LETTRES DE MEMMIUS A CICÉRON - Partie 5

Publié le par loveVoltaire

LETTRES DE MEMMIUS A CICÉRON - Partie 5

Photo de Khalah

 

 

 

 

 

LETTRES DE MEMMIUS A CICÉRON.

 

 

 

 

 

(Partie 5)

 

 

________

 

 

 

(Ici suit le traité de Memmius.)

 

 

 

 

      I. - Qu'il n'y a qu'un Dieu, contre Epicure, Lucrèce, et autres philosophes. - Je ne dois admettre que ce qui m'est prouvé ; et il m'est prouvé qu'il y a dans la nature une puissance intelligente (1).

 

      Cette puissance intelligente est-elle séparée du grand tout ? y est-elle unie ? y est-elle identifiée, en est-elle le principe ? y a-t-il plusieurs puissances intelligentes pareilles ?

 

      J'ai été effrayé de ces questions que je me suis faites à moi-même. C'est un poids immense que je ne puis porter ; pourrai-je au moins le soulever ?

 

      Les arbres, les plantes, tout ce qui jouit de la vie, et surtout l'homme, la terre, la mer, le soleil et tous les astres, m'ayant appris qu'il est une intelligence active, c'est-à-dire un Dieu, je leur ai demandé à tous ce que c'est que Dieu, où il habite, s'il a des associés. J'ai contemplé le divin ouvrage, et je n'ai point vu l'ouvrir ; j'ai interrogé la nature, elle est demeurée muette.

 

      Mais, sans me dire son secret, elle s'est montrée, et c'est comme si elle m'avait parlé ; je crois l'entendre. Elle me dit : Mon soleil fait éclore et mûrir mes fruits sur ce petit globe, qu'il éclaire et qu'il échauffe ainsi que les autres globes. L'astre de la nuit donne sa lumière réfléchie à la terre, qui lui envoie la sienne ; tout est lié, tout est assujetti à des lois qui jamais ne se démentent : donc tout a été combiné par une seule intelligence.

 

      Ceux qui en supposeraient plusieurs doivent absolument les supposer ou contraires, ou d'accord ensemble ; ou différentes, ou semblables. Si elles sont différentes et contraires, elles n'ont pu faire rien d'uniforme ; si elles sont semblables, c'est comme s'il n'y en avait qu'une. Tous les philosophes conviennent qu'il ne faut pas multiplier les êtres sans nécessité : ils conviennent donc tous malgré eux qu'il n'y a qu'un Dieu.

 

      La nature a continué, et m'a dit : Tu me demandes où est ce Dieu ? il ne peut être que dans moi, car s'il n'est pas dans la nature, où serait-il dans les espaces imaginaires ? il ne peut être une substance à part ; il m'anime, il est ma vie. Ta sensation est dans tout ton corps, Dieu est dans tout le mien. A cette voix de la nature, j'ai conclu qu'il m'est impossible de nier l'existence de ce Dieu, et impossible de le connaître.

 

Ce qui pense en moi, ce que j'appelle mon âme, ne se voit pas : comment pourrais-je voir ce qui est l'âme de l'univers entier ?

 

 

 

 

 

 

1 - Il l'a prouvé dans sa troisième lettre. (Voltaire.)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Commenter cet article