LA BIBLE EXPLIQUÉE - Partie 119
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LA BIBLE EXPLIQUÉE.
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ANCIEN TESTAMENT.
(Partie 119)
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ESTHER.
(Chapitre II, v. 2.)... Alors les ministres du roi dirent : Qu'on cherche partout des filles pucelles et belles ; et celle qui plaira le plus aux yeux du roi sera reine au lieu de Vasthi...
Or il y avait dans Suse un Juif nommé Mardochée... oncle d'Esther... Et Esther était très belle et très agréable...
Et Esther plut au roi. Ainsi il commanda à un eunuque de l'admettre parmi les filles, et de lui donner son contingent avec sept belles filles de chambre, et de la bien parer elle et ses filles de chambre...
Et Esther ne voulut point dire de quel pays elle était ; car Mardochée lui avait défendu de le dire (1)...
... On préparait les filles destinées au roi pendant un an. Les six premiers mois on les frottait d'huile et de myrrhe, et les six derniers mois de parfums et d'aromates. Et le roi aima Esther par-dessus les autres filles ; et il lui mit un diadème sur le front, et il la fit reine à la place de Vasthi...
(Chapitre III, v. 1.) Après cela le roi éleva en dignité Aman, fils d'Amadath de la race d'Agag, et mit son trône au-dessus du trône de tous les satrapes ; et tous les serviteurs du roi pliaient les genoux devant lui, et l'adoraient (le saluaient en lui baisant la main, ou le saluaient en portant leur main à leur bouche). Le seul Mardochée ne pliait pas les genoux devant lui, et ne portait pas sa main à sa bouche... Aman, ayant appris qu'il était Juif, voulut exterminer toute la nation juive (2)...
... Et on jeta le sort devant Aman, pour savoir quel mois et quel jour on devait tuer tous les Juifs, et le sort tomba sur le douzième mois, etc (3)...
Le roi commanda qu'on allât chez tous les Juifs, dans tout l'empire ; qu'on leur ordonnât de s'assembler, et de tuer tous leurs ennemis avec leurs femmes et leurs enfants, et de piller leurs dépouilles le treizième jour du mois d'Adar...
(Chapitre IX, v. 12.) Et le roi dit à la reine Esther : Vos Juifs ont tué aujourd'hui cinq cents personnes dans ma ville de Suse... Combien voulez-vous qu'ils en tuent encore ? Et la reine répondit : S'il plaît au roi, il en sera massacré autant demain qu'aujourd'hui ; et que les dix enfants d'Aman soient pendus. Et le roi commanda que cela fût fait (4).
1 - Les critiques ont dit que jamais le sultan des Turcs, ni le roi de Maroc, ni le roi de Perse, ni le grand Mogol, ni le roi de la Chine ne reçoit une fille dans son sérail sans qu'on apporte sa généalogie et des certificats de l'endroit où elle a été prise. Il n'y a pas un cheval arabe dans les écuries du grand Seigneur, dont la généalogie ne soit entre les mains du grand-Ecuyer. Comment Assuérus n'aurait-il pas été informé de la patrie, de la famille, et de la religion d'une fille qu'il déclarait reine ? C'est un roman, disent les incrédules ; et il faut qu'un roman ait quelque chose de vraisemblable jusque dans les aventures les plus chimériques. On peut supposer, à toute force, qu'Assuérus ait épousé une Juive ; mais il doit avoir su qu'elle était Juive.
Cette objection a du poids. Tout ce qu'on peut répliquer, c'est que Dieu disposa du cœur du roi, et qu'il laissa son esprit dans l'ignorance.
2 - C'est une coutume très antique en Asie de se prosterner devant les rois, et même devant leurs principaux officiers. Nous avons traduit dans notre langue cette salutation par le mot adoration, qui ne signifie autre chose que baiser sa main. Mais ce mot adoration étant aussi employé pour marquer le respect dû à la Divinité, a produit une équivoque chez plusieurs nations. Les peuples occidentaux, toujours très mal informés des usages de l'Orient, se sont imaginé qu'on saluait un roi de Perse comme on adore la Divinité. Mardochée, né et nourri dans l'Orient, ne devait pas s'y méprendre ; il ne devait pas refuser de faire au strape Aman une révérence usitée dans le pays. On lui fait dire, dans ce livre, qu'il ne voulait pas rendre au ministre du roi un honneur qui n'était dû qu'à Dieu ; ce n'est là que la grossièreté orgueilleuse d'un homme impoli qui se glorifie secrètement d'être oncle d'une reine. Il est vrai qu'il paraît bien improbable qu'on ne sût pas dans le sérail qu'Esther était sa nièce. Mais si on se prête à cette supposition, si Mardochée n'est regardé que comme un pauvre Juif de la lie du peuple, pourquoi ne salue-t-il pas Aman comme tous les autres Juifs le saluent ?
Pour cet Aman qui veut faire pendre toute une nation, parce qu'un pauvre de cette nation ne lui a pas fait la révérence, avouons que jamais une folie si ridicule et si horrible ne tomba dans la tête de personne. Les Juifs ont pris cette histoire au pied de la lettre : ils ont institué une fête en l'honneur d'Esther ; ils ont pris le conte allégorique d'Esther pour une aventure véritable, parce que la prétendue élévation d'une Juive sur le trône de Perse était une consolation pour ce peuple presque toujours esclave.
Si Aman était en effet de la race de ce roi Agag que le prophète Samuel avait haché en morceaux de ses propres mains, il pouvait être excusable de détester une nation qui avait traité ainsi l'un de ses aïeux ; mais on n'égorge point tout un peuple pour une révérence omise.
3 - Les critiques trouvent, avec quelque apparence de raison, Aman bien imbécile de faire afficher et de publier dans tout l'empire le mois et le jour où l'on devra tuer tous les Juifs. C'était les avertir trop à l'avance, et leur donner tout le temps de s'enfuir, et même de se venger ; c'est une trop grande absurdité. Tout le reste de cette histoire est dans le même goût ; il n'y a pas un seul mot de vraisemblable. Où l'écrivain de ce roman a-t-il pris qu'on coupait le cou à toute femme ou concubine du roi qui entrait chez lui sans être appelée ? Cet Aman pendu à la potence dressée pour Mardochée, et tous les épisodes de ce conte du Tonneau, ne sont-ils pas œgri somnia ? Mais voici le plus rare du texte.
4 - Il faut pardonner aux critiques s'ils ont exprimé toute l'horreur que leur inspirait l'exécrable cruauté de cette douce Esther, et en même temps leur mépris pour un conte si dépourvu de sens commun. Ils ont crié qu'il était honteux de recevoir cette histoire comme vraie et sacrée. Que peut avoir de commun, disent-ils, la barbarie ridicule d'Esther avec la religion chrétienne, avec nos devoirs, avec le pardon des injures, recommandé par Jésus-Christ ? N'est-ce pas joindre ensemble le crime et la vertu, la démence et la sagesse, le plat mensonge et l'auguste vérité ? Les Juifs admettent la fable d'Esther ; sommes-nous Juif ? et parce qu'ils sont amateurs des fables les plus grossières, faut-il que nous les imitions ? Parce qu'en tout temps ils furent sanguinaires, faut-il que nous le soyons, nous qui avons voulu substituer une religion de clémence et de fraternité à leur secte barbare, nous qui au moins nous vantons d'avoir des préceptes de justices, quoique nous avons eu le malheur d'être si souvent et si horriblement injustes ?
Nous n'ignorons pas que la fable d'Esther a un côté séduisant ; une captive devenue reine, et sauvant de la mort tous ses concitoyens, est un sujet de roman et de tragédie. Mais qu'il est gâté par les contradictions et les absurdités dont il regorge : qu'il est déshonoré par la barbarie d'Esther, aussi contraire aux mœurs de son sexe qu'à la vraisemblance !