LETTRES DE MEMMIUS A CICÉRON - Partie 16

Publié le par loveVoltaire

LETTRES DE MEMMIUS A CICÉRON - Partie 16

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LETTRES DE MEMMIUS A CICÉRON.

 

 

 

 

 

(Partie 16)

 

 

 

 

 

XIII. Si la nature de l'âme peut nous faire connaître la nature de Dieu. - J'ai conclu déjà que puisque une intelligence préside à mon faible corps, une intelligence supprême préside au grand tout. Où me conduira ce premier pas de tortue ? Pourrai-je jamais savoir ce qui sent et ce qui pense en moi ? Est-ce un être invisible, intangible, incorporel, qui est dans mon corps ? Nul homme n'a encore osé le dire. Platon lui-même n'a pas eu cette hardiesse. Un être incorporel qui meut un corps ? un être intangible qui touche tous mes organes dans lesquels est la sensation ! un être simple, et qui augmente avec l'âge ! un être incorruptible, et qui dépérit par degrés! quelles contradictions ! quel chaos d'idées incompréhensibles : quoi ! je ne puis rien connaître que par mes sens, et j'admettrai dans moi un être entièrement opposé à mes sens ! Tous les animaux ont du sentiment comme moi, tous ont des idées que leur sens leur fournissent : auront-ils tous une âme comme moi Nouveau sujet, nouvelle raison, d'être non-seulement dans l'incertitude sur la nature de l'âme, mais dans l'étonnement continuel et dans l'ignorance.

 

      Ce que je puis encore moins comprendre, c'est la dédaigneuse et sotte indifférence dans laquelle croupissent presque tous les hommes, sur l'objet qui les interesse le plus, sur la cause de leurs pensées, surtout leur être. Je ne crois pas qu'il y ait dans Rome deux cents personnes qui s'en soient réellement occupées. Presque tous les Romains disent : Que m'importe ! Et après avoir ainsi parlé, ils vont compter leur argent, courent aux spectacles ou chez leurs maîtresses. C'est la vie des désoccupés. Pour celle des faciteux, elle est horrible. Aucun de ces gens-là ne s'embarrasse de son âme. Pour le petit nombre qui peut y penser, sil est de bonne foi, il avouera qu'il n'est satisfait d'aucun système.

 

 

      Je suis près de me mettre en colère, quand je vois Lucrèce affirmer que la partie de l'âme qu'on appelle esprit, intelligence, animus, loge au milieu de la poitrine et que l'autre partie de l'âme qui fait la sensation est répandue dans le reste du corps ; de tous les autres systèmes aucun ne m'éclaire.

 

 

      Autant de sectes, autant d'imaginations, autant de chimères. Dans ce conflit de suppositions, sur quoi poser le pied pour monter vers Dieu ? Puis-je m'élever de cette âme que je ne connais point, à la contemplation de l'essence suprême que je voudrais connaître ? Ma nature, que j'ignore, ne me prête aucun instrument pour sonder la nature du principe universel, entre lequel et moi est un si vaste et si profond abîme.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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