LA BIBLE EXPLIQUÉE - Partie 101
Photo de PAPAPOUSS
LA BIBLE EXPLIQUÉE.
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ANCIEN TESTAMENT.
(Partie 101)
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ROIS.
Bénabad, roi de Syrie (Chapitre XX, v. 1.), ayant assemblé toute son armée et sa cavalerie, et ses chars de guerre, et trente-deux rois avec lui, marcha contre Samarie et l'assiègea.
Le roi d'Israël (Chapitre XXII, v. 6.) assembla ses prophètes au nombre de quatre cents, et leur dit : Dois-je aller à la guerre en Ramoth de Galaad ? Et ils lui répondirent : Marche à la guerre dans la ville de Galaad, et le Seigneur la mettra dans ta main.
Le roi Josaphat, roi de Juda (l'ami et l'allié du roi d'Israël Achab), dit aussi : N'y a-t-il point quelque autre prophète pour prophétiser ? Achab répondit au roi Josaphat : Il y en a encore un par qui nous pourrions interroger Adonaï ; mais je hais cet homme-là, parce qu'il ne prophétise jamais rien de bon ; c'est Michée, fils de Jemla (1)...
Cependant Achab, roi d'Israël, fit venir Michée. Le roi d'Israël et le roi de Juda étaient dans l'aire d'une grange, chacun sur son trône, vêtus à la royale, près de Samarie ; et tous les prophètes prophétisaient devant eux. Le prophète Sédékias, fils de Chanaana, se mit des cornes de fer sur la tête, et dit : Ces cornes frapperont la Syrie jusqu'à ce qu'elle soit détruite.
Tous les prophètes prophétisaient de même, et disaient aux deux rois : Montez contre Ramoth en Galaad ; et le Seigneur vous la livrera... Mais Michée, étant interrogé, dit : J'ai vu le Seigneur assis sur son trône (Chapitre XXII, v. 19.), et toute l'armée du ciel rangée à sa droite et à sa gauche, et le Seigneur a dit : Qui de vous ira tromper Achab, roi d'Israël, afin qu'il marche contre Ramoth en Galaad, et qu'il y périsse ? Et un ange autour du trône disait une chose, et un autre ange en disait une autre... Alors un méchant ange s'est avancé, et se présentant devant le Seigneur, il lui a dit : C'est moi qui tromperai Achab. Et Adonaï lui a dit : Comment t'y prendras-tu ? Et l'ange malin a répondu : Je serai un esprit menteur dans la bouche des prophètes ; Adonaï lui a reparti : Oui, tu le tromperas, et tu prévaudras ; va-t'en, et fais cela ainsi.
Le reste des discours d'Achab (Chapitre XXII, v. 39.) et de tout ce qu'il fit, et la maison d'ivoire qu'il construisit, et toutes les villes qu'il bâtit, tout cela n'est-il pas écrit dans le livre des discours et des jours des rois d'Israël ?
1 - Mes prédécesseurs, dans le travail épineux et désagréable de ce commentaire, se sont appliqués à citer et à réfuter milord Herbert, Woolston, Tindal, Toland, l'abbé de Tilladet, l'abbé de Longuerue, le curé Meslier, Boulanger, Fréret, Dumarsais, le comte de Boulainvilliers, milord Bolingbroke, Huet et tant d'autres. Nous nous en tiendrons ici à Milord Bolingbroke ; et nous croirons, en le réfutant, avoir réfuté tous les critiques. Voici donc comme il s'exprime dans son livre aussi profond que hardi, donné au public par l'Écossais M. Mallet, son secrétaire et son disciple :
"Je suis bien aise de voir un roi qui se dit catholique, comme Josaphat, et un roi hérétique, comme Achab, réunis contre l'ennemi commun, contre un infidèle tel que le roi de Syrie, souillé du crime d'adorer Dieu sous le nom d'Adad et de Remnon, au lieu de l'adorer sous le nom d'Adonaï ou de Sabbaoth. Mais je suis fâché de voir le roi d'Israël assez imbécile pour appeler à son conseil de guerre quatre cents gueux de la lie du peuple, qui se disaient prophètes. Je ne sais même où il put trouver ces quatre cents énergumènes, après qu'Elie avait eu la condescendance d'en tuer huit cent cinquante de sa main ; savoir, quatre cent cinquante prophètes commensaux de la reine Jésabel, et quatre cents prophètes des bocages.
Quoique je sache bien que les rois d'Israël et de Juda n'étaient pas riches, et que la ville de Samarie était alors fort peu de chose, cependant je n'aime point à voir deux rois vêtus à la royale, assis chacun sur un trône dans une aire où l'on bat du blé. Ce n'est pas là un lieu propre à tenir un conseil.
Le prophète Sédékias, fils de Chanaana, pouvait prédire aux deux rois des choses agréables sans se mettre deux cornes de fer sur la tête. C'eût été un beau spectacle, si tous les autres prophètes et tous les officiers de l'armée s'étaient mis des cornes pour opiner.
Michée ne se met point de cornes ; mais il est assez fou pour dire qu'il vient d'assister au conseil de Dieu, et qu'il a vu Dieu assis sur son trône, environné de toutes les troupes célestes.
Ce furieux insensé ose attribuer à Dieu deux choses également abominables et ridicules : l'une, de vouloir tromper Achab, roi d'Israël ; l'autre de ne savoir comment s'y prendre.
Mais le comble de l'extravagance est de faire entrer un esprit malin, un diable dans le conseil de Dieu, quoique le peuple hébreu n'eût jamais encore entendu parler du diable, et que ce diable n'eût été inventé que par les Perses, avec qui ce peuple n'avait encore aucune communication.
Dieu ne sait comment le diable s'y prendra. Le diable, qui a plus d'esprit que lui, et plus de puissance, lui dit qu'il se mettra dans la bouche de tous les prophètes pour les faire mentir.
Du moins, lorsque dans le second livre de l'Iliade, Jupiter cherche des expédients pour relever la gloire d'Achille aux dépens d'Agamemnon, il trouve un expédient de lui-même : c'est de tromper Agamemnon par un songe menteur. Il ne consulte point le diable pour cela ; il parle lui-même au songe ; il lui donne ses ordres. Il est vrai qu'Homère fait jouer là un rôle bien bas et bien ridicule à son Jupiter.
Il se peut que, les livres juifs ayant été écrits très tard, le prêtre qui compila les rêveries hébraïques ait imité cette rêverie d'Homère. Car dans toute la Bible le dieu des Juifs est très inférieur au dieu des Grecs, il est presque toujours battu ; il ne songe qu'à obtenir des offrandes, et son peuple meurt toujours de faim. Il a beau être continuellement présent, et parler lui-même, on ne fait rien de ce qu'il veut. Si on lui bâtit un temple, il vient un Sésac, roi d'Égypte, qui le pille et qui emporte tout. S'il donne en songe la sagesse à Salomon, ce Salomon se moque de lui, et l'abandonne pour d'autres dieux. S'il donne la Terre promise à son peuple, ce peuple y est esclave depuis la mort de Josué jusqu'au règne de Saül. Il n'y a point de Dieu ni de peuple plus malheureux.
Les compilateurs des fables hébraïques ont beau dire que les Hébreux n'ont toujours été misérables que parce qu'ils ont toujours été infidèles ; nos prêtres anglicans en pourraient dire autant de nos Irlandais et de nos montagnards d'Écosse. Rien n'est plus aisé que de dire : Si tu as été battu c'est que tu as manqué aux devoirs de ta religion : si tu avais donné plus d'argent à l'Église, tu aurais été vainqueur. Cette infâme superstition est ancienne ; elle a fait le tour de la terre."
On peut dire à Milord Bolingbroke que les écrivains sacrés n'ont pas plus connu Homère que les Grecs n'ont connu les livres des Juifs. Jupiter, qui trompe Agamemnon, ressemble, il est vrai, au dieu Sabbath qui trompe le roi Achab. Mais l'un n'est point emprunté de l'autre. C'était une créance commune dans tout l'Orient, que les dieux se plaisaient à tendre des pièges aux hommes, et à ouvrir sous leurs pas des précipices dans lesquels ils les plongeaient. Les poèmes d'Homère et les tragédies grecques portent sur ce fondement. D'ailleurs l'exemple de la mort d'Achab rentre dans les exemples ordinaires d'une justice divine, qui venge le sang innocent. Achab était très coupable, et méritait que Dieu le punît. Il avait pris dans la ville de Samarie la vigne de Naboth sans la payer ; et il avait fait condamner injustement Naboth à la mort. Il n'est donc ni étonnant ni absurde que Dieu le punisse, de quelque manière qu'il s'y prenne.
A l'égard du luxe d'Achab et de sa maison d'ivoire, ou ornée d'ivoire, cela prouve que les caravanes arabes apportaient depuis longtemps des marchandises des Indes et de l'Afrique. Quelques ornements d'ivoire aux chaises curules furent longtemps la seule magnificence que les Romaines connurent. Quoique les commentateurs reprochent aux écrivains hébreux des hyperboles et de l'exagération, cependant il faut bien que les chefs de la nation hébraïque eussent quelque sorte de décoration.