là est plus décente.

 

         En vérité, je vous aurais bien de l’obligation si vous vouliez bien, dans votre première lettre à M. de Rennes, lui toucher adroitement quelque petit mot des services qu’il peut me rendre. Les médailles papales, l’impression du Louvre, et quelque marque de magnificence espagnole, seront une belle réponse aux Desfontaines.

 

         Mais il faut que je vous parle de la Lettre à un archevêque de Cantorbéry, écrite par un mauvais prêtre nommé Lenglet (3). Vous savez qu’il y dit tout net que M. Chauvelin reçut cent mille guinées des Anglais, pour le traité de Séville. Cent mille guinées ! L’abbé Lenglet ne sait pas que cela fait plus de deux millions cinq cent mille livres. Si cela n’était que ridicule, passe ; mais une calomnie atroce fait toujours plus de bien que de mal au calomnié. M. de Chauvelin a une grande famille. On trouve affreux qu’on ait imprimé une injure si indécente. Les indifférents disent qu’il n’est pas permis d’attaquer ainsi des ministres, que l’exemple est dangereux, et l’on se plaint du lieutenant de police. Celui-ci dit que c’est l’affaire de Gros de Boze (4), et Gros de Boze dit que c’est la vôtre ; que vous avez jugé la pièce imprimable, et moi je dis que non ; qu’on vous a envoyé l’ouvrage comme étant fait en pays étranger, et que vous avez répondu simplement que l’auteur prenait le parti de la France contre la maison d’Autriche ; que vous n’aviez répondu que sur cet article, et que d’ailleurs vous êtes loin d’approuver une pièce mal écrite, mal conçue, pleine de sottises et de calculs faux. Fais-je bien, fais-je mal ? Prescrivez-moi ce qu’il faut dire et taire.

 

         Je vous suis attaché pour ma vie, avec la tendresse la plus respectueuse et la plus ardente.

 

         Nous gagnons donc la Flandre pour ravoir un jour le Canada. En attendant, les castors seront chers ; j’ai envie de proposer les bonnets. Trouvez donc sous votre bonnet quelque façon de nous donner la paix. Le beau moment pour vous !

 

 

1 – Philippe V, marié à Elisabeth Farnèse. (G.A.)

 

2 – De Vauréal, ambassadeur à Madrid. (G.A.)

 

3 – Lettre d’un pair de la Grande-Bretagne sur les affaires présentes de l’Europe (par Lenglet Dufresnoy). Voltaire, dans sa lettre à d’Aigueberre du 3 Avril 1743, parle autrement de ce savant abbé. (G.A.)

 

4 – Inspecteur de la librairie. (G.A.)

 

 

 

 

 

à Monsignor G. Cerati,

 

A FIRENZE O A PISA.

Parigi, 20 agosto..

 

 

         Signore illustrissimo, e padrone colendissimo e reverendissimo.

 

         Quando si è goduto l’onore della vostra consersazione, non sene perde più la memoria. Mi do il vanto d’essere uno di quelli che hanno risentito questo onore colla più parziale stima et coi sensi del più tenero rispetto. Mi lusingo che ella si compiacerà di ricevere colla sua solita benignità l’omaggio che le porgo d’un libretto, che il re cristianissimo ha fatto stampare nel suo palazzo. Benchè ella sia sotto il dominio d’un principe (1) che non è ancora nostro amico, nondimeno tutti i letterati, tutti gli amatori della virtù sono del medesimo paese.

 

         E veramente l’Italia è mia patria, giacchè gli Italiani, ma particolarmente i Fiorentini ammaestrarono le altre nazioni in ogni genere di virtù e scienza. La loro stima sarà sempre il più glorioso premio di tutti i miei lavori. Stimolato da un tanto motivo, la supplico di pigliarsi il fastidio d’inviare un exemplare del moi libretto a monsignor Rinuccini (2), ed un altro al signor Cocchi, la stima di cui ho sempre ambito, ed a cui restero sempre obbligato. Prego Iddio che i vostri occhi siano intieramente risanati, e cosi buoni come sono quelli dell’ anima vostra. Le bacio di cuore le mani ; e sono con ogni maggiore ossequio, etc… VOLTAIRE.

 

 

1 – Le grand-duc de Toscane, couronné empereur en septembre.

 

2 – Secrétaire d’Etat de Florence. (G.A.)

 

 

 

 

 

à M. le président Hénault

Août.

 

 

         Vous devez avoir reçu, monsieur, les prémices de l’édition du Louvre (1), telles que vous les voulez, simples et sans reliure ; voilà comme il vous les faut pour Plombières ; mais le roi en a fait relier un exemplaire pour votre bibliothèque de Paris, que je compte bien avoir l’honneur de vous présenter, à votre retour.

 

         Je vous ai fait une infidélité, en fait de livres. Je parlais, il y a quelques jours, à madame de Pompadour, de votre charmant, de votre immortel Abrégé de l’Histoire de France ; elle a plus lu à son âge qu’aucune vieille dame du pays où elle va régner, et où il est bien à désirer qu’elle règne. Elle avait lu presque tous les bons livres, hors le vôtre ; elle craignait d’être obligée de l’apprendre par cœur. Je lui dis qu’elle en retiendrait bien des choses sans efforts, et surtout les caractères des rois, des ministres, et des siècles ; qu’un coup d’œil lui rappellerait tout ce qu’elle sait de notre histoire, et lui apprendrait ce qu’elle ne sait point ; elle m’ordonna de lui apporter, à mon premier voyage, ce livre aussi aimable que son auteur. Je ne marche jamais sans cet ouvrage. Je fis semblant d’envoyer à Paris, et, après souper, on lui apporte votre livre en beau maroquin, et à la première page était écrit :

 

 

Le voici ce livre vanté ;

Les Grâces daignèrent l’écrire

Sous les yeux de la Vérité,

Et c’est aux Grâces de le lire.

 

 

Etc., etc., etc. Il y en a davantage, mais je ne m’en souviens pas ; je ne me souviens que de vos vers aimables où Corneille déshabille Psyché. Nous ne déshabillons personne dans notre fête. Cahusac (2) pourrait bien n’être point joué, mais on donnera un magnifique ouvrage composé par M. Bonneval (3), des Menus, et mis en musique par Colin (4). Vous savez que le sylphe (5) réussit ; Cela fait, ce me semble, un très joli spectacle ; venez donc le voir. Peut-on prendre toujours des eaux ? Revenez dans ces belles demeures, où je ne souperai plus, mais où je vous ferai ma cour, si vous et moi sommes assez sages pour dîner.

 

         Tortone est pris (6), le château non ; mais tout le Canada est perdu pour nous ; plus de morues, plus de castors. La paix, la paix ! Je suis las de chanter les horreurs de la destruction. Oh ! que les hommes sont fous, et que vous êtes charmant ? Savez-vous que je vous idolâtre ?

 

 

1 – Du Poème de Fontenoy. (G.A.)

 

2 – Auteur des Fêtes de Polymnie. (G.A.)

 

3 – Jupiter vainqueur des Titans. (G.A.)

 

4 – Colin de Blamont. (G.A.)

 

5 – Zélindor, de Moncrif. (G.A.)

 

6 – Le 14 Août. Le château se rendit le 3 Septembre. (G.A.)

 

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