LETTRES DE MEMMIUS A CICÉRON - Partie 3
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LETTRES DE MEMMIUS A CICÉRON.
(Partie 3)
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LETTRE II.
Vous avez raison, grand homme ; Lucrèce est admirable dans ses exordes, dans ses descriptions dans sa morale, dans tout ce qu'il dit contre la superstition. Ce beau vers :
Tamtun religio potuit suadere malorum !
Lib. 102.
dura autant que le monde. S'il n'était pas un physicien aussi ridicule que les autres, il serait un homme divin. Ses tableaux de la superstition m'affectèrent surtout bien vivement dans mon dernier voyage d'Égypte et de Syrie. Nos poulets sacrés et nos augures, dont vous vous moquez avec tant de grâce dans votre traité de la Divination, sont des choses sensées en comparaison des horribles absurdités dont je fus témoin. Personne ne les a plus en horreur que la reine Cléopâtre et sa cour. C'est une femme qui a autant d'esprit que de beauté. Vous la verrez bientôt à Rome ; elle est bien digne de vous entendre. Mais, toute souveraine qu'elle est en Égypte, toute philosophe qu'elle est, elle ne peut guérir sa nation. Les prêtres l'assassineraient ; le sot peuple prendrait leur parti, et crierait que les saints prêtres ont vengé Sérapis et les chats.
C'est bien pis en Syrie ; il y a cinquante religions, et c'est à qui surpasssera les autres en extravagances. Je n'ai pas encore approfondi celle des Juifs, mais j'ai connu leurs mœurs : Crassus et Pompée ne les ont point assez châtiés. Vous ne les connaissez point à Rome. Ils s'y bornent à vendre des philtres, à faire le métier de courtiers, à rogner les espèces. Mais chez eux ils sont les plus insolents de tous les hommes, détestés de tous leurs voisins, et les détestant tous ; toujours ou voleurs ou volés, ou brigands ou esclaves, assassins et assassinés tour à tour.
Les Perses, les Scythes, sont mille fois plus raisonnables ; les brachmanes, en comparaison d'eux, sont des dieux bienfaisants.
Je sais bien bon gré à Pompée d'avoir daigné, le premier des Romains, entrer par la brèche dans ce temple de Jérusalem, qui était une citadelle assez forte, et je sais encore plus de gré au dernier des Scipions d'avoir fait pendre leur roitelet, qui avait osé prendre le nom d'Alexandre.
Vous avez gouverné la Cilicie, dont les frontières touchent presque à la Palestine ; vous avez été témoin des barbaries et des superstitions de ce peuple ; vous l'avez bien caractérisé dans votre belle Oraison pour Flaccus. Tous les autres peuples ont commis des crimes, les Juifs sont les seuls qui s'en soient vantés.Ils sont tous nés avec la rage du fanatisme dans le cœur, comme les Bretons et les Germains naissent avec des cheveux blonds. Je ne serais point étonné que cette nation ne fût un jour funeste au genre humain.
Louez donc avec moi notre Lucrèce d'avoir porté tant de coups mortels à la superstition. S'il s'en était tenu là, toutes les nations devraient venir aux portes de Rome couronner de fleurs son tombeau.