LA BIBLE EXPLIQUÉE - Partie 130
Photo de PAPAPOUSS
LA BIBLE EXPLIQUÉE.
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SOMMAIRE DE L'HISTOIRE JUIVE.
DEPUIS LES MACHABÉES
JUSQU'AU TEMPS DE JÉSUS-CHRIST.
(Partie 130)
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Josèphe rapporte qu'un jour le peuple dans le temple jeta des pommes et des citrons à la tête de son prêtre Jannée, qui s'érigeait en souverain, et que cet Alexandre fit égorger six mille hommes de son peuple. Ce massacre fut suivi de dix ans de massacres. A qui les Juifs payaient-ils tribut dans ce temps-là ? Quel souverain comptait cette province dans ses États ? Josèphe n'effleure pas seulement cette question ; il semble qu'il veuille faire croire que la Judée était une province libre et souveraine. Cependant il est certain, autant qu'une vraisemblance historique peut l'être, que les rois d'Égypte et ceux de Syrie se la disputèrent jusqu'à ce que les Romains vinrent tout engloutir.
Après ce Jannée, si indigne du grand nom d'Alexandre, deux fils de ce prêtre qui avait affecté le titre de roi, prirent aussi ce titre, et déchirèrent, par une guerre civile, ce royaume qui n'avait pas dix lieues d'étendue en tous sens. Ces deux frères étaient l'un Hircan second, et l'autre Aristobule second. Ils se livrèrent bataille vers le bourg de Jéricho, non pas avec des armées de trois, de quatre, de cinq et de six cent mille hommes ; on n'osait plus alors écrire de tels prodiges, et même l'exagérateur Josèphe en aurait eu honte ; les armées alors étaient de trois à quatre mille soldats, Hircan fut battu, et Aristobule second resta le maître.
On peut connaître ce que c'était que ce royaume d'Aristobule par un trait qui échappe à l'historien Josèphe, malgré son zèle à faire valoir son pays. "Dieu, dit-il, envoya un vent si violent, qu'il ruina tous les fruits de la terre ; en sorte qu'un muid (1) de froment se vendait dans Jérusalem onze drachmes." Notre muid de blé contient douze setiers (2). Il se trouverait, par le compte de Josèphe, que le setier, dans les temps des famines si fréquentes de la Judée, n'aurait pas valu six sous, en évaluant à dix sous le drachme juif. Qu'on juge par là de ces richesses dont on a voulu nous éblouir (3).
C'est dans ces temps que les Romains, sans trop s'embarrasser de leur prétendue société amicale avec les Machabées, portaient leurs armes victorieuses dans l'Asie-Mineure, dans la Syrie, et jusqu'au mont Caucase. Les Séleucides n'étaient plus. Tigrane, roi d'Arménie, beau-père de Mithridate, avait conquis une partie de leurs États. Le grand Pompée avait vaincu Tigrane ; il venait de réduire Mithridate à se donner la mort ; il faisait de la Syrie une province romaine. Les livres des Machabées ne parlent ni de ce grand homme, ni de Lucullus, ni de Sylla, on n'en sera pas étonné.
Hircan, chassé par son frère Aristobule, s'était réfugié chez un chef d'Arabes, nommé Aréah ou Arétas. Jérusalem avait toujours été si peu de chose, que ce capitaine de voleurs vint assiéger Aristobule dans cette ville.
Pompée passait alors par la Basse-Syrie. Aristobule obtint la protection de Scaurus, l'un de ses lieutenants. Scaurus ordonne à l'Arabe de lever le siège, et de ne plus oser commettre d'hostilités sur les terres des Romains ; car la Syrie étant incorporée à l'empire, la Palestine l'était aussi. Tel était le pacte de société que la république avait pu faire avec la Judée.
Josèphe écrit qu'Aristobule envoya une vigne d'or à Pompée, du prix de cinq cents talents, c'est-à-dire environ trois millions, et il cite Strabon. Mais Strabon ne dit point que le melch Aristobule fit ce présent à Pompée ; il dit que ce fut Alexandre son père. Nous osons croire que Strabon se trompe sur le prix de cette vigne, et que jamais aucun melch de Judée ne fut en état de faire un tel présent, si ce n'est peut-être Hérode, à qui les Romains accordèrent bientôt après une étendue de pays cinq ou six fois plus grande que le territoire d'Aristobule. Les deux frères, Aristobule et Hircan, qui se disputaient la qualité de grand-prêtre, vinrent plaider leur cause devant Pompée pendant sa marche. Il allait prononcer lorsque Aristobule s'enfuit. Pompée, irrité, alla assiéger Jérusalem. Nous avons déjà observé que l'assiette en est forte. Elle pourrait être une des meilleurs places de Lorient entre les mains d'un ingénieur habile. Du moins le temple, qui était la véritable citadelle, pourrait devenir inexpugnable, étant bâti sur la cîme d'une montagne escarpée entourée de précipices.
1 - C'est ainsi qu'Arnauld d'Andilly traduit.
2 - "Ce muid, dit Renouard, était une assez petite mesure du poids d'environ vingt de nos livres, et de laquelle Pline dit : livre XVIII : Siligineœ farinœ modius gallicœ, XXII : libras panis reddit. On voit qu'il n'est ici aucunement question d'une mesure équivalant à douze de nos setiers."
3 - Il est vraisemblable que c'est une erreur de chiffre, et que le texte portait onze cents drachmes. Mais ces onze cents drachmes ne feraient que 550 livres de France, et le prix du setier ne serait que de 45 livres, ce qui ne serait pas exorbitant en temps de famine. Il est des provinces en Allemagne et en France où c'est le prix commun du blé assez ordinairement.