LA BIBLE EXPLIQUÉE - Partie 89
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LA BIBLE EXPLIQUÉE.
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ANCIEN TESTAMENT.
(Partie 89)
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ROIS.
LIVRE III.
Or le roi David avait vieilli (Chapitre I, v. 1.) ayant beaucoup de jours ; et quoiqu'on le couvrît de plusieurs robes, il ne se réchauffait point. Ses officiers dirent donc : Allons chercher une jeune fille pour le seigneur notre roi, et qu'elle reste devant le roi, et qu'elle le caresse, et qu'elle dorme avec le seigneur notre roi ; et ayant trouvé Abisag de Sunam, qui était très belle, ils l'amenèrent au roi, et elle coucha avec le roi, et elle le caressait, et le roi ne forniqua pas avec elle (1).
Cependant Adonias, fils de David, disait : Ce sera moi qui règnerai... Il avait dans son parti Joab le général des armées, et Abiathar le grand-prêtre ; mais un autre grand-prêtre, nommé Sadoc, et le capitaine Banaias, et le prophète Nathan, et Séméi, n'étaient pas pour Adonias...
Ce prince donna un grand festin à tous ses frères et aux principaux de Juda ; mais il n'invita ni son frère Salomon, ni le prophète Nathan, ni Banaias, ni les autres prêtres.
Alors Nathan dit à Betsabée, mère de Salomon : N'avez-vous pas ouï dire qu'Adonias s'est déjà fait roi, et que notre seigneur David n'en sait rien ? Allez vite vous présenter au roi David... Pendant que vous lui parlerez, je surviendrai après vous, et je confirmerai tout ce que vous aurez dit (2)...
... Le roi David dit : Faites-moi venir le prophète Sadoc, le prophète Nathan, et le capitaine Banaias ; prenez avec vous mes officiers ; mettez mon fils Salomon sur ma mule, chantez avec la trompette, et vous direz : Vive le roi Salomon !...
Les convives d'Adonias se levèrent de table, et chacun s'en alla de son côté, et Adonias alla se réfugier à la corne de l'autel...
(Chapitre II, v. 1.) Or, la mort de David approchant, il recommanda à Salomon, en lui disant : Tu sais ce qu'a fait autrefois Joab, qui mit du sang autour de ses reins, et dans les souliers qu'il avait aux pieds. Tu ne permettras pas que ses cheveux blancs descendent en paix au tombeau, je compte sur sa sagesse... J'ai juré à Séméi que je ne le ferais point périr par le glaive ; mais tu es sage, tu sauras ce qu'il faut faire ; ne permets pas que ses cheveux blancs descendent dans la fosse autrement que par une mort sanglante (3) ; et David s'endormit avec ses pères.
1 - Le R.P. dom Calmet observe qu'une jeune fille fort belle est très propre à ranimer un homme de soixante et dix ans : c'était alors l'âge de David. Il dit qu'un médecin juif conseilla à l'empereur Frédéric Barberousse de coucher avec de jeunes garçons et de les mettre sur sa poitrine. Mais on ne peut pas toute la nuit tenir sur sa poitrine un jeune garçon. On emploie, ajoute-t-il, de petits chiens au même usage. Il faut que Salomon crût que son père avait mis la belle Abisag à un autre usage, puisqu'il fit assassiner (comme nous le verrons) son frère aîné Adonas, pour lui avoir demandé Abisag en mariage, comme s'il avait voulu épouser la veuve ou la concubine de son père.
2 - M Huet ne passe pas sous silence cette intrigue de cour ; il s'élève violemment contre elle. On ne voit point, dit-il, le Seigneur ordonner d'abord que l'on verse de l'huile sur la tête de Salomon, et qu'il soit oint et christ ; tout se fait ici par cabales. L'ordre de la succession n'était pas encore bien établi chez les Juifs ; mais il était naturel que le fils aîné succédât à son père, d'autant plus qu'il n'était point né d'une femme adultère, comme Salomon. L'auteur sacré ne présente pas Nathan comme un prophète inspiré de Dieu dans cette occasion, mais comme un homme qui est à la tête d'un parti, qui fait une brigue avec Betsabée pour ravir la couronne à l'aîné, et qui emploie le mensonge pour parvenir à ses fins : car il accuse Adonias de s'être fait roi, et ce prince avait dit seulement : J'espère d'être roi ; son droit était reconnu par les deux principales têtes du royaume, un grand-prêtre et un général d'armée. C'est une chose étonnante qu'il y ait deux grands-prêtres opposés l'un à l'autre devaient nécessairement exciter des troubles.
M. Huet excuse un peu David, qui était affaibli par l'âge ; mais il ne pardonne ni à Salomon ni à Betsabée, encore moins au prophète Nathan, auquel il donne les épithètes les plus injurieuses. Nous ne pouvons nous empêcher de voir qu'il y avait en effet une grande cabale pour Salomon contre Adonias : mais enfin le doigt de Dieu est partout : il se sert des moyens humains comme des plus divins.
3 - M. Huet dit sans détour que David meurt comme il a vécu. Il a l'horrible ingratitude d'ordonner qu'on tue son général d'armée auquel il devait sa couronne. Il se parjure avec Séméi, après lui avoir fait serment de ne jamais attenter à sa vie. Enfin il est assassin et perfide jusque sur les bords du tombeau.
Le R.P dom Calmet justifie David par ces paroles remarquables : "David avait reçu de grands services de Joab, et l'impunité qu'il lui avait accordée pendant si longtemps était une espèce de récompense de ses longs travaux ; mais cette considération ne dispensait pas David de l'obligation de punir le crime et d'exercer la justice contre Joab. Enfin les raisons de reconnaissance ne subsistaient pas à l'égard de Salomon, et ce prince avait un motif particulier de faire mourir Joab, qui est qu'il avait conspiré de donner le royaume à Adonias, à son exclusion."