COMMENTAIRE SUR L'ESPRIT DES LOIS - Partie 22

Publié le par loveVoltaire

COMMENTAIRE SUR L'ESPRIT DES LOIS - Partie 22

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COMMENTAIRE

 

SUR L'ESPRIT DES LOIS.

 

 

 

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- Partie 22 -

 

 

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COMMENTAIRE

 

SUR QUELQUES PRINCIPALES MAXIMES

 

DE L'ESPRIT DES LOIS.

 

 

 

 

XLIII.

 

 

 

 

 

 

      "Il résulte de la nature du pouvoir despotique que l'homme seul qui l'exerce le fasse de même exercer par un seul. Le prince est naturellement paresseux, ignorant, voluptueux ; il abandonne les affaires. S'il les confiait à plusieurs, il y aurait des disputes entre eux ; on ferait des brigues pour être le premier esclave ; le prince serait obligé de rentrer dans l'administration. Il est donc plus simple qu'il l'abandonne à un vizir, qui aura la même puissance que lui." (Livre II, chapitre V.)

 

      Cette décision se trouve à la page 27 ; mais nous ne nous en sommes aperçus que trop tard. Elle a déjà été réfutée par les savants que nous avons cités (1). "Elle n'est pas plus juste, disent-ils, que si on supposait la place des maires du palais une loi fondamentale de France. Les abus de l'usurpation doivent-ils être appelés des lois fondamentales ? Le vizirat de la Turquie doit-il être regardé comme une règle générale, uniforme et fondamentale de tous les États du vaste continent de l'Asie ?

 

      Si l'établissement d'un vizir était dans ces pays une loi fondamentale, il y aurait dans tous un vizir, et nous voyons le contraire. Si c'était une loi fondamentale de ceux où il y en a, l'établissement de cet officier devrait avoir été fait lors de l'établissement de la monarchie et de la despotie.

 

      La loi fondamentale d'un État est une partie intégrante de cet État, et sans laquelle il ne peut exister. L'empire des califes a pris naissance en 622. Le premier grand-vizir a été Abou-Moslemah, sous le calife Abou-Abbas-Saffah, dont le règne n'a commencé qu'en 131 de l'hégire.

 

      Donc l'établissement d'un grand-vizir dans les États que l'auteur appelle despotiques n'est pas, comme il le prétend, une loi fondamentale de l'État."

 

 

 

1 - Voyez l'Avant-propos. (G.A.)

 

 

 

 

XLIV.

 

 

 

 

 

      "Les Grecs et les Romains exigeaient une voix de plus pour condamner ; nos lois françaises en demandent deux ; les Grecs prétendaient que leur usage avait été établi par les dieux, mais c'est le nôtre. Voyez Denys d'Halcarnasse, sur le jugement de Coriolan, livre VII." (Page 210, livre XII, chapitre III.).

 

      L'auteur oublie ici que, selon Denys d'Halycarnasse et selon tous les historiens romains, Coriolan fut condamné par les comices assemblés en tribus, que vingt et une tribus le jugèrent, que neuf prononcèrent son absolution, et douze sa condamnation ; chaque tribu valait un suffrage. Montesquieu, par une légère inadvertance, prend ici le suffrage d'une tribu pour la voix d'un seul homme. Socrate fut condamné à la pluralité de trente-trois voix. Montesquieu nous fait bien de l'honneur de dire que c'est la France chez qui la manière de condamner a été établie par les dieux. En vérité, c'est l'Angleterre ; car il faut que tous les jurés y soient d'accord pour déclarer un homme coupable. Chez nous, au contraire, il a suffi de la prépondérance de cinq voix pour condamner au plus horrible supplice des jeunes gens (1) qui n'étaient coupables que d'une étourderie passagère, laquelle exigeait une correction et non la mort. Juste ciel ! que nous sommes loin d'être des dieux en fait de jurisprudence (2).

 

 

 

 

1 - La Barre et d'Etallonde. (G.A.)

 

2 - Ce passage de Montesquieu n'est pas intelligible. Quoi ! il avait fallu une inspiration divine pour juger à la pluralité des voix ? Cet usage n'est-il pas établi nécessairement par l'égalité et par la force, lorsqu'il ne l'est pas encore par la raison ? On a voulu dire apparemment que, le jugement ne pouvant être porté en général que par une pluralité de cinq voix, par exemple, on exigeait celle de six pour condamner : comme si en Angleterre un juré pouvait prononcer le non guilty dès qu'il y a onze voix de cet avis, et le guilty seulement lorsqu'il y a unanimité. La loi des Grecs était encore divine par rapport à celle des Romains, où le jugement à la pluralité des tribus pouvait être rendu à la minorité des suffrages : ce qui était très propre à favoriser aux dépens du peuple les intrigues du sénat ou celle des tribuns. (K.)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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