Facéties contre les Pompignan : les POUR, les QUE, les QUI, les QUOI, les OUI, les NON, les FRERON

Publié le par loveVoltaire




LES POUR.

 

 

  1760 

 

 

 

Pour vivre en paix joyeusement,

Croyez-moi, n’offensez personne :

C’est un petit avis qu’on donne

Au sieur Le Franc de Pompignan (1)

 

Pour plaire il faut que l’agrément

Tous vos préceptes assaisonne :

Le sieur Le Franc de Pompignan

Pense-t-il donc être en Sorbonne ?

 

Pour instruire il faut qu’on raisonne,

Sans déclamer insolemment ;

Sans quoi plus d’un sifflet fredonne

Aux oreilles d’un Pompignan.

 

Pour prix d’un discours impudent,

Digne des bords de la Garonne,

Paris offre cette couronne

Au sieur Le Franc de Pompignan.

 

 

                                                                           Dédié par le sieur A…

 

 

 

 

LES QUE.

 

 

Que Paul Le Franc de Pompignan

Ait fait en pleine Académie

Un discours fort impertinent,

Et qu’elle en soit tout endormie ;

 

Qu’il ait bu jusques à la lie

Le calice un peu dégoûtant

De vingt censures qu’on publie,

Et dont je suis assez content ;

 

Que, pour comble de châtiment,

Quand le public le mortifie,

Un Fréron le béatifie,

Ce qui redouble son tourment ;

 

Qu’ailleurs un noir petit pédant (2)

Insulte à la philosophie,

Et qu’il serve de truchement

A Chaumeix qui se crucifie ;

 

Que l’orgueil et l’hypocrisie

Contre ces gens de jugement

Etalent une frénésie

Que l’on siffle unanimement ;

 

Que parmi nous à tout moment

Cinquante espèces de folie

Se succèdent rapidement,

Et qu’aucune ne soit jolie ;

 

Qu’un jésuite avec courtoisie

S’intrigue partout sourdement,

Et reproche un peu d’hérésie

Aux gens tenant le parlement ;

 

Qu’un janséniste ouvertement

Fronde la cour avec furie :

Je conclus très patiemment

Qu’il faut que le sage s’en rie.

 

 

                                                                      Prononcé par le sieur F…

 

 

 

 

LES QUI.

 

 

Qui pilla jadis Métastase,

Et qui crut imiter Maron ?

Qui, bouffi d’ostentation,

Sur ses écrits est en extase ?

 

Qui si longuement paraphrase

David en dépit d’Apollon,

Prétendant passer pour un vase

Qu’on appelle d’élection ?

 

Qui, parlant à sa nation,

Et l’insultant avec emphase,

Pense être au haut de l’Hélicon

Lorsqu’il barbote dans la vase ?

 

Qui dans plus d’une périphrase

A ses maîtres fait la leçon ?

Entre nous, je crois que son nom

Commence en V, finit en aze.

 

 

                                                                       Offert par Ramponeau.

 

 

 

 

LES QUOI.

 

 

Quoi ! C’est le Franc de Pompignan,

Auteur de chansons judaïques,

Barbouilleur du Vieux Testament,

Qui fait des discours satiriques ?

 

Quoi ! Dans des odes hébraïques,

Qu’il translata si tristement,

A-t-il pris ces propos caustiques

Qu’il débite si lourdement ?

 

Quoi ! Verrait-on patiemment

Tant de pauvretés emphatiques ?

L’ennui, dans nos temps véridiques,

Ne se pardonne nullement.

 

Quoi ! Pompignan dans ses répliques

M’ennuiera comme ci-devant ?

Nous le poursuivrons très gaiement

Pour ses fatras mélancoliques.

 

 

                                                                      Présenté par Arnoud...

 

 

 

 

LES OUI.

 

 

Oui, ce Le Franc de Pompignan

Est un terrible personnage ;

Oui, ses Psaumes sont un ouvrage

Qui nous fait bâiller longuement.

 

Oui, de province un président

Plein d’orgueil et de verbiage

Nous paraît un pauvre pédant,

Malgré son riche mariage.

 

Oui, tout riche qu’il est, je gage

Qu’au fond de l’âme il se repent.

Son mémoire est impertinent ;

Il est bien fier, mais il enrage.

 

Oui, tout Paris, qui l’envisage

Comme un seigneur de Montauban,

Le chansonne, et rit au visage

De ce Le Franc de Pompignan.

 

 

                                                 Essayé par Matthieu Ballot.

 

 

 

 

LES NON.

 

 

Non, cher Le Franc de Pompignan,

Quoi que je dise et que je fasse,

Je ne peux obtenir ta grâce

De ton lecteur peu patient.

 

Non, quand on a maussadement

Insulté le public en face,

On ne saurait impunément

Montrer la sienne avec audace.

 

Non, quand tu quitteras la place,

Pour retourner à Montauban,

Les sifflets partout sur ta trace

Te suivront sans ménagement.

 

Non, si le ridicule passe,

Il ne passe que faiblement.

Ces couplets seront la préface

Des ouvrages de Pompignan.

 

 

                                                           Répondu par Jacques Agare.

 





 

LES FRERON…. (3)

 

 

D’où vient que ce nom de Fréron

Est l’emblème du ridicule ?

Si quelque maître Aliboron,

Sans esprit comme sans scrupule,

Brave les mœurs et la raison ;

Si de Zoïle et de Chausson (4)

Il se montre le digne émule,

Les enfants disent : « C’est Fréron. »

 

Sitôt qu’un libelle imbécile

Croqué par quelque polisson

Court dans les cafés de la ville,

« Fi ! dit-on, quel ennui ! Quel style !

C’est du Fréron, c’est du Fréron. »

 

Si quelque pédant fanfaron

Vient étaler son ignorance,

S’il prend Gillot pour Cicéron,

S’il vous ment avec impudence,

On lui dit : « Taisez-vous, Fréron. »

 

L’autre jour, un gros ex-jésuite,

Dans le grenier d’une maison,

Rencontra fille très instruite

Avec un beau petit garçon.

Le bouc s’empara du giton.

On le découvre, il prend la fuite.

Tout le quartier, à sa poursuite,

Criait : « Fréron, Fréron, Fréron. »

 

Lorsqu’au drame de monsieur Hume (5)

On bafouait certain fripon,

Le parterre, dont la coutume

Est d’avoir le nez assez bon,

Se disait tout haut : « Je présume

Qu’on a voulu peindre Fréron. »

 

Cependant, fier de son renom,

Certain maroufle se rengorge ;

Dans son antre à loisir il forge

Des traits pour l’indignation.

Sur le papier il vous dégorge

De ses lettres le froid poison,

Sans songer qu’on serre la gorge

Aux gens du métier de Fréron.

 

Pour notre petit embryon,

Délateur de profession (6),

Qui du mensonge est la trompette,

Déjà sa réputation

Dans le monde nous semble faite :

C’est le perroquet de Fréron.

 

 

 

[on trouvera le rondeau En riant, dans une lettre à d’Alembert, du 8 octobre 1760] (G.A.) – A venir.

 

 

 

 

 

1 – Voyez, pour les six pièces suivantes, les Facéties contre les Pompignan. (G.A.)

 

2 – Omer Joly de Fleury, avocat-général. (G.A.)

 

3 – Ces vers parurent, comme les six pièces précédentes, dans le Recueil des facéties parisiennes. (G.A.)

 

4 – Voyez, sur ce personnage, une des notes du chant 1er  de la Guerre civile de Genève, poème. (G.A.)

 

5 – Voyez, tome III, l’Ecossaise. (G.A.)

 

6 – Omer Joly de Fleury (G.A.)

 

 

 

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