LA BIBLE EXPLIQUÉE - Partie 83
Photo de PAPAPOUSS
LA BIBLE EXPLIQUÉE.
________
ANCIEN TESTAMENT.
(Partie 83)
______
ROIS.
LIVRE II.
Cependant il arriva que David (Chapitre XI, v. 2.) s'étant levé de son lit après midi, se promenait sur le toit de sa maison royale ; et il vit une femme qui se lavait sur son toit vis-à-vis de lui. Or cette femme était fort belle. Le roi envoya donc savoir qui était cette femme, et on lui rapporta que c'était Bethsabée, fille d'Eliam, femme d'Urie l'Ethéen.
David l'envoya prendre par ses gens, et dès qu'elle fut venue, il coucha avec elle : après quoi, en se lavant, elle se sanctifia, se purifiant de son impureté...
Et après que David eut fait tuer Urie, la femme d'Urie, ayant appris que son mari était mort, le pleura... Et après qu'elle eut pleuré, David la prit grosse de lui dans sa maison, et l'épousa (1).
Le Seigneur envoya donc Nathan vers David... (chapitre XII, v. 1.). Et Nathan lui dit : Tu as fait mourir Urie l'Ethéen, et tu lui as pris sa femme ; c'est pourquoi le glaive ne sortira jamais de ta maison dans toute l'éternité, parce que tu m'as méprisé et que tu as pris pour toi la femme d'Urie l'Ethéen... Je prendrai donc tes femmes à tes yeux, je les donnerai à un autre, et il dormira avec elles devant les yeux de ce soleil ; car tu as fait la chose secrètement, et moi je la ferai ouvertement à la face d'Israël et à la face du soleil... Et David dit à Nathan : J'ai péché contre le Seigneur. Et Nathan dit à David : Ainsi Dieu a transféré ton péché, et tu ne mourras point (2)...
Et l'enfant qu'il avait eu de Betsabée étant mort, il consola Betsabée, sa femme ; il entra vers elle, et engendra un fils qu'il appela Salomon, et Dieu l'aima (3)...
Or David assembla tout le peuple, et marcha contre Rabbath, et ayant combattu il la prit. Il ôta de la tête du roi son diadème, qui pesait un talent d'or, avec des perles précieuses, et ce diadème fut mis sur la tête de David. Il rapporta aussi un très grand butin de la ville. Et s'étant fait amener tous les habitants, il les scia en deux (Chapitre XII, v. 31.) avec des scies, et fit passer sur eux des chariots de fer ; il découpa des corps avec des couteaux, et les jeta dans des fours à cuire la brique (4).
1 - L'aventure de Bethsabée est assez connue, et n'a pas besoin de long commentaire. Nous remarquerons que la maison d'Urie devait être très voisine de la maison de David, puisqu'il voyait de son toit Bethsabée se baignant sur le sien. La maison royale était donc fort peu de chose, n'étant pas séparée des autres par des murailles élevées, par des tours et des fossés, selon l'usage.
Il est remarquable que l'écrivain sacré se sert du mot sanctifier pour exprimer que Bethsabée se lava après le coït. On était légalement impur chez les Juifs, quand on était malpropre. C'était un grand acte de religion de se laver ; la négligence et la saleté étaient si particulières à ce peuple, que la loi l'obligeait à se laver souvent, et cela s'appelait se sanctifier.
Le mariage de Bethsabée, grosse de David, est déclaré nul par plusieurs rabbins et par plusieurs commentateurs. Parmi nous une femme adultère ne peut épouser son amant, assassin de son mari, sans une dispense du pape : c'est ce qui a été décidé par le pape Célestin III. Nous ignorons si le pape peut en effet avoir un tel pouvoir ; mais il est certain que chez aucune nation policée il n'est permis d'épouser la veuve de celui qu'on a assassiné.
Il y a une autre difficulté : si le mariage de David et de Bethsabée est nul, on ne peut donc dire que Jésus-Christ est descendant légitime de David comme il est dit dans sa généalogie. Si on décide qu'il en descend légitimement, on foule aux pieds la loi de toutes les nations : si le mariage de David et de Bethsabée n'est qu'un nouveau crime, Dieu est donc né de la source la plus impure. Pour échapper à ce triste dilemme, on a recours au repentir de David qui a tout réparé. Mais en se repentant il a gardé la veuve d'Urie ; donc, malgré son repentir, il a encore aggravé son crime : c'est une difficulté nouvelle. La volonté du Seigneur suffit pour calmer tous ces doutes qui s'élèvent dans les âmes timorées. Tout ce que nous savons, c'est que nous ne devons être ni adultères, ni homicides, ni épouser les veuves des maris que nous aurions assassinés. (Voltaire.) - Voyez, dans le Dictionnaire philosophique, l'article DAVID. (G.A.)
2 - On demande si le prophète Nathan, en parlant au prophète David de ses femmes et de ses concubines, avec lesquelles Absalon, son fils, coucha sur la terrasse du palais, lui parlait avant ou après cette aventure. Il nous semble que le discours de Nathan précède de quelques années l'affront que fit Absalon à son père David, en couchant avec toutes ses femmes l'une après l'autre sur la terrasse du palais.
3 - Les critiques prétendent que le Seigneur ne fut point fâché que David eût épousé la veuve d'Urie, puisqu'il aima tant Salomon, né de David et de cette veuve. Nathan a prévenu cette critique, en disant que Dieu a transféré le péché de David. Ce fut le premier-né sur lequel le péché fut transporté ; cet enfant mourut, et Dieu pardonna à son père ; mais la menace de faire coucher toutes ses femmes et toutes ses filles avec un autre, sur la terrasse de sa maison subsista entièrement.
4 - On prétend qu'un talent d'or pesait environ quatre-vingt-dix de nos livres de seize onces ; il n'est guère possible qu'un homme ait porté un tel diadème, il aurait accablé Polypème et Goliath. C'est là où Calmet pouvait dire encore que l'auteur sacré se permet quelques exagérations. Le diadème, d'ailleurs, n'était qu'un petit bandeau.
Il est à souhaiter que les inconcevables barbaries exercées sur les citoyens de Rabbath soient aussi une exagération. Il n'y a point d'exemple dans l'histoire d'une cruauté si énorme et si réfléchie. M. Huet de Londres ne manque pas de la peindre avec les couleurs qu'elle semble mériter. Calmet dit "qu'il est à présumer que David ne suivit que les lois communes de la guerre ; que l'Écriture ne reproche rien sur cela à David, et qu'elle lui rend même le témoignage exprès que, hors le fait d'Urie, sa conduite a été irréprochable." Cette excuse serait bonne dans l'histoire des tigres et des panthères. "Quel homme, s'écrie M. Huet, s'il n'a pas le cœur d'un vrai Juif, pourra trouver des expressions convenables à une pareille horreur ?" Est-ce là l'homme selon le cœur de Dieu ? bella, horrida bella !
Nous croirions outrager la nature, si nous prétendions que Dieu agréa cette action affreuse de David ; nous aimons mieux douter qu'elle ait été commise.