EPITRE : à Emilie sur la calomnie

Publié le par loveVoltaire



Ecoutez-moi, respectable Emilie

Vous êtes belle ; ainsi donc la moitié

Du genre humain sera votre ennemie

Vous possédez un sublime génie ;

On vous craindra : votre tendre amitié

Est confiante, et vous serez trahie.

Votre vertu, dans sa démarche unie,

Simple et sans fard, n’a point sacrifié

A nos dévots ; craignez la calomnie.

Attendez-vous, s’il vous plaît, dans la vie,

Aux traits malins que tout fat à la cour,

Par passe-temps, souffre et rend tour à tour.

La Médisance est la fille immortelle

De l’Amour-propre et de l’Oisiveté.

Ce monstre ailé paraît mâle et femelle,

Toujours parlant, et toujours écouté.

Amusement et fléau de ce monde,

Elle y préside, et sa vertu féconde

Du plus stupide échauffe les propos ;

Rebut du sage, elle est l’esprit des sots.

En ricanant, cette maigre furie

Va de sa langue épandre les venins

Sur tous états ; mais trois sortes d’humains,

Plus que le reste, aliments de l’envie,

Sont exposés à sa dent de harpie :

Les beaux esprits, les belles, et les grands,

Sont de ses traits les objets différents.

Quiconque en France avec éclat attire

L’œil du public, est sûr de la satire ;

Un bon couplet, chez ce peuple falot,

De tout mérite est l’infaillible lot.

[…]

 

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