LA BIBLE EXPLIQUÉE - Partie 126
Photo de PAPAPOUSS
LA BIBLE EXPLIQUÉE.
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ANCIEN TESTAMENT.
(Partie 126)
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CONTINUATION DE L'HISTOIRE HÉBRAÏQUE.
LES MACHABÉES.
On n'a point assez remarqué que le temps d'Alexandre fit une révolution dans l'esprit humain aussi grande que celle des empires de la terre. Une nouvelle lumière, quoique mêlée d'ombres épaisses, vint éclairer l'Europe, l'Asie, et une partie de l'Afrique septentrionale. Cette lumière venait de la seule Athènes. Elle n'était pas comparable, sans doute, à celle que les Newton et les Locke ont répandue de nos jours sur le genre humain, du fond d'une île autrefois ignorée du reste du monde. Mais Athènes avait commencé à éclairer les esprits en tout genre. Alexandre, élevé par Aristote, fut le digne disciple d'un tel maître. Nul homme n'eut plus d'esprit, plus de grâces et de goût, plus d'amour pour les sciences que ce conquérant. Tous ses généraux, qui étaient Grecs, cultivèrent les beaux-arts jusque dans le tumulte de la guerre et dans les horreurs des factions. Ce fut un temps à peu près semblable à ce qu'on vit depuis sous César et Auguste, et sous les Médicis. Les hommes s'accoutumèrent, peu à peu, à penser plus raisonnablement, à mettre plus d'ordre et de naturel dans leurs écrits, et à colorer avec des dehors plus décents leurs plaisirs, leurs passions, leurs crimes même. Il y eut moins de prodiges, quoique la superstition fût toujours enracinée dans la populace, qui est née pour elle. Les Juifs eux-mêmes se défirent de ce style ampoulé, incompréhensible, incohérent, qui va par sauts et par bonds, et qui ressemble aux rêveries de l'ivresse quand il n'est pas l'enthousiasme d'une inspiration divine.
Les sublimes idées de Platon sur l'existence de l'âme, sur sa distinction de la machine animale, sur son immortalité, sur les peines et les récompenses après la mort, pénétrèrent d'abord chez les Juifs hellenistes établis avec de grands privilèges dans Alexandrie, et de là chez les pharisiens de Jérusalem. Ils n'entendaient auparavant que la vie par le mot d'âme ; ils n'avaient aucune notion de la justice rendue par l'Être suprême aux âmes des bons et aux méchants, qui survivaient à leurs corps : tout avait été jusque-là temporel, matériel et mortel chez ce peuple également grossier et fanatique.
Tout change après la mort d'Alexandre sous les Ptolémées et sous les Séleucides. Les livres des Machabées en sont une preuve. Nous n'en connaissons pas les auteurs. Nous nous contentons d'observer qu'en général ils sont écrits d'un style un peu plus humain que toutes les histoires précédentes, et plus d'approchants quelquefois (si on l'ose dire) de l'éloquence des Grecs et des Romains.
C'est dans le second livre des Machabées qu'on voit pour la première fois une notion claire de la vie éternelle et de la résurrection, qui devint bientôt le dogme des pharisiens. Un des sept frères Machabées qui sont supposés martyrisés avec leur mère par le roi de Syrie Antiochus Epiphanes, dit à ce prince (livre II, ch. VII, v. 9.) :" Tu nous arraches la vie présente, méchant prince ; mais le roi du monde nous rendra une vie éternelle, en nous ressuscitant quand nous serons morts pour ses lois."
On remarque encore dans ce second livre la croyance anticipée d'une espèce de purgatoires. Judas Machabée, en faisant enterrer les morts après une bataille, trouve dans leurs vêtements des dépouilles consacrées à des idoles. L'armée ne doute point que cette prévarication ne soit la cause de leur mort (liv. II, ch. XII, v. 43.). "Judas fait une quête de douze mille drachmes, et les envoie à Jérusalem, afin qu'on offre un sacrifice pour les péchés des morts ; tant il avait de bons et de religieux sentiments touchant la résurrection."
Il est évident qu'il n'y avait qu'un pharisien nouvellement persuadé de la résurrection qui pût s'exprimer ainsi.
Nous ne dissimulerons point les raisons qu'on apporte contre l'authenticité et la véracité des livres des Machabées.
I. - On nie d'abord le supplice des sept frères Machabées et de leur mère, parce qu'il n'en est point fait mention dans le premier livre, qui va bien loin par delà le règne d'Antiochus Epiphanes, où l'illustre Mathathias, père des Machabées, n'avait que cinq fils, qui tous se signalèrent pour la défense de la patrie. L'auteur du second livre, qui raconte le supplice des Machabées, ne dit point en quel lieu Antiochus ordonna cette exécution barbare, et il l'aurait dit si elle avait été vraie. Antochius semblait incapable d'une action si cruelle, si lâche et si inutile. C'était un très grand prince, qui avait été élevé à Rome. Il fut digne de son éducation, valeureux et poli, clément dans la victoire, le plus libéral des princes et le plus affable : on ne lui reproche qu'une familiarité outrée qu'il tenait de la plupart des grands de Rome, dont la coutume était de gagner les suffrages du peuple en s'abaissant jusqu'à lui. Le titre d'Illustre, que l'Asie lui donna, et que la postérité lui conserve, est une assez bonne réponse aux injures, lâches ressources des faibles, que les Juifs ont prodiguées à sa mémoire, et que des compilateurs indiscrets ont répétées de nos jours par un zèle plus emporté que judicieux.
Il était roi de Jérusalem, enclavée dans ses vaste États de Syrie. Les Juifs se révoltèrent contre lui. Ce prince, vainqueur de l'Égypte, revint les punir ; et comme la religion était l'éternel prétexte de toutes les séditions et des cruautés de ce peuple, Antiochus, lassé de sa tolérance qui les enhardissait, ordonna enfin qu'il n'y aurait plus qu'un seul culte dans ses États, celui des dieux de Syrie. Il priva les rebelles de leur religion et de leur argent, deux choses qui leur étaient également chères. Antochius n'en avait pas usé ainsi en Égypte, conquise par ses armes ; au contraire, il avait rendu ce royaume à son roi, avec une générosité qui n'avait d'exemple que dans la grandeur d'âme avec laquelle on a dit que Porus fut traité par Alexandre. Si donc il eut plus de sévérité pour les Juifs, c'est qu'ils l'y forcèrent. Les Samaritains lui obéirent ; mais Jérusalem le brava, et de là naquit cette guerre sanglante dans laquelle Judas Machabée et ses quatre frères firent de si belles choses avec de très petites armées. Donc l'histoire du supplice des prétendus sept Machabées et de leur mère n'est qu'un roman.