LETTRES DE MEMMIUS A CICÉRON - Partie 15
Photo de PAPAPOUSS
LETTRES DE MEMMIUS A CICÉRON.
(Partie 15)
XII. Réponse à ceux qui objecteraient qu'on fait Dieu étendu, matériel, et qu'on l'incorpore avec la nature. - Quelques platoniciens me reprochent que j'ôte à Dieu sa simplicité, que je le suppose étendu, que je ne le distingue pas assez de la nature, que je suis plutôt les dogmes de Straton que ceux des autres philosophes.
Mon cher Cicéron, ni eux, ni vous, ni moi ne savons ce que c'est que Dieu. Bornons-nous à savoir qu'il en existe un ; il nest donné à l'homme de connaître ni de quoi les astres sont formés, ni comment est fait le maître des astres.
Que Dieu soit appelé être simple, j'y consens de tout mon cœur ; simple ou étendu, je l'adorerai également ; mais je ne comprends pas ce que c'est qu'un être simple. Quelques rêveurs, pour me le faire entendre, disent qu'un point géométrique est un être simple ; mais un point géométrique est une supposition, une abstraction de l'esprit, une chimère. Dieu ne peut être un point géométrique ; je vois en lui, avec Platon, l'éternel géomètre.
Pourquoi Dieu ne serait-il pas étendu, lui qui est dans toute la nature ? En quoi l'étendue répugne-t-elle à son essence ?
Si le grand Être intelligent et nécessaire opère sur l'étendue, comment agit-il où il n'est pas ? Et s'il est en tous les lieux où il agit, comment n'est-il pas étendu ?
Un être dont je pourrais nier l'existence dans chaque particule du monde, l'une après l'autre, n'existerait nulle part.
Un être simple est incompréhensible : c'est un mot vide de sens, qui ne rend Dieu ni plus respectable, ni plus aimable, ni plus puissant, ni plus raisonnable. C'est plutôt le nier que le définir.
On pourra me répondre que notre âme est un exemple et une preuve de la simplicité du grand Être ; que nous ne voyons ni ne sentons notre âme, qu'elle n'a point de parties, qu'elle est simple, que cependant elle existe en un lieu, et qu'elle peut ainsi rendre raison du grand Être simple. C'est ce que nous allons examiner ; mais avant de me plonger dans ce vide, je vous réitère qu'en quelque endroit qu'on pose l'Être suprême, le mît-on en tout lieu sans qu'il remplit de place, le reléguât-on hors de tout lieu sans qu'il cessât d'être, rassemblât-on en lui toutes les contradictions des écoles, je l'adorerai tant que je vivrai, sans croire aucune école, et sans porter mon vol dans des régions où nul mortel ne peut atteindre.