LA BIBLE EXPLIQUÉE - Partie 113
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LA BIBLE EXPLIQUÉE.
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ANCIEN TESTAMENT.
(Partie 113)
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ROIS.
LIVRE IV.
Et le roi Nabuchodonosor emporta tous les trésors de Jérusalem, ceux de la maison d'Adonaï, et ceux de la maison du roi : il brisa tous les vases d'or que Salomon avait mis dans le temple selon le verbe d'Adonaï... Il transporta toute la ville de Jérusalem (1) tous les princes, tous les hommes vigoureux de l'armée, au nombre de dix mille, et tous les hommes ouvriers, et tous les orfèvres... Il fit transporter à Babylone Joachim; et la mère de Joachim, et ses femmes, et ses eunuques, et les juges de la terre de Juda en captivité, et sept mille hommes robustes de Juda, et tous les ouvriers robustes ; ils furent tous captifs à Babylone...
Et il établit roitelet tributaire Mathanias, oncle de Joachim, qu'il appela Sédécias...
La colère d'Adonaï s'alluma plus que jamais contre Jérusalem et Juda ; il les rejeta de sa face. Et Sédécias se révolta contre le roi de Babylone...
Donc le roi de Babylone marcha avec toute son armée contre Jérusalem (Chapitre XXV, v. 1.), et il l'entoura tout autour... Et le neuvième jour du mois il y eut grande famine en Jérusalem, et le peuple n'avait point de pain... Tous les gens de guerre s'enfuirent la nuit par la porte du jardin du roi ; et Sédécias s'enfuit par un autre chemin. Et l'armée des Chaldéens poursuivit le roi, et le prit dans la plaine de Jéricho... Ils l'amenèrent devant le roi de Babylone, dans Réblatha ; et le roi de Babylone lui prononça son arrêt... On tua ses enfants en sa présence, on lui creva les yeux, on le chargea de chaînes, et on l'emmena à Babylone...
Nabuzardan, général du roi Nabuchodonosor, brûla la maison d'Adonaï et la maison du roi, et toutes les maisons dans Jérusalem... Il transporta captif à Babylone tout le peuple qui était demeuré dans la ville ; il laissa seulement les plus pauvres du pays pour labourer les champs et cultiver les vignes.
Nabuzardan emmena aussi Saraïas, le grand-prêtre, et Sophonie, le second prêtre, trois portiers, et un capitaine eunuque, et cinq eunuques de la chambre du roi Sédécias, et Sopher, capitaine qui commandait l'exercice, et soixante chefs qu'on trouva dans la ville... Et Nabuchodonosor, roi de Babylone, les fit tous mourir dans Réblatha.
1 - Nous ne pouvons dire aucune particularité de cette destruction de Jérusalem, puisque les livres juifs ne nous en disent pas davantage ; mais il y a une observation aussi importante que hardie, faite par milord Bolingbroke et par M. Fréret ; ils prétendent que les prophètes étaient chez la nation juive ce qu'étaient les orateurs dans Athènes ; ils remuaient les esprits du peuple. Les orateurs athéniens employaient l'éloquence auprès d'un peuple ingénieux, et les auteurs juifs employaient la superstition et le style des oracles, l'enthousiasme, l'ivresse de l'inspiration, auprès du peuple le plus grossier, le plus enthousiaste, et le plus imbécile qui fût sur la terre. Or, disent ces critiques, s'il arriva quelquefois que les rois de Perse gagnèrent les orateurs grecs, les rois de Babylone avaient gagné de même quelques prophètes juifs.
La tribu de Juda avait ses prophètes qui parlaient contre les tribus d'Israël, et la faction d'Israël avait ses prophètes qui déclamaient contre Juda. Les critiques supposent donc que les nouveaux Samaritains, étant attachés par leur naissance à Nabuchodonosor, suscitèrent Jérémie pour persuader à la tribu de Juda de se soumettre à ce prince. Voici sur quoi est fondée cette opinion. Jérusalem est sur le chemin de Tyr, que le roi de Babylone voulait prendre. Si Jérusalem se défendait, quelque faible qu'elle fût, sa résistance pouvait consumer un temps précieux au vainqueur ; il était donc important de persuader au peuple de se rendre à Nabuchodonosor, plutôt que d'attendre les extrémités où il serait réduit par un siège qui ne pouvait jamais finir que par sa ruine entière.
Jérémie prit donc le parti du puissant roi Nabuchodonosor contre le faible et petit melch de Jérusalem, qui pourtant était son souverain.
Cette idée fait malheureusement du prophète Jérémie un traître ; mais ils croient prouver qu'il l'était, puisqu'il voulait toujours que non-seulement la petite province de Juda se rendît à Nabuchodonosor, mais encore que tous les peuples voisins allassent au-devant de son joug. En effet, Jérémie se mettait un joug de bœuf (Chapitre XXVII.) ou un bât d'âne sur les épaules, et criait dans Jérusalem : Voici ce que dit le Seigneur roi d'Israël : "C'est moi qui ai fait la terre, et les hommes, et les bêtes de somme, dans ma force grande et dans mon bras étendu, et j'ai donné la face de la terre à celui qui a plu à mes yeux ; j'ai donné la terre à la main de Nabuchodonosor mon serviteur, et je lui ai donné encore toutes les bêtes des champs, et tous les peuples de la terre le serviront, lui et son fils, et les fils de ses fils, et ceux qui ne mettront pas leur cou sous un joug et sous un bât devant le roi de Babylone, je les ferai mourir par le glaive, par la famine, et par la peste, dit le Seigneur." (Jérémie, Chapitre XXVII, v. 5-8.)
Jamais il ne s'est rien dit de plus fort en faveur d'aucun roi juif. Jérémie fait dire à Dieu même que ce Nabuchodonosor, qui fut depuis changé en bœuf, est le serviteur de Dieu, et que Dieu lui donne toute la terre à lui et à sa postérité. Ainsi donc (humainement parlant) Jérémie est un traître et un fou aux yeux de ses critiques : un traître, parce qu'il veut soulever le peuple contre son roi, et le livrer aux ennemis ; un fou, par toutes ses actions et par toutes ses paroles, qui n'ont ni liaison, ni suite, ni la moindre apparence de raison. Ils allèguent surtout la fameuse lettre de Séméia au pontife Sophonie : "Dieu vous a établi pour faire fouetter à coups de nerf de bœuf ce fou de Jérémie qui fait le prophète." Ce qui les confirme encore dans leur opinion, c'est que les Juifs retirés en Égypte, où Jérémie se retira aussi, le punirent de mort comme un perfide qui avait vendu son maître et sa patrie aux Babyloniens. Mais c'est la seule tradition qui nous apprend que Jérémie fut lapidé par les Juifs dans la ville de Taphni ; les livres juifs ne nous en disent rien. A l'égard de tant de prisonniers de guerre que Nabuchodonosor, serviteur de Dieu, fit mourir impitoyablement, ce sont là des mœurs bien féroces. Les Juifs avouent qu'ils ne traitèrent jamais autrement les autres petits peuples qu'ils avaient pu subjuguer ; ainsi l'histoire ancienne, ou véritable ou fausse, n'est que l'histoire de bêtes sauvages dévorées par d'autres bêtes.
M. Dumarsais, dans son Analyse, fait une réflexion accablante sur cette première destruction de Jérusalem, et sur les suivantes. Quoi ! dit-il, l'Éternel prodigue les miracles, les plaies et les meurtres, pour tirer les Juifs de cette féconde Égypte où il avait des temples sous le nom d'Iaho, le grand Être ; sous le nom de Knef, l'Être universel ; il conduit son peuple dans un pays où ce peuple ne peut lui ériger un temple perdant plus de cinq siècles ; et enfin, quand les Juifs ont ce temple, il est détruit ! Cela effraie le jugement et l'imagination ; on reste confondu quand on a lu cette inconcevable histoire ; il faut se consoler en disant qu'apparemment les Juifs n'avaient point péché quand l'Éternel les tira d'Égypte, et qu'ils avaient péché quand l'Éternel perdit son temple et sa ville.