COMMENTAIRE SUR LE LIVRE DES DELITS ET DES PEINES - Idée de quelque réforme
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COMMENTAIRE
SUR LE LIVRE DES DÉLITS ET DES PEINES.
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XXIII. – IDÉE DE QUELQUE RÉFORME.
La magistrature est si respectable, que le seul pays de la terre où elle est vénale fait des vœux pour être délivré de cet usage (1). On souhaite que le jurisconsulte puisse parvenir par son mérite à rendre la justice qu’il a défendue par ses veilles, par sa voix, et par ses écrits. Peut-être alors on verrait naître, par d’heureux travaux, une jurisprudence régulière et uniforme.
Jugera-t-on toujours différemment la même cause en province et dans la capitale ? Faut-il que le même homme ait raison en Bretagne, et tort en Languedoc ? Que dis-je ? il y a autant de jurisprudences que de villes, et dans le même parlement la maxime d’une chambre n’est pas celle de la chambre voisine (2).
Quelle prodigieuse contrariété entre les lois du même royaume ! A Paris, un homme qui a été domicilié dans la ville un an et un jour est réputé bourgeois. En Franche-Comté, un homme libre qui a demeuré un an et un jour dans une maison mainmortable devient esclave (3) ; ses collatéraux n’hériteraient pas de ce qu’il aurait acquis ailleurs, et ses propres enfants sont réduits à la mendicité, s’ils ont passé un an loin de la maison où le père est mort. La province est nommée franche, mais quelle franchise !
Quand on veut poser des limites entre l’autorité civile et les usages ecclésiastiques, quelles disputes interminables ? où sont ces limites ? Qui conciliera les éternelles contradictions du fisc et de la jurisprudence ? Enfin, pourquoi dans certains pays les arrêts ne sont-ils jamais motivés ? Y a-t-il quelque honte à rendre raison de son jugement ? Pourquoi ceux qui jugent au nom du souverain ne présentent-ils pas au souverain leurs arrêts de mort avant qu’on les exécute ?
De quelque côté qu’on jette les yeux, on trouve la contrariété, la dureté, l’incertitude, l’arbitraire. Nous cherchons dans ce siècle à tout perfectionner ; cherchons donc à perfectionner les lois dont nos vies et nos fortunes dépendent.
1 – On voit que ce fut par principes si quelques années plus tard Voltaire contribua à la réforme parlementaire de Maupeou qui supprimait la vénalité des charges. (G.A.)
2 – Voyez sur cela le président Bouhier.
3 – Voyez les Ecrits pour les serfs du Mont-Jura. (G.A.)
F.I.N.